Adrien Dolimont

Ministre-Président de la Région wallonne
13/09/24

Adrien Dolimont est né en septembre 1988 à Montigny-le-Tilleul. Il a grandi dans une fratrie de quatre enfants où le sport est un dénominateur commun. En 2006, il a 18 ans et prête serment devant le collège communal de Ham-Sur-Heure-Nalinnes. Un record de précocité pour un échevin en Belgique. En 2021, il devient premier échevin, poste où il gère… déjà les finances et les marchés publics. Un an plus tard, en janvier 2022, il est nommé ministre wallon du Budget, des Finances, des Aéroports et des Infrastructures sportives. Le 14 juillet dernier, il devient, à 35 ans et 10 mois, le plus jeune Ministre-Président wallon, en charge notamment du Budget. Titulaire d'un master en sciences de l’ingénieur suivi d'un doctorat en 2018, Adrien Dolimont est également assistant-chercheur à l’UMons. Il mène la liste MR de sa commune pour les prochaines élections communales.

Cultiver notre richesse et faciliter la tâche des PME

Il est pragmatique, engagé dans ses convictions… et jeune papa. Le libéral Adrien Dolimont a déjà consacré la moitié de sa vie à la politique et le voici, à 36 ans, Ministre-Président de la Région wallonne. Une région qu’il faut remettre sur les rails. Au nom (notamment) des PME.

Isabelle Morgante 

  • Adrien Dolimont, comment allez-vous ?

    Très bien. Je suis pleinement dans ma fonction et j’ai même pu prendre un peu de vacances en famille. Tout va bien.

  • Un mari et papa Ministre-Président, ça bouleverse l’organisation d'une famille ? (Adrien Dolimont et son épouse sont parents de deux jeunes enfants).

    Être ministre bouleverse l'organisation d'une famille. Ici, c'est encore autre chose, où j’ai des compétences fonctionnelles fortes. Je suis très motivé par le mandat clair qui nous a été donné et honoré d’incarner ce changement en Wallonie.

  • Que dites-vous à vos enfants ?

    J’ai expliqué au plus grand (bientôt cinq ans) que je travaille pour leur donner un meilleur avenir. J'essaie d'être positif et de leur raconter assez simplement l'action que je mène au quotidien.

  • Votre profil atypique d’ingénieur, votre rigueur, votre manière de penser propre aux ingénieurs, ça vous aide ?

    Ça ne m’a jamais empêché de bien fonctionner. Donc je compte continuer à appliquer les méthodes et à ne pas changer qui je suis. Je pense effectivement que ça reste un atout d'avoir des profils assez différenciés au sein du gouvernement, experts ou société civile. C'est très intéressant d'avoir cette représentativité complète de la population, parce qu'au final, on en est simplement une émanation.

  • Dans quel état avez-vous trouvé la Wallonie, au lendemain de votre prestation de serment ?

    Je ne vais pas faire le naïf en disant que j’ai découvert une situation. J’étais membre du gouvernement depuis deux ans et demi et connaissais la situation, les enjeux et les attentes
    des entreprises. Les crises successives ont atteint le moral des entrepreneurs et les défis sont importants. Je pense notamment à l’allégement de la charge administrative, confirmée dans la campagne "simplifions.be". Nous avons reçu plus de 2.500 réponses qui traduisent le besoin urgent. Si les entrepreneurs attendent de pouvoir se concentrer sur leur "core business", nous devons nous, gestionnaires, envisager la simplification dans les deux sens, tant pour les PME que pour les agents du service public. La simplification a des effets bénéfiques pour tout le monde, surtout dans un contexte de rationalisation de l'efficacité des politiques publiques.

  • Que vous disent les chefs d’entreprise que vous rencontrez ?

    Il y a beaucoup d'attentes. Il y a eu un vrai boost depuis les élections qui était peut-être un peu inespéré. Quand on est entrepreneur par nature, on est motivé par l'action qu'on mène au quotidien et là, aujourd’hui, ils soulignent leurs difficultés, que nous allons encadrer et solutionner au maximum. Nous allons utiliser la technologie pour simplifier la vie de tout le monde et aussi pouvoir nous concentrer sur les tâches à plus haute valeur ajoutée.

  • Les entrepreneurs ont-ils trouvé en vous un partenaire ?

    C'est clairement la volonté. Un exemple : il faut vraiment prôner le "only once" et arrêter de demander cinq fois un document ! Nous devons accompagner au mieux. Oui, il existe déjà des outils qui fonctionnent mais ils sont perfectibles. Les attentes particulières des entrepreneurs doivent être rencontrées.

