Un anniversaire et un record

  • Plus de 50
    marques se côtoieront au Heysel

Pour sa 100e édition, le Salon de l'auto a vu les choses en grand avec un nombre record de marques présentes au Heysel. L'enjeu du verdissement du parc est sur toutes les lèvres alors que de nouvelles réglementations belges et européennes entrent petit à petit en vigueur.

Clément Dormal

C'est un véritable ouf de soulagement que pousse le secteur automobile : après deux années perturbées par le Covid, le Salon de l'auto effectue son grand retour. Lancée le 14 janvier, la grand-messe annuelle de la voiture se déroule jusqu'au dimanche 22. "Entre le moment où on a refermé le salon en 2020 et celui où on l'a ouvert en 2023, 1.090 jours se sont écoulés. C'est énorme. Ce retour nous ravit, exprime d'emblée Christophe Dubon, porte-parole de la Febiac, la Fédération belge de l'automobile & du cycle, en charge de l'organisation du salon. D'autant plus que le marché commence à se redresser depuis le mois d'avril, après une chute ininterrompue entamée en mars 2020."

Cette année, ce sont plus de 50 marques qui sont réunies au Heysel. Un record qui s'explique par un mélange entre participants historiques et nouveaux acteurs, comme les constructeurs chinois présents pour la première fois. "Dès janvier 2022, les exposants nous ont demandé de refaire un salon car ils en avaient vraiment besoin. Pour une marque automobile en Belgique, la période du salon représente à peu près 30 % du chiffre d'affaires annuel. C'est donc un rendez-vous incontournable que les fabricants ne peuvent pas se permettre de manquer."

Encouragée par les différents niveaux de pouvoir, la voiture électrique occupe une place spécifique lors de ce salon. À l'heure actuelle, environ 80 modèles 100 % électriques cohabitent sur le marché. Mais ils peinent toujours à convaincre les particuliers. "Le marché s'est considérablement développé au cours des dix-huit derniers mois. Il y en a pour tous les goûts, mais pas encore pour toutes les bourses malheureusement. Et on constate une méfiance de la part du particulier à son égard. Tout le défi aujourd'hui est donc de communiquer, de démontrer au particulier que la voiture électrique peut en tous points rencontrer ses besoins quotidiens."

La voiture de société s'électrifie

Ce constat se reflète dans le parc automobile actuel. Fin 2021, il comptait grosso modo six millions de véhicules : 43 % de voitures diesel, 52 % d'essence, et plus ou moins 5 % de motorisation qualifiée d'électrique qui regroupe les hybrides autorechargeables et les autos 100 % électriques. On parle donc d'environ 300.000 véhicules, alors que les projections d'ici 2030 tablent sur deux millions de voitures électrifiées. Le marché a cependant passé un nouveau cap en 2021. Sur les 383.000 voitures neuves qui ont été vendues, il y avait pour la première fois une égalité entre les motorisations électrifiées et diesel. Ces ventes représentaient chacune 25 %, pour 50 % d'essence. "Le privé contribue très peu au verdissement du parc. C'est en fait le véhicule de société, tant décrié par certains, qui en est le véritable levier", pointe Philippe Gheeraert, mobility advisor chez Traxio, la fédération du secteur de la mobilité. "On voit aujourd'hui que ce sont surtout les entreprises et les indépendants qui achètent des voitures électriques, alors que le particulier reste en retrait. La révolution est déjà clairement engagée du côté des clients professionnels", confirme Christophe Dubon.

De nombreuses inconnues

La question de l'approvisionnement et des bornes de recharge inquiète les experts.
© lightpoet/AdobeStock

Quelques chiffres supplémentaires permettent de comprendre ces commentaires. Durant les dix premiers mois de l'année, ce sont 312.000 véhicules neufs qui ont été immatriculés (366.303 au total en 2022). Un peu plus de 60 % l'ont été par des sociétés, les 40 % restants par des particuliers. Les entreprises, qui participent donc plus aux nouvelles immatriculations, ont par ailleurs tendance à davantage faire confiance à l'électrique que les clients privés. On parle d'une différence allant du simple (7,2 %) au quintuple (environ 36 %). "La route de l'électromobilité pour le particulier est encore pavée de nombreuses inconnues. En Europe, une voiture électrique coûte en moyenne 10.000 euros de plus que sa sœur à moteur thermique. Le particulier s'interroge énormément et il ne faudrait pas que cette électromobilité mène à une sorte d'élitisme de la mobilité. On estime que la mobilité est un droit et que le citoyen doit pouvoir choisir librement son mode de transport. Mais à partir du moment où cela devient impayable, on prive certaines personnes de la faculté de se déplacer comme elles le souhaitent", met en garde Philippe Gheeraert.

Outre cette différence de prix se pose aussi la question des infrastructures. À l'heure actuelle, on compte près de 20.000 points de recharge accessibles au public. Un nombre qui devrait grimper à 200.000 d'ici 2030 pour répondre à la demande. Ajoutez à cela les interrogations quant aux garanties d'approvisionnement ou aux capacités de production, et vous comprendrez pourquoi Traxio plaide pour l'impartialité technologique. "Quand on parle de neutralité technologique, on peut penser à des carburants synthétiques qui n'ont pas ou ont peu de rejets de CO2 par exemple. Cela permettrait à la flotte actuelle de moteurs thermiques de continuer à rouler. Aujourd'hui, on fait confiance à 100 % à la voiture électrique, mais on n'a pas les ressources nécessaires et on doit souvent importer les technologies. On est alors très vulnérables car on devient tributaires d'un autre pays. Cette fois pas de la Russie, mais de la Chine. Il faut donc autant penser au consommateur final qu'à l'indépendance de notre continent et à la force de notre industrie."

