Produire une bière de tradition en s'adaptant aux enjeux actuels de durabilité, c'est possible ? Oui, la brasserie de Marsinne le fait ! Rencontre avec Nicolas Declercq, l'un des créateurs de la Léopold7.
L'histoire de la Léopold7 débute il y a six ans au château-ferme de Marsinne à Couthuin, quand Nicolas Declercq et Tanguy van der Eecken décident de redonner vie à l'ancienne activité brassicole de ce lieu chargé d'histoire. "La Léopold7 est la première recette réalisée avec Tanguy. Elle était très bien, nous avons donc choisi de la garder !", confie Nicolas (à gauche sur la photo), ingénieur chimiste spécialisé en brasserie. En référence au dernier brasseur en date du château de Marsinne, les fondateurs ont donné le nom Léopold7 à leur produit phare. Le chiffre 7 représente les sept ingrédients qui composent cette bière : trois variétés de grain, trois types de houblon et la "touche" Léopold, un mélange d'épices.
Fort de son parcours dans le monde brassicole, Nicolas a quitté son poste de Madagascar (Brasserie Star) pour se lancer chez nous dans un projet de brasserie innovante et durable : "Quand on a démarré avec Tanguy, l'idée était de conjuguer les bonnes idées des grosses brasseries et de les adapter avec toute la flexibilité des petites structures. Allier l'approche industrielle avec l'approche artisanale, qui place le produit avant l'argent, est un paradoxe terriblement puissant." L'optimisation du processus de brassage tend à minimiser autant que possible les rejets, comme la demande en eau, la consommation énergétique et de ressources. Par exemple, les bouteilles en verre sont sérigraphiées avec des encres végétales, sans métaux lourds. Elles sont également consignées et réutilisées après nettoyage. En production, il n'y a aucune vapeur, tout est récupéré et envoyé dans la chaudière pour chauffer l'eau. L'idée est d'arriver à une énergie 100 % verte à terme. En ce qui concerne les eaux, les rejets sont propres et vont à la rivière. C'est la seule brasserie à ne pas avoir besoin de station d'épuration. L'utilisation de l'eau est également optimisée avec un ratio de 4,7 litres d'eau (production et hors production) par litre de bière produite. C'est un très bon score en sachant que le meilleur ratio mondial est à 3,2 litres. Dans leurs indicateurs, les déchets ont également une place : le but est d'avoir moins de levée possible donc moins de tout venant.
Au-delà du pilier environnemental
Toutefois, l'ingénieur prône une réelle gestion intégrée de la brasserie qui se veut durable dans l'ensemble de sa chaîne de production : "L'aspect environnemental a été dès le départ intégré à la réflexion. Mais pas seulement. Après un an d'activité, d'autres préoccupations se sont naturellement posées. Prenons le cas du choix de la salle à brasser, parmi des constructeurs chinois, italiens, belges... La meilleure offre était chinoise. Mais nous nous sommes rapidement rendu compte qu'on ne voulait pas que notre salle à brasser vienne de Chine, même si c'est 30 à 40 % moins cher. Nous avons alors effectué des recherches et découvert les valeurs durables qui s'appuient sur quatre piliers : économie, écologie, social, participatif. Ils sont rapidement devenus des indicateurs de travail." De fait, la réflexion va au-delà du pilier environnemental et intègre le participatif comme le social : "On ne dit pas juste qu'on est durables parce qu'on gère bien nos déchets. On essaye d'être complets sur le plan écologique, et d'y associer les autres piliers, précise Nicolas. Si on ne prend que le côté écologique du durable, on devient à un moment donné extrémiste sur un point et on oublie complètement les autres facteurs, alors qu'il s'agit d'un ensemble." En outre, la brasserie vise l'équité homme-femme. Y officie notamment Florence (au centre sur la photo) : à 23 ans, elle est la plus jeune brasseuse de Belgique !
Quant au pilier économique, "l'argent n'est pas le plus important, pointe le cofondateur de la Léopold7. Même si le challenge est d'exister encore dans dix ans ! On investit principalement dans l'essentiel, le durable." Dans cette optique, la brasserie de Marsinne contribue à des projets communaux notamment grâce aux panneaux solaires placés sur son toit. En plus de chauffer les eaux, ils génèrent des certificats verts qui sont remis à la coopérative locale Coop'Héron. Cet argent est utilisé dans des actions concrètes et durables au sein de la commune.
Bio ou local ?
