L'innovation au service de tous

Entreprise de construction

L'innovation au service de tous

10/11/23

L'entreprise Nonet a procédé à la démolition d'une tour de plus de 160 mètres de haut à l'aide d'explosifs. Une démarche innovante réalisée, entre autres, dans un esprit d'écoresponsabilité.

Clément Dormal

Une ancienne antenne de l’OTAN, de 162 mètres de haut, a été démolie à l’explosif le jeudi 12 octobre dernier à Court-Saint-Etienne. C'est l'entreprise Nonet qui était à la baguette pour cette démolition se déroulant dans un périmètre particulièrement sensible englobant une conduite de gaz haute pression, une antenne du réseau Astrid ainsi qu’un réservoir d’eau potable. Datant des années 1950, cette tour était dotée de radars de protection et de détection de l’OTAN. Les technologies comme les satellites l’ont rendue obsolète.

Au vu des réalités de ce site, la destruction a été préparée avec une extrême précision pour prévoir la chute. L’antenne a été reconstituée sur base d’une modélisation d’un nuage de points 3D, à l’aide de drones afin d’appréhender au mieux la structure et la manière de la raser. Suite à cette analyse, Nonet a décidé d'opter pour une démolition à l'explosif, et ce pour plusieurs raisons.

La première est la réduction des risques pour la sécurité des personnes. L’autre technique envisagée était une opération classique avec des grues de levage qui aurait généré des dangers tant pour les travailleurs en hauteur que pour les riverains (à cause d'éventuelles chutes d’éléments métalliques). L'utilisation d'explosifs limite par ailleurs le risque à un laps de temps extrêmement court.

Le deuxième avantage de cette méthode est la diminution des nuisances du chantier en termes de durée. La configuration du site a permis de tout exécuter en une seule journée. Les 70 kilos d'explosifs ont été placés le matin et la tour était à terre à la nuit tombée.

La troisième raison, et non des moindres, est environnementale. Cette démolition réalisée à l’explosif présentait un bilan carbone 30 fois moins élevé qu’une démolition au moyen de grues. Cette dernière aurait exigé de disposer de deux grues de levage (comme pour la pose de grandes éoliennes), de terrasser une piste en déplaçant 4.000 m² de terres, d’acheminer plus de 5.000 tonnes d’empierrement et d’ensuite les évacuer. Soit, le travail de deux grues extrêmement énergivores durant dix jours et plus de 500 trajets de camion. La démolition par grues aurait donc aussi eu un impact sur les cultures locales. "Au lieu de faire comme on a toujours fait, on a voulu réfléchir aux méthodes possibles pour faire basculer cette antenne. L'explosif amenait une solution beaucoup plus saine. Cela permettait également de ne pas hypothéquer le futur du sol de l'agriculteur pendant plusieurs années, le temps que la culture puisse reprendre après notre intervention", explique Gilles Durigneux, directeur du pôle démolition du groupe Nonet.

Le désavantage de cette solution se trouvait - comme trop souvent -, du côté administratif, les démarches et formations à suivre pour cette démolition étant beaucoup plus lourdes que pour une procédure classique. "Mais on voulait tester cette solution d'avenir. Le but était aussi d'enlever l'idée reçue autour de l'explosif. C'est un atout, tant pour les questions du bilan carbone que pour la durée de la nuisance". Avec, pour objectif prochain, de réitérer l'expérience dans un nouveau chantier. "Cette démolition a apporté une certaine crédibilité quant aux compétences techniques qu'on peut avoir, car cela a nécessité énormément d'études, de calculs, de mesurage 2.0… Ça nous a sortis de notre zone de confort. Et le message a été perçu, étant donné qu'on a été consulté pour des projets plus importants. On désire que cela devienne une particularité chez nous. Cela ne veut pas dire qu'on gagnera les prochains marchés publics, mais les acteurs qu'on souhaitait sensibiliser l'ont été".

Un attrait pour l'économie circulaire

Cette réflexion écologique chez Nonet ne date pas d'hier. "Cela doit faire partie de l'ADN et des valeurs du personnel et des membres de la direction. Faute de quoi, on regarde juste l'aspect financier. Mais on trouve souvent qu'il y a moyen de joindre ces deux aspects", note Gilles Durigneux.

En 2003 déjà, le groupe acquiert l'entreprise Hublet de Floreffe. Spécialisée dans les terrassements et les démolitions, cette société possédait également un centre de recyclage. L'occasion parfaite de (déjà) se lancer dans un modèle d'économie circulaire. Une réflexion qui est évidemment toujours présente aujourd'hui. Avant la destruction d'un bâtiment, une équipe enlève d'abord tous les matériaux qui ne peuvent être récupérés car trop abîmés. Une fois l’édifice abattu, les déchets sont acheminés dans des broyeurs, qu'on appelle des concasseurs. Ils sont ensuite passés sur différents tamis dont le granulage est réglé en fonction de la demande du marché. Une soufflerie permet par ailleurs de jeter les éléments comme le bois ou l'isolant pour les récolter. Et le groupe va aller encore plus loin l'année prochaine avec une première wallonne. "Il faut savoir qu'on a la génération des 'panneaux sandwichs' qui arrivent. C'est-à-dire des bâtiments avec du béton, de l'isolant, et une autre couche de béton. Ces déchets-là, à part les broyer et avoir un mélange de tout et n'importe quoi, on ne sait rien faire. On va donc installer une station de lavage pour les trier. Les plus légers flotteront et seront ramassés par un peigne alors que ce qui peut être recyclé ressortira totalement propre pour être passé dans les fameux tamis".

Gilles Durigneux.

Gilles Durigneux.

Si, aujourd'hui, l'innovation et le recyclage sont encouragés, il reste encore du travail pour lever de nombreuses idées reçues. "En Belgique, on est quand même des stars à ce niveau-là. La maison ossature bois, on a mis 15 ans de plus que les pays limitrophes pour l'adopter parce qu’on avait une brique dans le ventre et que le bois, ça pourrit…", illustre Gilles Durigneux. "Encore maintenant, il faut vraiment ôter toutes les idées reçues sur le recyclé, sur l'explosif… Sur toutes les innovations en fait. Le recyclage, ça a été une guerre pendant des années. La fédération a dû instaurer des systèmes d'évaluation de qualité vu que, par défaut, le projet était directement écarté. C'est difficile, quand on veut faire les choses correctement, quand on a une motivation qui est réellement orientée vers certaines valeurs, d'être balayé d'un revers de la main pour des idées reçues. Le jour où un marché se présente pour une démolition dans le nucléaire, qu'est-ce qu’on va faire ? Est-ce qu’on va tous avoir peur et se dire qu'on doit prendre son marteau piqueur et placer des mecs à 100 mètres de hauteur, avec les risques que ça entraine, pour ne pas parler d'explosifs ?", se demande-t-il.

S'adapter au marché du travail

Cet esprit d'innovation est cependant un véritable atout dans la guerre des talents que doivent mener quotidiennement les entreprises œuvrant dans le secteur. "Cela montre le souhait de la société de ne pas rester sur ses acquis, dans sa zone de confort, mais de toujours évoluer vers de nouvelles solutions. C'est encore plus important actuellement à l'ère de l'informatique et des réseaux. Mais cela signifie aussi qu'on doit s'adapter aux futurs candidats qui n'ont pas envie de venir travailler 'à la mine'. Ils aspirent à avoir une tablette en main pour analyser une structure comme l'antenne de l'OTAN en trois dimensions avec un drone, plutôt que de l'observer avec une corde et une échelle. Donc oui, l'innovation est un élément chez nous qui peut séduire la nouvelle génération".

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