La fraude fiscale était naguère, disait-on, un "sport national". Cette époque est révolue. Dans tous les secteurs, les contrôles se sont resserrés. Si la collecte de l'impôt a encore des fuites, les montants en jeu sont infimes par rapport à l'évasion fiscale internationale, devenue un "sport mondial".
Le consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ) a mis la main sur 13,5 millions de documents confidentiels. Ils révèlent les montages financiers sophistiqués élaborés au bénéfice de grandes multinationales ou de quelques personnalités richissimes. Via des sociétés-écrans le plus souvent "offshore" (dispensées d'impôts dans un pays peu regardant), d'énormes bénéfices ou revenus financiers échappent à toute contribution.
Les économistes estiment que ces "Paradise papers" représentent 350 milliards d'euros de pertes fiscales à l'échelle mondiale, 120 milliards pour la seule Union européenne. C'est colossal, mais ce n'est qu'une pièce d'un puzzle aux dimensions fantastiques.
En publiant ces documents, les journalistes font leur métier, là où les politiques, les administrations et la justice ont abdiqué. Ces montages financiers sont si complexes et certains pays si complaisants que la légalité de ces opérations peut être discutée à l'infini. L'aspect éthique, lui, ne peut pas se discuter une seconde : c'est intolérable.
Si ma profession d'avocat m'a toujours poussé à adopter une attitude légaliste, en tant que président d'une organisation représentant les indépendants et les PME, je souhaite vous inviter à la réflexion.
Quand on parle de fraude fiscale, ne nous trompons pas de combat !
Nous vivons dans des pays démocratiques, paisibles, attentifs à la cohésion sociale, au sort des plus faibles et au bien-être de tous. Pour cela, il faut des moyens financiers. Il est scandaleux de demander un lourd effort de contribution aux indépendants et aux PME qui travaillent dur, et de laisser filer les super bénéfices des multinationales et les revenus des plus gros rentiers.
La solution n'est pas simple, mais elle est urgente ! C'est un nouveau contrat social qu'on doit préparer. La transparence fiscale a fait de gros progrès, mais l'évasion internationale massive reste accessible à une sorte de "jet set" mondiale, qui joue avec les milliards de dollars en se moquant des lois et de la classe moyenne.
Dans quelques années, nous nous demanderons comment nous avons pu supporter ça aussi longtemps. Si on veut construire un avenir pour nos enfants, c'est maintenant qu'il faut réagir...