Pêle-Mêle

bouquinerie

Des idées Pêle-Mêle

07/04/21

Bien avant la mode de l'économie circulaire et de la seconde main, la bouquinerie Pêle-Mêle de Bruxelles faisait du recyclage culturel. Devenu tendance, leur commerce est tourné vers l'avenir.

Isabelle Morgante

Au début, il y a la famille Henri : les époux et leur fils, qui vivent des revenus d'une petite bouquinerie de la rue de l'Escalier, au centre de Bruxelles. Nous sommes en 1939, acheter des livres de seconde main est une pratique peu répandue.

La guerre passe, la consommation des années 60 devient outrancière, puis arrivent les chocs pétroliers de 1973 et 1979… nous voici à l'aube des années 80, le magasin existe toujours. C'est à cette époque que Louis et Dominique Oppitz reprennent l'enseigne, Pêle-Mêle, qui entretemps s'est déplacée au boulevard Maurice Lemonnier. Pierre De Wolf et Caroline Oppitz en sont aujourd'hui respectivement gérant et responsable du personnel.

Diplômé de l'ULB en psychologie industrielle et commerciale, Pierre fait partie de ces jeunes qui ont dû travailler pour financer leurs études. "J'ai été student chez Pêle-Mêle dès mars 1998. Lorsque j'ai été diplômé, Étienne Oppitz m'a proposé de rester. J'ai accepté et gravi les échelons pour devenir gérant associé."

Pierre et Caroline sont les artisans de la progression de l'entreprise au cours de ces deux dernières décennies. Dans un marché qui évolue : par exemple, la vente de la revue périodique classique régresse. "Avant, nous en vendions énormément mais sans réelle organisation. Il a fallu mettre de l'ordre dans un secteur qui souffre, aujourd'hui, d'un grand désintérêt. Seules les revues féminines et très spécialisées rencontrent encore un peu de succès. De manière générale, le papier sous cette forme perd du terrain.

Et le gérant d'ajouter : "Je n'ai pas l'impression que les jeunes générations aient la même approche que leurs aînés par rapport au support papier mais ce n'est pas déplaisant."

Pêle-Mêle, en 2021, c'est l'achat et la vente de livres, bandes dessinées, jeux, DVD, CD et autres LP, ainsi que de jeux de plateau ou pour consoles vidéo. L'enseigne compte trois magasins : l'historique du boulevard Lemonnier (dix équivalents temps plein et trois associés), un autre à Ixelles (huit ETP et deux associés), le dernier à Waterloo (cinq employés et trois associés). Ajoutons-y un comptoir au siège de la coopérative éco-responsable Yuman… et une boutique en ligne.

Pêle-Mêle est une véritable PME de l'économie circulaire, qui procure du travail à de nombreux étudiants. La gestion de chacune des entités (chapeautées par une coupole holding) est du ressort des associés.

"Nous avons dû fermer les portes de nos magasins durant le confinement car nous sommes bouquinistes (et pas libraires). Même si nous avons pu renforcer notre boutique en ligne et mettre en place de nouvelles façons de travailler depuis la crise sanitaire, personnellement je fonctionne à l'ancienne, explique Pierre De Wolf. Il m'est plus courant de privilégier le téléphone au mail et ça ne dérange personne."

Travailler "en famille"

Depuis quatre décennies, la famille Oppitz développe la marque Pêle-Mêle. À près de 80 ans, Louis Oppitz reste actif, même si la crise Covid l'a temporairement éloigné des étagères des magasins.

L'entreprise est familiale, mais pas que. "J'ai pu faire ma place même si je n'étais pas un Oppitz, analyse Pierre. J'ai dû accepter puis être en phase avec un certain esprit de famille, doublé d'un réel esprit de corps. Cela passe aussi par de nécessaires engueulades car elles sont l'exutoire de frustrations."

Un sentiment que partage Caroline Oppitz, quotidiennement aux côtés de Pierre. Ensemble, ces deux anciens étudiants jobistes tiennent le gouvernail du bateau, qui vient d'ailleurs d'appareiller pour de nouvelles aventures.

"L'aménagement du piétonnier et la crise sanitaire nous ont appris beaucoup de choses. Nous avons entrepris de gros travaux, de l'ordre de deux millions d'euros, qui vont porter la superficie du magasin de 500 à 800 m² et permettre la construction puis la location de trois appartements. Nous savions que le piétonnier allait engendrer des soucis car il réduisait les possibilités d'arriver au magasin du boulevard Lemonnier et pouvait déplacer la clientèle en périphérie. Comment voulez-vous apporter des caisses de livres en transports en commun ? Nous avions deux possibilités : soit partir, soit investir. Nous avons choisi de rester et de nous projeter dans l'avenir, d'autant que nous n'avons trouvé aucune surface alternative dans le centre-ville. Nous avons fait le pari de suivre le courant et de prendre des risques."

Pari gagnant puisque Pêle-Mêle est toujours bien là et que sa clientèle grandit, portée par les tendances du recyclage, de l'économie circulaire et du courant éco-responsable.

Cela dit, rien n'est jamais acquis et des zones d'ombre planent sur le futur, même si l'achat en seconde main se répand de plus en plus. C'est aujourd'hui plutôt "hype". Et revendre des supports culturels permet à d'autres clients de mettre du beurre dans leurs épinards. Quant aux invendus, une belle partie est donnée à des associations internationales d'éducation, notamment basées en Afrique.

"Depuis quatre ans, nous ouvrons le dimanche pour profiter de la clientèle de brocante des rues Blaes et Haute. La crise sanitaire nous en a privés, ainsi que de 25 % de clients navetteurs, mais nous sommes persuadés que l'avenir sera positif."

Carte d'identité de l'entreprise

Pêle-Mêle

boulevard Maurice Lemonnier 55
1000 Bruxelles
02/ 548 78 00

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