Le 1er janvier 2019, la gestion des sols wallons pollués a subi une accélération. Pour certaines entreprises, les changements sont synonymes de début de galère. Plus possible d'y échapper.
Le décret sols, texte qui encadre la gestion des pollutions de sols en Wallonie, est entré en vigueur dans sa nouvelle mouture au 1er janvier. Si les entreprises étaient plus ou moins "tranquilles" jusque-là, ce ne sera clairement plus le cas. À certains moments de leur vie, à l'occasion notamment d'un renouvellement de permis d'environnement, les entreprises vont devoir introduire une voire des études de sol.
En plus d'être payantes, ces études seront généralement synonymes de difficultés, notamment à cause de la complexité d'une procédure qui peut s'avérer très longue. Au départ, un expert agréé doit rédiger, sur base d'analyses de sol effectuées sur site, une première étude, appelée étude d'orientation. Selon ses résultats, soit la procédure s'arrête car l'absence de pollution est constatée ; soit, dans le cas inverse, elle continue et nécessite une seconde étude, appelée étude de caractérisation. Celle-ci sert à déterminer le volume de sol concerné par la pollution et les caractéristiques de cette dernière. Une étude de risque devra également être réalisée. Les résultats doivent permettre de contrôler toutes les voies potentielles de transfert entre la pollution et les récepteurs présents sur le terrain (humain, eau, faune et flore…). Au final, dans le cas où la pollution précède la date du 30 avril 2007 et ne présente aucun risque pour la santé et l'environnement, aucune dépollution ne sera requise. Dans tous les autres cas, des travaux d'assainissement seront exigés.
La BDES ne dit pas tout
La Banque de données de l'état des sols (BDES) dresse l'inventaire des parcelles wallonnes polluées ou potentiellement polluées. Attention, il s'agit d'un état des lieux des données disponibles au niveau de l'administration. En aucun cas, l'absence d'information sur un terrain ne signifiera que le terrain est exempt de pollution ; cela signifiera simplement que la Région wallonne ne dispose d'aucune donnée relative à ce terrain.
Est-ce que toutes les entreprises sont concernées par les études de sol ? Heureusement, non ! Il existe une liste d'entreprises considérées comme "à risque" pour les sols. Celles-là devront d'office procéder à une étude de sol au cours de leur vie. Toutefois, celles qui n'apparaissent pas dans cette liste ne sont pas pour autant tirées d'affaire. L'installation d'une entreprise sur un terrain repris comme "potentiellement pollué" dans la BDES peut obliger celle-ci à faire réaliser des études également. C'est pourquoi, avant de choisir un terrain, un coup d'œil à cette banque de données s'impose : il permettra à tout le moins de savoir si l'administration dispose déjà de renseignements sur celui-ci.
Pour permettre à chaque entrepreneur de s'y retrouver dans les nouvelles obligations de gestion des sols en Wallonie, l'UCM organise des ateliers (voir encadré) et a édité une brochure qui vulgarise cette matière complexe.
Les objectifs d'assainissement, c'est-à-dire les valeurs à atteindre lors du "nettoyage" d'une pollution, ont été revus à la baisse. Dorénavant, pour une pollution dite "nouvelle" (postérieure au 30 avril 2007), les objectifs d'assainissement correspondent à 80 % de la valeur seuil, soit 80 % de la valeur en deçà de laquelle aucun effet négatif n'est attendu. Pour une pollution dite "historique" (antérieure au 30 avril 2007), les objectifs d'assainissement visent uniquement à éliminer la menace grave.
Cette révision à la baisse des objectifs va permettre d'assainir plus de terrains pour un moindre coût. De ce fait, les terrains pollués seront notamment plus abordables aux porteurs de projet (développeurs immobiliers, communes, industries).
En revoyant la philosophie environnementale établissant les objectifs d'assainissement à atteindre en cas de pollution du sol, le gouvernement wallon rejoint l'avis émis dès 2008 par les membres de la Fédération des experts en études de pollution des sols de Bruxelles et de Wallonie (Fedexsol). Ces experts agréés sont disponibles pour fournir toute l'assistance nécessaire à la réalisation de projets.
