La RSE, enjeu majeur pour toutes les entreprises

RSE, ESG, CSRD,… Le ma­rin habitué naviguera dans l'océan de ces acronymes sans boussole. L'apprenti flibus­tier, lui, risque bien de se fracasser sur les rochers de ce jargon de prime abord imbi­table s'il n'a pas la carte pour les décrypter. Pour autant, ces enchaînements de lettres s'érigent comme l'un des enjeux majeurs pour l'ensemble des entreprises, quel que soit leur taille. Et, bien au-delà de la prime contrainte qu'ils pourraient sembler, une formidable opportunité.

1. Concrètement, c'est quoi?

La RSE, pour Responsabilité Sociétale des Entreprises, représente l'engagement d'une entreprise vis-à-vis des impacts qu'elle gé­nère sur la société au sens large. En gros, c'est l'ensemble des pratiques qu'elle met en place dans le but de respecter des engage­ments en termes de développement durable. Soit les fameux critères ESG, pour Environ­nementaux, Sociaux et de Gouvernance. Ces trois piliers sont utilisés pour mesurer les performances non financières d'une en­treprise. En substance, comment elle intègre ces enjeux dans sa stratégie globale, au-delà de la simple recherche du profit. Au sein de "environnement", "social" et "gouvernance" pointent une myriade de thématiques (voir ci-dessous) qui vont des émissions de CO2 à l'inclusion et l'équité dans la gestion du personnel en passant par la transparence fis­cale, par exemple. En somme, limiter l'usage de l'imprimante aux seuls documents essen­tiels ou donner la possibilité de télétravail­ler, c'est déjà penser RSE

2. Le contexte global

La clé, le souffle de toutes ces démarches, c'est la transition durable. Cette vision holistique de l'évolution d'une entreprise s'inscrit dans le Green Deal européen, la volonté écrite en lettres d'or de l'Europe de rendre plus durable son économie. Pour y arriver, elle se donne les moyens de ses ambitions via une série de pro­cessus et un cadre réglementaire ambitieux.

C'est ici que vient s'imbriquer le CSRD, pour Corporate Sustainability Reporting Directive, susmentionné dans les propos liminaires. Il vise à harmoniser et fiabiliser les rapports extra-financiers. En traduisant la chose, les entreprises doivent agir pour prévenir l'ensemble des atteintes à l'envi­ronnement et aux droits humains et, exacte­ment comme elles le font déjà pour le volet financier, publier leur rapport de durabilité. À qui ? Aux consommateurs finaux comme aux autres acteurs du marché financier.

3. La Belgique aussi

Pour que tout le monde parle la même langue et que comparaison soit raison, cette directive relative à la publication d'infor­mations en matière de durabilité pour les entreprises a été adoptée en 2022 au niveau européen. Elle doit désormais être transposée en droit national avant début juillet. Si la France l'a déjà fait, ce n'est pas encore le cas en Belgique. D'ici 2026, près de 3.000 entreprises belges, quatorze fois plus qu'en 2023, seront soumises à ce "reporting" durable obligatoire et exposées à vérification par un tiers indépendant. En clair, un réviseur d'entreprise version ESG. À l'heure actuelle, pour faire simple, seules les très grosses sociétés y sont soumises mais les critères vont s'affiner dans les prochaines années. Et ces points ESG vont toucher tous les maillons de la chaîne.

4. De la multinationale à la PME

Silvia Doga

Silvia Doga

C'est finalement logique puisque tout est corrélé, tout finit par percoler. Un exemple est grandement éclairant dans ce cas-ci. La société principale, admettons, fabrique des pâtes et est soumise à pareille réglementa­tion. Du coup, vu qu'elle entend s'engager sur l'ensemble de la chaîne de production de son produit, le producteur de farine, par exemple, sera également rattrapé par cette obligation de "reporting". Comme celui d'oeufs, celui qui fournit les céréales ou, encore, le transporteur. Même l'imprimeur qui produit son packaging.