Les ingrédients de la Léopold7 sont issus de l'agriculture biologique ou produits localement. Pourquoi cette bière n'est-elle pas 100 % bio ? Penchons-nous sur l'une des céréales utilisées. "Pour des raisons de qualité, le malt d'orge belge est incapable d'être bio une fois tous les deux ou trois ans, argumente Nicolas Declercq. Par exemple, l'année passée, le malt bio venait d'Australie. Produisant en Belgique, je ne peux pas acheter mon malt en Australie ! Est-ce cohérent d'avoir du bio au détriment d'un impact social et carbone indécent ? Ne vaut-il pas mieux privilégier des produits locaux d'agriculteur raisonné ? C'est un débat. En revanche, si le produit n'est pas belge, c'est évident qu'il doit d'office être bio. Ce n'est pas négociable !" Dans ce contexte, la brasserie de Marsinne fait partie d'une collectivité de dix brasseurs wallons liée à l'Apaq-W (Agence wallonne pour une agriculture de qualité) et adhérant au label Terra Brew, qui assure un revenu décent aux producteurs de malt d'orge (infos sur terrabrew.be).
Communiquer sur un produit durable
Responsable commercial au sein de l'équipe Léopold7, Hadrien Dumont est chargé de trouver de nouveaux clients et de transmettre l'image et les valeurs peu conventionnelles de la brasserie. "En plus des thèmes classiques comme la bière et l'histoire de la brasserie, la vision durable amène des sujets concrets à aborder. Une série de gens sont intéressés par ces valeurs : objectif zéro déchet, investissement social, etc. Il y a donc des possibilités de collaboration avec les clients sur ces aspects. Ceux qui sont moins sensibles à ces démarches peuvent se dire simplement que la bière est bonne et qu'en plus, il y a tout un travail de gestion durable derrière", explique Hadrien. Il y a toutefois des difficultés à surmonter quand on communique sur une bière qui se veut durable. Par exemple, il ne faut pas tomber dans l'excès. "Nous n'avons pas envie d'être considérés comme une entreprise qui fait du greenwashing, insiste Nicolas Declercq. Nous voulions communiquer sur ces valeurs quand la brasserie serait crédible et là, c'est le cas."
À terme, la brasserie devrait s'agrandir et déménager dans un endroit optimisé avec des moyens encore plus engagés durablement. Les locaux actuels serviraient alors à la production de kombucha, une boisson pétillante à base de thé noir ou vert fermenté. "Après la Léopold7 en canette, l'idée est de lancer le kombucha en canette. On avait démarré il y a six ans avec des bouteilles de 33 cl en se demandant ce que serait le futur du marché... La même question se pose aujourd'hui. Et pour moi, le futur du marché, c'est la canette ! Car l'aluminium est quasi indéfiniment recyclable..."
Carte d'identité de l'entreprise
Léopold7 - Vandevecq SA
Dirigeant : Nicolas Declercq Emploi : 6 personnes
Brasserie de Marsinne rue de la Médaille 17 4218 Couthuin
Trois questions à Pierre-Étienne Durieux, coordinateur 4ECO...
Pierre-Étienne Durieux.
- Le brassage artisanal et la micro-brasserie ont le vent en poupe. Cette activité est-elle fortement réglementée ?
- Les brasseries n'échappent pas au respect des règles de sécurité alimentaire en vigueur. Avant de débuter l'activité, elles doivent obtenir une autorisation de l'Afsca (Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire). Il y a aussi des obligations liées à la traçabilité des produits. De plus, une attention doit être portée à la qualité de l'eau utilisée dans le procédé. Dans certains cas, des analyses préalables seront requises.
- Le brassage consomme énormément d'eau et d'énergie. Existe-t-il des financements qui facilitent la mise en place de procédés économes en ressources ?
- Des dispositifs wallons ont été mis sur pied pour aider les entreprises à diminuer leur empreinte écologique. C'est le cas d'Easy Green, proposé par la Sowalfin. Il encadre et facilite les investissements durables dans une entreprise par différents soutiens financiers : des prêts à taux attractif, de la garantie, voire même en capital...
- Les drêches (résidus du brassage) représentent le principal volume de déchets d'une brasserie. Leur valorisation est-elle possible ?
- Les drêches peuvent être valorisées de très diverses manières, allant du compost à l'alimentation animale. On les retrouve aussi dans nos produits alimentaires sous forme de farine pour le pain, les crackers, les cookies, etc. Au-delà de l'alimentation, les drêches sont utilisées dans des procédés de méthanisation ou de fabrication de biocarburants. De plus, les recherches sont prometteuses quant à leur utilisation dans les domaines des biomatériaux notamment !
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