Pour plus d'informations : Olivier Ponzoda, président de Fedexsol, info@fedexsol.be
Les assainissements des sols pollués sont encadrés par une législation de plus en plus contraignante. Afin d'éviter les litiges et les mauvaises surprises, il est essentiel de s'assurer que les travaux soient effectués par des professionnels reconnus.
L'Association des entreprises et des entrepreneurs de Wallonie et de Bruxelles actifs dans les domaines de la réhabilitation des sites, de l'assainissement des sols et des eaux souterraines pollués (Asenas) plaide pour une reconnaissance des entrepreneurs qualifiés en Wallonie afin de garantir la qualité des prestations au bénéfice de tous. Un enregistrement officiel serait le gage que le prestataire dispose des moyens techniques, financiers et humains nécessaires à une bonne exécution des travaux. En outre, un label, validé par un organisme indépendant, permettrait de s'assurer que le prestataire réalise tous ses chantiers en suivant les meilleures pratiques décrites dans les Guides de référence en actes et travaux d'assainissement (Grata), actuellement rédigés par Asenas.
L'UCM propose à partir du mois de mars des ateliers qui passeront en revue les implications de l'entrée en vigueur du décret sols wallon et répondront à toutes les interrogations des participants.
Au programme : le fonctionnement de la Banque de données de l'état des sols (BDES) ; les entreprises concernées, les obligations et les moments-clés ; les objectifs d'assainissement en cas de pollution nouvelle ou de pollution historique ; les procédures d'urgence en cas d'accident ou de découverte en cours de chantier ; les démarches administratives à prévoir lors des moments-clés.
Les séances se tiendront en matinée dans les locaux de l'UCM : le 12 mars à Liège, le 14 à Wierde, le 19 à Nivelles, le 21 à Libramont, le 28 à Mons et le 2 avril à Verviers.
Carlo Di Antonio (CDH) est le ministre wallon en charge de l'Environnement. UCM Magazine lui a posé trois questions…
- Il vous a fallu presque toute la législature pour finaliser ce décret sols. Y a-t-il eu des blocages ?
- Pas vraiment. C'est vrai que, depuis la note d'orientation de juillet 2015 jusqu'au vote de février 2018, de l'eau a coulé sous les ponts. Il y a trois explications. D'abord, nous avons consulté très largement et nous avons pris le temps d'examiner les avis. Ensuite, nous avons voulu garantir la sécurité juridique, éviter les bricolages autour du décret de 2008 et sortir directement un texte clair et complet. Enfin, c'est plus anecdotique mais nous avons changé de partenaire de coalition à l'été 2017. Il a fallu un peu de temps aux nouveaux ministres pour appréhender le texte. L'essentiel – et j'en remercie mes collaborateurs – est que le décret soit voté et d'application. Le gouvernement précédent n'y était pas parvenu.
- Quel est l'acquis principal de cette réforme ?
- Le sol est une ressource naturelle non renouvelable, vitale pour l'homme et les écosystèmes. Il subit des pressions en raison de l'activité humaine. Il a souffert en Wallonie des pollutions de l'époque industrielle. Depuis 2004, la nécessité d'une réhabilitation des terrains pollués est affirmée. Mais les acteurs économiques ont été confrontés à une insécurité juridique nuisible aux investissements. Le nouveau décret assure un cadre légal clair, basé sur les principes de précaution, de proportionnalité et sur la règle pollueur-payeur. Il permet de concilier protection de l'environnement et développement économique. Les pouvoirs publics ont aussi un rôle à jouer pour renforcer l'attractivité des zones les plus touchées et encourager le réemploi des sols pollués.
- Le décret est entré en vigueur au 1er janvier. Faudra-t-il aller encore plus loin ?
- Laissez le dispositif entrer en action ! Nous voulons apporter de la sécurité juridique : je ne vais donc pas annoncer de nouvelles modifications. Peut-être pourra-t-on, à l'usage, rendre le texte plus lisible sur un point ou l'autre ou simplifier une procédure. Dans quelques années, il faudra évaluer le décret pour voir si tous les objectifs sont atteints.
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