Secrétaire Général CESE Wallonie
06/10/23
Luc Simar (57 ans) est Secrétaire général du CESE Wallonie (Conseil économique, social et environnemental de Wallonie) depuis le 1er juin 2020.
Verviétois d’origine établi en région namuroise, il est titulaire d’une maîtrise en sciences économiques et sociales (UNamur) et d’une maîtrise en gestion fiscale (Solvay Brussels School). Luc Simar a été chercheur à l’UNamur de 1989 à 1994, puis conseiller au service d’études de la CSC de 1994 à 2009.
Dès 2009, il a exercé la fonction de Secrétaire général adjoint du Conseil. Le Secrétaire général est le garant du bon exercice des missions du CESE Wallonie. Il est responsable de la gestion administrative du Conseil et de la direction de l’ensemble du personnel.
Le CESE doit être mieux connu
Le CESE Wallonie a 40 ans. Organisme consultatif, il réunit organisations patronales, syndicales et associations environnementales. Il émet des avis dans différents domaines de compétence en Wallonie. Il est un acteur essentiel de la fonction consultative et de la concertation sociale à l’échelle wallonne.
Luc Simar, peu de personnes connaissent le CESE Wallonie. Qu’y fait-on ?
Le CESE est un organisme qui permet aux interlocuteurs sociaux (patronaux et syndicaux) et aux associations environnementales de se réunir pour dialoguer et émettre des avis dans les domaines de compétence de la Wallonie. Le Conseil rassemble en un seul lieu les représentants de nombreux acteurs : entreprises, travailleurs salariés, indépendants, agriculteurs, secteur à profit social …
Vous étiez chercheur et vous voici "les mains dans le cambouis". Comment s’est passée la transition ?
J'ai toujours travaillé sur l'aspect du développement socio-économique de la Wallonie. Les rencontres au sein de la fonction consultative sont surtout intéressantes, pouvoir échanger des arguments, même si on n'a pas le même point de vue au départ. Cela enrichit tout le monde et la construction des avis. La direction du Conseil comporte également l'aspect 'management du personnel' et le fonctionnement d’un organisme public qui sont quand même très différents d'un fonctionnement privé.
L’un des axes du mémorandum politique UCM, c’est la simplification administrative. Quelle est votre vision de la situation ?
La simplification administrative est un dossier important pour le Conseil. Dans ses avis, des recommandations ont été émises. Pas mal de progrès ont été faits, en tout cas en termes de conscientisation. Lors de chaque nouvelle réglementation, changement de décret ou d'arrêté, le CESE insiste sur l'aspect mise en œuvre, formulaires administratifs, identification unique, communication entre les deux parties et digitalisation, pour atteindre plus de fluidité. Nous devons également veiller à ce que tout le monde ait accès aux services, même les personnes éloignées du numérique.
Où se trouve l’urgence selon vous ?
Il faut que toute PME puisse suivre l'évolution de son dossier et que le partage de données soit accessible aux différentes institutions qui travaillent avec le même objectif, par exemple au sein des services du Gouvernement wallon. Il faut améliorer l’échange de données, la transversalité, idéalement avec le fédéral lorsque c’est utile. La transversalité des banques de données devrait permettre aux administrations, par exemple, d’entrer plus facilement en contact avec des PME susceptibles de remporter des marchés publics. C’est là un des axes de la stratégie régionale de la commande publique.
Où se situe le CESE sur le grand échiquier wallon ?
Quand le gouvernement wallon prépare un décret ou un arrêté, il sollicite l’avis du CESE. Une discussion s’ensuit entre les représentants des organisations patronales, syndicales et environnementales sur ce projet de décret ou d’arrêté, avec l’apport et l’expertise du personnel du Conseil. Le travail ici, c'est surtout essayer de rassembler des points de vue pour avoir des propositions qui soient les plus communes possibles et peser sur la décision. Ces avis sont adressés au Gouvernement wallon mais sont également rendus publics, à travers le site internet.
En 2018, le CESE a ouvert ses portes à des organisations environnementales. Pourriez-vous le faire pour d'autres ? Et si oui, lesquelles ?
L’environnement est une question sociétale. Aujourd’hui, dans nos avis, les aspects économiques, sociaux et environnementaux ont la même valeur. Cela dit, si l’on compare la composition du CESE Wallonie au Conseil économique et social régional français, on y recense d’autres associations représentatives, comme celles des familles, de la culture ou de la pauvreté. On pourrait imaginer aller dans ce sens-là, mais il n'y a ni option, ni choix, ni propositions en ce sens pour l'instant. Au niveau belge, la composition du CESE Wallonie est unique puisque nos collègues de Bruxelles et de Flandre sont restés dans une composition paritaire.
