Le système des points est juste, sûr et durable

Daniel Bacquelaine (MR), ministre des Pensions
22/11/17

- Peut-on résumer la pension à points en quelques mots ?

- C'est un mode de calcul du montant de la pension plus lisible et plus objectif que le système actuel, terriblement complexe et injuste. Il renforce le lien avec le travail effectif et les cotisations payées, indépendamment du statut. Il tient mieux compte de la durée de la carrière et de la pénibilité du travail effectué. Enfin et surtout, c'est un système qui permet de revaloriser les pensions minimum et de garantir la soutenabilité, le paiement des retraites dans la durée.

 

- Vous recevez beaucoup de courrier, dit-on, de gens qui craignent une baisse des pensions ?

- C'est tout à fait normal qu'une réforme suscite des inquiétudes, donc des lettres. Si je ne faisais rien, je n'aurais sans doute pas de courrier alors qu'il y aurait de quoi être beaucoup plus inquiet pour l'avenir ! Quand on change le système, inévitablement, chacun se pose deux questions : quand est-ce que je pourrai partir à la pension et combien vais-je recevoir ?

 

- Beaucoup de gens vont toucher moins ?

- Globalement, les retraités auront une meilleure pension. En allongeant la carrière, en travaillant un peu plus longtemps, les droits seront plus élevés. Les organismes économiques belges et internationaux sont unanimes : la réforme va réduire le risque de pauvreté et augmenter la pension moyenne, en particulier pour les femmes.

 

- C'est possible parce que si la retraite se prend plus tard, le budget pension est réparti sur moins de têtes...

- Exactement. Si quelqu'un travaille deux ans de plus, pendant deux ans, la Sécu économise 100 % de sa pension puisqu'elle ne la paie pas.

 

- La réforme fera quand même des perdants. Par exemple les salariés qui bénéficient d'"années assimilées" (chômage, maladie...).

- C'est vrai que certaines personnes, qui ont des carrières avec plusieurs années non travaillées, auront un peu moins. Ce n'est que justice ! Aujourd'hui, des gens qui ont travaillé dur et longtemps reçoivent moins que leurs voisins qui ont très peu travaillé. Une partie du courrier que je reçois dénonce cette réalité. Le système à points est beaucoup plus équitable.

 

Des vices cachés ?

- En retardant le départ à la retraite, ne va-t-on pas assister à un simple transfert budgétaire, des pensions vers l'invalidité, le chômage...

- Il s'agit d'allonger les carrières, pas de bloquer tout le monde jusqu'à 67 ans, alors même que 10 % seulement des salariés vont aujourd'hui jusqu'à 65 ans. La réalité, c'est que nous allons instaurer une plage de départ à la retraite entre 60 et 67 ans, pour arriver à un départ en moyenne à 63 ans. En Belgique, la pension se prend en moyenne à 60 ans. C'est trois ans en dessous de la moyenne européenne. Nous voulons nous rapprocher de cette moyenne. Je ne crois pas que le Belge ait une incapacité consubstantielle à travailler aussi longtemps que les autres Européens. Nous avons au contraire l'atout d'un système de soins de santé très performant.

 

- D'accord, on maintient des aînés en activité. Du coup, on engorge le marché du travail pour les jeunes, non ?

- C'est tout le contraire ! Nous ne sommes pas dans une économie malthusienne (NDLR : restriction volontaire de la production, prônée par Thomas Malthus) ; le volume de travail n'est pas fixe. Il est clair, quand on regarde l'Allemagne ou la Grande-Bretagne, que l'allongement des carrières favorise l'emploi des jeunes. J'ajoute que de nombreux métiers sont déjà en pénurie. À l'extinction du papy boom, la population en âge de travailler va diminuer. On sera bien contents de pouvoir compter sur une main-d'œuvre plus âgée.

 

- Pour faciliter le maintien au travail, peut-on espérer la pension à mi-temps ?

- La pension partielle sera intégrée dans la loi sur la pension à points. Il reste à fixer l'âge où chacun pourra décider de prendre la moitié, ou le quart, ou les deux tiers de sa pension et continuer à travailler le reste du temps, en accumulant de nouveaux points. Cet assouplissement bénéficie aux salariés bien sûr, mais aussi aux entreprises qui pourront garder leurs collaborateurs les plus âgés, bénéficier de leur expérience et de leur savoir-faire, sans payer un temps plein au barème maximum de la fin de carrière.

 

- La pénibilité du travail est une variante importante de la pension à points. N'est-ce pas, par nature, une usine à gaz ?

- Le risque existe. En France, les critères sont si nombreux et précis qu'il faut engager du personnel pour contrôler la pénibilité. Nous avons un consensus sur une définition beaucoup plus simple pour la fonction publique. Dans le privé, nous attendons un accord entre employeurs et syndicats. Je ne veux rien imposer, mais je crois qu'il faut des critères simples et acceptés par la population. Sur les horaires de nuit ou les travaux physiques lourds, il n'y a pas de contestation. Il faut aussi du bon sens : certains métiers sont impossibles à exercer jusqu'à 67 ans. C'est déjà la réalité. Je ne connais aucune institutrice maternelle ou infirmière de salle d'opération qui travaille jusqu'à 65 ans.

 

- Les employeurs pourraient-ils subir des charges supplémentaires s'ils fournissent des emplois pénibles ?