Du coup, à terme, même les micro en­treprises devront rendre des comptes en matière d'ESG et montrer patte blanche, ou plutôt verte, sous peine de perdre des contrats et des clients. " Bien que cela puisse sembler contraignant, cette évolution est inévitable et présente une opportunité pour toutes les entreprises, grandes ou petites, de démontrer leurs efforts en matière de durabilité. L'idée, c'est que ça découle sur l'ensemble du paysage entrepreneurial, avec évidemment pour chaque secteur ses spéci­ficités", explique Silvia Doga, conseillère au Service d'Études UCM et spécialisée dans la transition durable. "Carrefour, par exemple, a déjà annoncé qu'il voulait que ses cent plus grands fournisseurs répondent à une liste d'exigences en la matière, sous peine de perdre le contrat. Cette tendance va s'ac­centuer et se répercuter sur nos entreprises. Peut-être pas jusqu'à la couturière du coin qui fait des retouches pour le voisinage mais clairement, les petites et micro entreprises sont concernées. On parle, aujourd'hui, de 12.500 PME et TPE qui pourraient être im­pactées dans leurs relations commerciales".

5. Plus qu'une contrainte

Sur le coup, ces acronymes et les dé­marches qui en découlent peuvent effrayer. Logique mais c'est pourtant le sentiment inverse qui devrait prévaloir tant il est sur­tout question d'un investissement qui, in fine, valorisera l'entreprise. Comment ? Via sept atouts majeurs, les sept boules de cristal version RSE. Pour commencer, les économies qui en découlent, au niveau des factures d'énergie pour pointer un exemple parmi tant d'autres. Ensuite dans la construction de l'image de marque responsable qui devient cruciale. De plus en plus, les clients portent une attention toute spécifique aux dé­marches éthiques et soucieuses de l'environ­nement et le "greenwashing" d'il y a quelques années ne fait plus guère illusion. Troisième point, le challenge RH. Désormais, l'entre­prise doit faire sens pour séduire le candidat. Et arriver à le fidéliser. Ainsi l'Observatoire de CBC pointait, dans une récente étude, que huit jeunes sur dix estiment important que leur employeur soit engagé envers la société. La force de l'inclusion (voir ci-contre) peut également jouer un grand rôle.

Quatrième point : la flexibilité. En amé­liorant l'efficacité opérationnelle et en rédui­sant la quantité d'énergie occasionnée, elles gagnent évidemment, en force et financière­ment. L'importance du financement s'érige également comme un point central. Ainsi, les banques sont de plus en plus enclines à proposer de meilleurs taux aux entreprises durables. Le vert vaut l'investissement, en gros, à l'image du PEB pour une habitation, par exemple. Enfin, pour anticiper les régle­mentations à venir (c'est le sixième point) et espérer rentrer dans les critères concernant l'octroi de subsides. À Bruxelles, par exemple, via la politique régionale de "Shifting Econo­my", les aides sont dès 2024 majorées pour les entreprises environnementalement et so­cialement responsables. La Wallonie épouse évidemment la même tendance… Alors, tou­jours abscons les acronymes?

Victoria Withelaw

Victoria Withelaw

"Nous avons déjà eu des clients UCM qui recevaient un formulaire type ESG"

Référente ESG/RSE au service Sensibilisation chez UCM, Victoria Whitelaw accompagne les petites et moyennes entreprises sur les théma­tiques des ESG.

- Victoria, en quoi UCM peut-elle accompagner ses clients dans le domaine des ESG?