Par ailleurs, depuis la sixième réforme de l’État, nous avons des contacts plus soutenus avec le Conseil central de l'économie, le Conseil national du travail ou les autres Conseils économiques et sociaux régionaux. Nous nous réunissons trois ou quatre fois par an, ce qui n'était pas le cas avant. Nos échanges sont réguliers pour suivre l’actualité de chacun et éventuellement travailler sur des dossiers communs.Les crises sanitaire et énergétique ont-elles modifié votre travail ?
Durant la crise sanitaire, le CESE Wallonie a bien entendu poursuivi ses activités et a rendu ses avis. La manière de travailler a changé. Nous avons expérimenté le travail à distance, les réunions ont été organisées en visioconférence et le télétravail a été instauré pour le personnel. Aujourd’hui, les activités ont repris avec un équilibre entre le présentiel et le distanciel.
Les rapports entre les gens changent le fonctionnement du Conseil ?
Oui, je pense. On s’est rapidement rendu compte qu'une partie du fonctionnement des discussions repose totalement sur les personnes qui doivent se faire confiance et se connaître un peu. Dans la concertation, il faut être capable d’écouter les arguments, même si on n'est pas d'accord. Le distanciel ne permet pas ces échanges. Cela dit, la crise sanitaire a retardé pas mal de dossiers de la législature.
Le retard n'est pas encore absorbé ?
De nombreux projets législatifs arrivent sur la table du Gouvernement en cette fin de législature et sont soumis au Conseil pour avis. Il n’est pas sûr qu’ils puissent achever leur parcours parlementaire d’ici la fin de la législature. Le Gouvernement et les administrations consacrent beaucoup d’énergie au plan de relance de la Wallonie, qui comporte une dynamique de projets d'investissement. Les aspects plus réglementaires prennent plus de temps.
Un plan de relance très vaste. C’est regrettable ?
C’est le point de vue des partenaires sociaux et environnementaux qui ont identifié quatre priorités : le développement économique et industriel, la transition énergétique, la formation et la lutte contre la précarité... Le plan de relance dans sa globalité concerne tellement de projets et de domaines que les liens avec ces objectifs ne sont pas toujours établis."
L’un des derniers avis rendus par le CESE concerne la mise au travail de travailleurs étrangers. Peut-on y voir une aide pour contrer la pénurie de main-d'œuvre ?
C’est certainement un des moyens. Un des points essentiels de l’avis concerne les travailleurs d’origine étrangère installés en Belgique. La procédure pour les engager est beaucoup trop rigide. Le fédéral a un rôle à jouer, d’autant qu’il s’agit souvent de personnes qualifiées, qui ont déjà travaillé et pourraient être engagées.
À cela s’ajoute l’image de l’enseignement qualifiant…
Il y a le défi de la revalorisation de l'enseignement qualifiant, de la formation en alternance où effectivement les interlocuteurs sociaux, les gouvernements disent "C'est ça qu'il faut faire, qu’il faut améliorer ", etc. Mais ça prend énormément de temps. Le CESE insiste aussi sur l'orientation positive vers les métiers du qualifiant.
Sortir de l’image de voie de garage ?
Oui, mais dans les faits, on ne voit pas encore le changement. L’étude de l’asbl 'Agir pour l’enseignement' dresse pas mal de constats. Il faut maintenant avancer vers les recommandations et les actions pour développer ces filières. À la fois, revaloriser l'enseignement qualifiant et développer l'alternance.
Un des axes du mémorandum UCM est la participation du monde des entreprises au programme de formation des apprenants. Qu’en pense le CESE Wallonie ?
Ces dernières années, nous avons peu investi les politiques relevant de la Fédération Wallonie-Bruxelles. C'est probablement un point d'amélioration pour les années à venir de suivre plus l'aspect enseignement, culture, etc. Le CESE et les interlocuteurs sociaux sont cependant actifs sur les politiques croisées entre la FWB et les régions comme le service francophone des métiers et des qualifications (SFMQ) qui, en collaboration avec les interlocuteurs sociaux, a fait de nombreuses propositions d’adaptation des référentiels métiers pour l’enseignement et la formation ces dernières années ; mais l'implémentation dans les programmes ne suit pas assez rapidement.
Abordons le cas de l'Observatoire du commerce. Où en est-il ? Va-t-il disparaitre ?
Pour l’instant, il poursuit son travail. Il y a toujours beaucoup de dossiers examinés. Dans le cadre de la réforme du CoDT (Code du Développement Territorial), le projet du Gouvernement est de garder une instance consultative propre pour les implantations commerciales, mais d'en faire une section du Pôle aménagement du territoire. L'UWE trouve que c'est une bonne idée, les organisations syndicales et les représentants des indépendants souhaitent le maintien de l'Observatoire et des règles actuelles.
