Le gouvernement fédéral a établi un plan d'investissement de 150 milliards d'euros d'ici 2030. C'est une excellente nouvelle pour les entreprises, l'économie et le pays. Ce partenariat public-privé (respectivement 45 % et 55 %) va soutenir la croissance, pallier des manques (mobilité, cybersécurité) et soutenir des secteurs porteurs d'avenir (numérique, énergies renouvelables). La Belgique fait preuve d'ambition. Tant mieux !
J'éprouve cependant un malaise en voyant la composition du comité stratégique qui va piloter le projet. Son rôle sera majeur dans la concrétisation des investissements. Il va opérer des choix, déterminer des priorités et une méthodologie. Les six personnes qui le composent, Michel Delbaere, Dominique Leroy, Marc Raisière, Michèle Sioen, Jean Stéphenne et Pieter Timmermans, ont une compétence certaine. Toutes sont cependant issues du monde de la finance et des grandes entreprises. Leurs réflexions et leur action seront naturellement imprégnées de leur culture et de leur expérience.
Une PME n'est pas une grande entreprise
en modèle réduit
L'Europe a invité les États à soutenir les PME, qui forment la substance du tissu économique, en proclamant le Small business act. Il se résume en un slogan : "Penser petit d'abord." Ici, on fait l'inverse, on "pense grand d'abord."
C'est une erreur, qui repose sur une idée dépassée et sur une idée fausse. L'idée dépassée, c'est que les grandes entreprises sont les locomotives de l'économie et sont à la pointe en matière d'innovation et d'exportation. C'était vrai au siècle dernier. En 2018, ce sont les PME qui créent les emplois. Ce sont elles qui réinventent les circuits courts et s'engouffrent dans les champs créatifs laissés en friche par les multinationales. Et ce sont elles aussi qui relèvent le défi numérique pour faire du monde leur marché.
L'idée fausse, c'est qu'une PME serait une grande entreprise en modèle réduit. Quand le patron engage son propre argent et est responsable du personnel comme de la production, des clients et des fournisseurs, la réalité est toute différente. Ce ne sont d'ailleurs pas les PME qui encaissent toutes les aides possibles, sont soumises à la fiscalité suisse ou des Îles Vierges britanniques et s'en vont un beau jour en laissant des centaines de salariés sur le carreau...
À la concertation sociale, je constate souvent que le "banc patronal" représente deux mondes distincts. Qu'il s'agisse de rétablir la clause d'essai à l'embauche, d'appliquer les lois sur le bien-être au travail ou de défendre une réforme de l'impôt des sociétés : la spécificité PME est évidente.
J'affirme donc que le plan d'investissement ne sera pleinement réussi que s'il s'adresse aussi aux petites entreprises. Cela suppose d'avoir, à la manœuvre, des personnes qui les connaissent bien. Aujourd'hui, ce n'est pas le cas.