  • Aujourd’hui, que répondez-vous à l’opposition qui dit que vous avez vendu un chat dans un sac ?

    Je pense qu'un chat, ça ne doit pas se mettre dans un sac (NDLR : Adrien Dolimont est aussi en charge du bien-être animal). J'ai fait une déclaration le premier jour, puis j’ai pris le temps de répondre aux nombreuses questions. Je ne voulais pas jouer le jeu de l’hypocrisie. Je suis pragmatique, c’est l’une de mes qualités. Les élections communales arrivent, l’opposition s’en sert pour jouer le flou. Je ne vais pas leur jeter la pierre, mais concrètement, on sait ce qu'on veut faire. On a mis la trajectoire en place et maintenant, il faut implémenter un travail que l’on ne fera pas dans notre coin. Nous continuerons à inviter les parties prenantes de l’ensemble des projets à concerter. Tous les ministères le feront en bonne intelligence avec les partenaires pour implémenter les politiques.

  • Vous avez gardé le nerf de la guerre, les compétences en matière de budget et de finances, qui ne sont pas dans une forme olympique. Avez-vous les coudées franches pour mener à bien votre projet ?

    Avant même que je sache que j’allais être Ministre-Président, j’avais dit qu’il fallait lui attribuer la gestion politique et budgétaire. Je connais très bien la situation financière et budgétaire de la Wallonie ; nous avons déjà travaillé sur une trajectoire de soutenabilité parce que l'équilibre réside, notamment, dans la marge d'investissement, tout en montrant cette rigueur de gestion qui conduit à un assainissement de nos finances publiques. C’est un travail prospectif, qui va définir les marges d'économies progressives, car il est établi qu’on ne peut pas rester au niveau d'endettement actuel. On a un ratio "dette recettes" de 240 % avec un objectif de revenir à 180 %. On ne vend rien de nouveau, on doit simplement être rigoureux. Chaque euro dépensé doit l’être intelligemment. L’analyse consiste à voir si l'argent a répondu à l'objectif attribué au départ et si pas, on doit réorienter les moyens et pas simplement faire des additions. Nous devons pouvoir récupérer des budgets et les attribuer à une autre politique. L’enjeu est grand, il doit se poursuivre avec beaucoup de rigueur. Une bonne gestion publique passe par une gestion financière et budgétaire efficace

  • Moins de ministres, moins de collaborateurs aussi ?

    C'est une volonté de travailler davantage en collaboration avec l'administration. C'est important de montrer que nous sommes les premiers à faire des efforts. Cette nouvelle législature passera aussi par un changement progressif de fonctionnement et de mentalité dans l'administration. Il faut rester aussi les pieds sur terre : ça ne se fera pas du jour au lendemain. La réforme sera progressive pour rencontrer les enjeux de transformation de notre société.

  • Avec vous, la Wallonie devient une PME ?

    C'est une PME qui a 21 milliards de dépenses ! Je ne sais pas si c'est encore une PME, mais en tout cas, on veut la gérer avec beaucoup de rigueur et beaucoup de passion. Le gouvernement a été mis en place rapidement, pour aussi redonner la confiance aux citoyens dans l'action politique. Des difficultés communautaires existent, avec des visions institutionnelles différentes. On doit pouvoir être attentif à l'impact sur notre région.

  • Vous fixez-vous des objectifs, des résultats pour la Wallonie comme on le fait dans une entreprise ?

     J’ai demandé à chaque ministre qu'il puisse réfléchir et travailler à la fois sur des fiches projets mais aussi sur un timing d'implémentation de l'ensemble de ces projets. Nous aurons ainsi une vision transversale de l’implémentation de la Déclaration de Politique Régionale, la clef pour respecter la trajectoire budgétaire définie. Les fiches sont en cours d’élaboration pour une vision macro de la DPR.

  • Quelle partition de musique allez-vous jouer ?

    Il n'y a pas que le lien entre Région wallonne et fédéral, il y a aussi celui entre Région wallonne, Région flamande, Région bruxelloise et Communauté germanophone. Nous avons la volonté de travailler ensemble et de mettre en place des réunions communes des gouvernements pour piloter avec cohésion et cohérence. Je pense typiquement à la politique de l'emploi. Il n’y a pas de frontières aux travailleurs, certains circulent d'une région à l'autre. Nous ne devons pas fonctionner en vase clos mais, au contraire, prendre de la hauteur et discuter avec tout le monde.