Le CESE Wallonie s’est-il penché sur la question de la digitalisation et de l’avenir du commerce ?
Oui, dans le mémorandum à venir, il y aura certainement un aspect lié à la fois au commerce et à la digitalisation. En outre, en collaboration avec l’Observatoire, il a organisé début 2023 un séminaire consacré à l’e-commerce, dont une synthèse a été publiée dans la revue Wallonie.
40 ans d’existence et un séminaire pour marquer l’anniversaire sur le thème "actions passées, enjeux présents, défis futurs". Quels sont-ils pour le secrétaire général que vous êtes ?
40 ans, c’est l’âge de la maturité. On regarde dans le rétroviseur mais on mise aussi sur l’avenir, notamment pour renforcer nos liens avec le Parlement, parce qu'on a peu d'échanges avec lui, même si les parlementaires reçoivent nos avis. Il nous faut toujours mieux faire connaître nos activités, diffuser nos avis. On y travaille régulièrement, notamment au travers d’une newsletter à destination de la presse et du grand public. Les compétences de la Fédération Wallonie-Bruxelles pourraient être plus suivies. Le Conseil a également l’opportunité d’émettre plus d’avis d’initiative.
Quels sont les défis du CESE du futur ?
Concilier le développement économique et social avec les enjeux environnementaux, dont la réduction des émissions de CO2, en plus de l'adaptation aux changements climatiques. Cela demande des travaux importants de conciliation et d'orientation des différentes politiques, et un travail transversal. Notre organisation permet de fonctionner de cette manière-là.
Quels sont les atouts et les qualités de la Wallonie ?
Le principal atout, ce sont les personnes et le territoire, notre statut de terre d’innovation scientifique et la disponibilité des terrains. Un point faible de la Wallonie, c'est la faiblesse du niveau d’activités économiques (PIB). Il devrait y avoir plus d’entreprises, des entreprises plus grandes, qui engagent plus de personnel et exportent plus.
À cause de la pénurie de main-d’œuvre ?
Oui, c’est un des freins. Mais n’oublions pas que la Wallonie a des visages multiples car si on regarde le Brabant wallon, il est au niveau de la Flandre et même au-dessus. Donc il faudrait que toute la Wallonie soit comme le Brabant wallon !
Quelles sont les différences marquantes de travail avec votre homologue flamand ?
Ils publient plus de dossiers de fond et mènent des études, notamment en matière de finances publiques, d’emploi, d’énergie ou de mobilité. Les avis sont assez comparables aux nôtres sur les orientations et les prises de position. Les matières traitées couvrent aussi celles de la Communauté. Ils parviennent régulièrement, dans les matières liées à l’emploi et à la formation, à des accords entre interlocuteurs sociaux qui font ensuite l’objet de négociations avec le Gouvernement.
Nous avons le même président (Pierre-Frédéric Nyst, Président UCM assume aussi la présidence du CESE depuis juin dernier, et ce pour deux ans, ndlr). Son prédécesseur était Jean-François Tamellini, des personnalités radicalement différentes !
Le Président du CESE a ses propres activités et engagements mais lorsqu’il siège au Conseil, il représente l'ensemble des organisations constitutives. Tous les deux parviennent à mettre de côté leurs positions propres dans les débats.
Y a-t-il eu une "patte" Tamellini et quelle doit être la patte Nyst ?
Oui, Jean-François Tamellini a mis l’accent sur les dossiers énergétiques et le Plan de relance, tout en mettant du 'liant' entre les personnes puisqu’il est arrivé en pleine crise sanitaire. Je pense que Monsieur Nyst peut apporter du dynamisme, porter la voix du Conseil à l'extérieur, notamment au niveau fédéral, et donner davantage de visibilité aux travaux du Conseil auprès des responsables d’entreprises.
Vous aimeriez bénéficier de notoriété ?
Certainement, oui. Ce sera un des chantiers du CESE Wallonie. Les 40 ans du conseil sont une occasion à la fois de célébrer le passé, mais aussi de tracer de nouvelles perspectives pour la fonction consultative et la concertation sociale en Wallonie.
Contexte
Gagner en visibilité
Le CESE Wallonie, c’est un peu le métronome de la Wallonie. Il équilibre les relations entre organisations patronales, syndicales et environnementales. C’est là où chacun apprend à s’écouter, à concerter pour que l’intérêt commun soit gagnant.
Son avis n’est "que" consultatif mais sa vision à 360 degrés des changements de notre société est précieuse. Une Wallonie qui bouge, qui mise sur son avenir – notamment technologique – et pour laquelle le chemin vers la reconnaissance est encore long.
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