Nous avons une offre de services pour les TPME, un accompagnement personnalisé of­frant un premier diagnostic ESG de l’entreprise et qui passe en revue la prise en compte, dans sa stratégie et ses opérations, des différents aspects liés à l’environnement, au social et à la gouver­nance. Suite à l’identification des enjeux prio­ritaires de l’entreprise vis-à-vis de ces aspects, nous lui proposons toute une série de recom­mandations pour "booster" sa performance ESG. Si on reprend l'exemple de l'entreprise de pâtes, l'enjeu principal pourrait être de développer sa filière d'approvisionnement durable. Basée sur le local, sans traitements chimiques. Dans la même lignée, nous pourrions également lui conseil­ler de travailler sur sa logistique, sur le packa­ging, en cherchant à limiter au maximum leurs impacts. Mais il n'y a pas que l'environnement qui est concerné. Au niveau social, par exemple, nous pourrions lui suggérer de vérifier que les fournisseurs sont, eux aussi, respectueux des cri­tères ESG, avec toute la transparence que cela implique. Dans la chaîne de production comme pour les consommateurs finaux.

- Avez-vous déjà reçu des de­mandes de clients UCM dans ce domaine?

Oui. Nous avons déjà eu des clients qui nous ont fait part de leur désarroi face à la sollicita­tion de leurs propres clients leur demandant de démontrer leurs efforts en termes d'ESG. Ils ne savaient pas quoi faire et nous deman­daient notre aide. C'est arrivé pour une société spécialisée dans les solutions de packaging. Un de ses clients, une entreprise pharmaceutique, lui demandait quelle était sa démarche dans le domaine car elle avait elle-même une obligation de "reporting". Nous avons aussi eu un tailleur de pierres qui a reçu un formulaire ESG de son prin­cipal client. Il ne savait absolument pas de quoi il était question. Mon rôle, entre autres choses, est également d’expliquer aux chefs d’entre­prises qui nous contactent le contexte régle­mentaire dans lequel ces sollicitations de leurs clients s’inscrivent. Et au-delà des contraintes, leur démontrer l’intérêt d’adopter une stratégie durable.

- UCM, en tant qu'entreprise, a-t-elle, elle aussi, une stratégie ESG?

En tant que groupe, UCM a entamé sa ré­flexion en termes de RSE. Nous avons déjà réa­lisé des actions de sensibilisation en interne et un bilan carbone de l'entreprise est en phase de réalisation. Notre objectif est vraiment d'adopter à court terme une stratégie RSE complète. C'est une priorité pour le groupe.

"Consomacteurs" et intégration

La société belge Monizze a intégré, dans les mécanismes de son fonctionnement, plusieurs politiques typées ESG. Plébisci­tée par plus de 55.000 entreprises, elle est spécialisée dans les chèques-repas et écochèques pour ne pointer que ces deux domaines. "Aujourd'hui, il est devenu impos­sible de passer à côté de cette dynamique", expose son fondateur et CEO Jean-Louis Van Houwe. "Nous incitons, par exemple, nos clients à devenir des 'consomacteurs', nous voulons leur donner la possibilité de décider des achats qu'ils font dans une optique de consommation responsable. En gros, pouvoir leur dire que s'il achète tel produit, il sera plus écoresponsable que s'il se dirige vers un autre. Nous nous inscrivons dans cet esprit volontariste avec des actions concrètes concer­nant les trois piliers, environnemental, social et de gouvernance."

L'entreprise bruxelloise compte 110 salariés qui ont "deux à trois fois plus de jours de forma­tions que ce qui est légalement obligatoire", reprend le fon­dateur et CEO de l'entité belge faisant partie du groupe UP. Surtout, elle prône l'inclusion. "Nous avons un vrai souci d'intégration. Nous sommes basés à Bruxelles et nous recrutons des personnes représentatives de l'ensemble de notre région. Comme nous donnons une chance à ceux qui n'ont pas spécialement de diplôme, on a mis au point une 'école de la vie'. On fait de l'intégration, on accompagne, on investit". Dans la "catégorie G" comme celle labélisée "S", pour Gouvernance et So­ciale, c'est claire­ment le combo parfait. Monizze pallie le manque de main-d'oeuvre qualifiée en accentuant l'inclusion de personnes sans opportunité. Ça devient du win-win, l'entreprise résol­vant un de ses problèmes en même temps que celui de la société, au sens large. Ce qui prouve bien que la politique ESG est une opportunité pour tout le monde.

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