  • Une région, en dehors de nos frontières, vous inspire ?

    Je n’ai pas un modèle clairement établi. Je crois que nous devons d’abord voir ce qui fonctionne bien ailleurs, et pourquoi le modèle réussit. Ensuite, analyser la mise en application chez nous, avec toutes les singularités qui sont les nôtres et en gardant l’esprit ouvert. Et si c’est un échec, en tirer la conclusion et réorienter le cas échéant.

  • Un exemple ?

    Typiquement, la limitation des allocations de chômage dans le temps. C’est un élément fort, inspiré de pays nordiques, que nous devons tester. Aujourd'hui, on n'a pas encore essayé cette fonction là chez nous. Donc à un moment donné, il faut pouvoir essayer de mettre en place de nouvelles politiques publiques, puis tirer les conclusions une fois implémentées.

  • C’est un sujet sensible et pas le plus simple.

    - Non, mais c'est un sujet majeur pour l'avenir de notre région. Et c'est pour ça qu'on a une volonté ferme d'avancer.

  • C’est LA solution pour toutes ces PME qui sont en pénurie de main d’œuvre ?

    Clairement ! Et de répondre au grand paradoxe actuel entre, d’une part, le nombre de demandeurs d'emploi et, d’autre part, le nombre colossal d'emplois proposés. C'est vraiment l'équation qu'on doit résoudre en priorité. Il faut redonner l'envie de travailler et de s'épanouir dans et par le travail, mais croire que les mentalités vont changer du jour au lendemain est faux. Il faudra travailler pour justement redonner cette envie. La valeur travail est centrale pour nous. Elle doit faire partie d’une vraie reflexion et ça doit vraiment être ancré en nous. Et c'est pour ça qu'on veut aussi mettre plus de lien avec l'enseignement, pour donner un sens dès le début à ce qu'on a envie de faire. C’est fondamental.

  • Que faites-vous des malades de longue durée ?

    C'est une vraie problématique à travailler. On doit se poser les bonnes questions pour limiter le phénomène.

     

  • Quid du dernier plan de relance ?

    On a prévu de mettre en place une méthodologie d'évaluation pour voir l'impact de ce plan à court, moyen et long terme, et le retour de l'ensemble des politiques qui y sont menées. En évaluant, on voit ce qui fonctionne et on réoriente, si besoin, les moyens vers d'autres investissements qui sont peut-être plus percutants pour notre développement.

  • Un autre sujet qui se révèle être une véritable épine dans le pied des chefs d’entreprise concerne les marchés publics. C’est une source de développement importante et malheureusement, ils y parviennent très difficilement.

    Nous en avons justement parlé lors des Fêtes de Wallonie, nous avons été confrontés à une réalité de terrain hallucinante ! Ça n’est plus possible de fonctionner comme ça. Il faut qu'on arrive à simplifier et améliorer les choses, tant pour les entrepreneurs que pour nos agents. Les marchés publics sont un très grand point d'attention pour permettre aux PME d’y participer.

  • La Wallonie est votre troisième bébé ?

    Tout à fait, c’est vraiment ça. C'est un enjeu assez dingue. C'est d’ailleurs pour ça que je dis qu'il faut donner des perspectives à la nouvelle génération, de continuer à investir, à aimer la Wallonie. C’est l’un des axes fondamentaux de notre action. On doit pouvoir donner des perspectives d'avenir réjouissantes parce qu'aujourd'hui, force est de constater que ça n’est plus ça. On a la chance d'avoir un niveau d'enseignement élevé. On ne peut pas se permettre une fuite des talents, il nous faut cultiver notre richesse.

  • Que pensez-vous de tous les organismes qui dispensent un enseignement, à échelons divers ?

    On doit mettre les choses à plat, mais ça ne veut pas dire qu’on va tout chambouler. C'est se poser la question, prendre le recul nécessaire pour dégager ce qui fonctionne (ou pas). Est-ce sensé de frapper à cinq portes quand on veut faire de l’insertion professionnelle ? Là aussi, il faut simplifier et développer ces notions d'efficience et d'efficacité.

  • Une dernière question… Vous êtes devant une assemblée d’entrepreneurs. Que leur dites-vous ?

    On veut vous simplifier la vie, pour vous laisser vous concentrer sur l'essentiel. Le temps est précieux et je sais ce que c'est, j’ai moi-même été entrepreneur. Et on va tout faire pour que ça soit le cas.

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