- Non. J'ai été très clair. L'introduction d'un critère de pénibilité ne doit entraîner aucune charge nouvelle pour les entreprises, ni en cotisations, ni en administration.

 

Pas touche au pouvoir d'achat des retraités

- Les syndicats, en particulier la FGTB, affirment que la pension à points permettra de réduire les montants versés, puisque la valeur du point sera déterminée chaque année...

Daniel Bacquelaine (MR)

 

- La façon la plus aisée de critiquer, c'est d'inventer. Vous inventez quelque chose qui n'existe pas et qui justifie votre opposition.

 

- La valeur du point ne baissera jamais ?

- La valeur du point ne baissera jamais. Ce sera inscrit dans la loi.

 

- Elle sera indexée ?

- Oui, bien entendu.

 

- Il n'y aura plus de saut d'index sur les pensions ?

- Ah ça, c'est autre chose. Si un gouvernement devait encore décider un saut d'index, il s'appliquerait à tout le monde. Ce n'est pas nouveau et je rappelle que le dernier saut d'index a été socialement compensé pour les allocations les plus basses.

 

- Pas d'inquiétude, donc, pour le pouvoir d'achat des retraités ?

- Je dis depuis le début de la réforme que diminuer le pouvoir d'achat des pensionnés, qui consacrent la quasi-totalité de leurs revenus à la consommation, serait nocif pour la croissance, les indépendants et les entreprises. Nous allons au contraire lier la valeur du point à l'évolution des salaires. Ils n'ont jamais diminué depuis la guerre. Il peut y avoir des périodes de stagnation, mais de régression, c'est inimaginable.

 

Cette réforme est irrévocable

- Le gouvernement est en place depuis trois ans et demi et il ne lui reste qu'un an et demi. La réforme va vraiment se faire ?

- Bien sûr ! Elle déjà faite en grande partie. L'âge de départ à la retraite, anticipée ou non, a été relevé. La limite des 45 ans de carrière a sauté : on peut se constituer des droits supplémentaires en restant actif. Le deuxième pilier (pensions complémentaires) est ouvert à tous, y compris les contractuels de la fonction publique et les 400.000 indépendants en personne physique, avec un rendement garanti. La pension minimum a été augmentée comme jamais, de 90 euros par mois pour les salariés et 160 euros par mois pour les indépendants en trois ans.

 

- Il reste des arbitrages à faire et des textes importants à voter...

- Oui, mais nous sommes parfaitement dans les temps pour voter la base légistique en 2018. Les administrations pourront alors travailler à la mise en œuvre de la pension à points. Le basculement se fera en 2025.

 

- Sauf si une autre majorité détricote ce que vous avez fait...

- Personne ne va prendre le risque de mettre en péril le paiement des pensions. Donc, personne ne va oser commettre un acte destructeur, idéologique et contreproductif.

 

- Même pas le PTB ?

- S'il arrive au pouvoir, nous serons tous dans la misère. Le problème sera différent.

 

- Elio Di Rupo, président du PS, a dit qu'il voulait revenir au départ à 65 ans...

- Je ne sais plus qui a dit qu'on reconnaît les hommes d'État aux bêtises qu'ils ne disent pas plutôt qu'à ce qu'ils font. Allons ! Même son ami Jean-Pascal Labille, patron des mutualités socialistes, a dit que ce serait stupide de revenir à 65 ans. Vous savez, partout en Europe, c'est 67 ans, sauf en Pologne où ils ont un gouvernement populiste et en France. Mais en France, le président Emmanuel Macron veut instaurer la pension à points. En fait, il démarre la même réforme que la nôtre, avec quelques années de retard.

 

Les perspectives des indépendants

- La pension moyenne des indépendants, malgré les améliorations, reste très basse. Y a-t-il quelque chose à espérer à court terme ? 

- Oui. D'une part, nous allons continuer à mobiliser les enveloppes bien-être prioritairement pour relever les pensions minimum. D'autre part, nous allons augmenter à nouveau en janvier, de 0,7 %, les montants minimaux pour les carrières complètes. Dans les deux cas, les indépendants sont les principaux bénéficiaires.

 

- Le système à points est favorable aux indépendants ?

- Bien sûr. La pension légale sera davantage liée aux années travaillées, aux cotisations versées et à la pénibilité, sans référence au statut. Le deuxième pilier sera ouvert aux indépendants en personne physique. Il n'y aura plus de discrimination.

 

- À terme, pensez-vous qu'il n'y aura plus qu'un seul système de retraite ?

- Oui, et cela va se faire tout seul, sans intervention autoritaire. Les rapports sociaux évoluent avec l'économie collaborative et l'"uberisation". Tous les futurologues annoncent des relations de travail plus souples et plus variées. Les cloisons entre les statuts vont s'effacer. 

 

- Le problème, c'est que les financements sont très différents...

- Prestations et contributions vont évoluer en même temps.

 

- Avec une perspective de hausse des cotisations ?

- Non. Elles ont diminué, pour les indépendants comme pour les salariés. C'est la vision libérale de dire que si on crée des emplois, si on élargit l'assiette, on peut réduire les prélèvements.

 

- La difficulté est de faire contribuer les nouveaux statuts...

- D'où la nécessité de la pension à points, qui permet d'harmoniser les statuts en tenant compte objectivement du travail fourni et des cotisations versées. Le système permet d'accompagner l'évolution naturelle des rapports sociaux, qui va abolir, peu à peu, la séparation entre les différents régimes.  

 

 

 

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