C'est dans cette optique que la fédération du secteur de la mobilité exhorte à travailler sur le parc automobile actuel pour atteindre les objectifs climatiques. Elle a ainsi mis sur pied un nouveau programme, appelé "Éco-expert", visant à purifier les voitures se trouvant déjà sur nos routes pour les ramener au plus près possible de leurs normes d'émission initiales. Cela a commencé avec les mesures de particules lors des contrôles techniques et cela continue notamment avec la formation de garagistes afin qu'ils aient les bons appareils pour déterminer et diminuer le degré de rejet des voitures. "Quand on veut gagner gros avec un coût très bas tout en ayant un impact très important, on doit travailler sur le parc existant actuellement. Il y a six millions de voitures en Belgique et 95 % d'entre elles sont des véhicules thermiques. Si on réussit à purifier cette masse, on gagnera beaucoup plus qu'avec l'introduction de voitures électriques qui se fait petit à petit", plaide Philippe Gheeraert.

Infos salon

Quand : du 14 au 22 janvier
Où : Brussels Expo (Heysel)
Tarif : 15 euros (sauf prévente)

Accès : via le parking C (10.000 places) pour les automobilistes. L'entrée pour ceux qui arrivent en transports en commun se fait via le Palais 5.

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La fiscalité comme motivation

Si, comme le montre la fédération Traxio, les voitures de société sont les pionnières de l'électrification du parc automobile belge, c'est simplement parce qu'une réforme fiscale a incité les entreprises à modifier leurs habitudes. "L'idée du gouvernement est vraiment de promouvoir les véhicules 100 % électriques. C'est pour le moment la seule solution sur le marché qui n'émet pas de CO2", analyse Christophe Broucke, legal expert chez UCM. Cette transition vers le 100 % électrique va commencer dès le 1er juillet 2023. D'ici là, si votre établissement acquiert une voiture thermique, rien ne change. Les voitures hybrides, elles, ont déjà vu la déduction de leurs frais de carburant fossile réduite de 50 % depuis ce 1er janvier. La première évolution notoire s'opérera à partir du 1er juillet 2023. À cette date, la déductibilité des véhicules thermiques et hybrides va baisser de 25 % par an. Dès 2026, seules les voitures 100 % électriques seront totalement déductibles. Notons cependant que cette déductibilité va diminuer au fil des ans, passant de 100 % en 2026 à 67,5 % en 2031.

Reste que plusieurs interrogations entourent ce changement de législation. Comme le manque de bornes de recharge sur notre territoire. Pour promouvoir la création d'un véritable réseau efficace, l'implantation de bornes est déductible à 150 % jusqu'au 31 décembre 2024. À condition qu'elles soient intelligentes, accessibles à tous, enregistrées auprès d'une base de données publique, et que l'entreprise qui proposera ce service trouve un professionnel pour effectuer les travaux. Les installateurs, souvent débordés, ont en effet du mal à répondre à la demande.

Une autre solution pour la recharge des véhicules de société est d'aménager une borne au domicile des salariés. Se pose alors la question de l'avenir de cet investissement en cas de rupture du contrat. Il en va de même concernant l'intervention dans les frais de carburant, pour laquelle le cadre légal n'est pas encore très clair. "On ressent une incertitude car on est bombardés de réglementations qui partent dans tous les sens, qui s'entrecroisent, et qui sont modifiées sans cesse. Avec, ici, des échéances jusqu'en 2031 pour lesquelles il est difficile de se projeter", regrette Christophe Broucke. Raison pour laquelle il appelle les chefs d'entreprise à "s'informer, regarder leur parc automobile actuel, et évaluer avec leur comptable ce qui est intéressant pour eux. L'aspect payroll n'est qu'une vision partielle du sujet. Il faut par exemple réfléchir à la question de la déductibilité, voir si elle a un sens ou pas. Peut-être que les bénéfices imposables sont déjà diminués par d'autres charges, dans ce cas il n'est pas nécessaire d'investir."

 

L'exemple norvégien

La Norvège a battu un nouveau record de ventes de voitures électriques.
© mdurinik/AdobeStock

79,3 %. C'est la part de véhicules neufs électrifiés qui ont été vendus en 2022 en Norvège. Un record mondial qui vient battre le précédent, déjà norvégien, établi en 2021 avec 64,5 % de modèles zéro émission. Alors qu'au niveau européen, les immatriculations électriques représentaient 8,6 % du total lors des neuf premiers mois de l'année.

Pour arriver à cet extraordinaire résultat, les Norvégiens ont pu compter sur une fiscalité très favorable, qui a changé au 1er janvier 2023. Seuls les modèles ne valant pas plus de 47.500 euros sont maintenant exempts de la TVA, qui s'élève à 25 %. Cela a poussé les habitants de ce pays scandinave à se ruer chez leur concessionnaire en décembre : les véhicules zéro émission ont généré 82,8 % des ventes du mois. Grâce à cet incitant, environ 20 % des voitures présentes sur les routes norvégiennes sont dorénavant électriques. Les autorités souhaitent que tous les modèles neufs commercialisés en Norvège soient "verts" en 2025.

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