Toute activité n'a pas cessé le 14 mars. Certains au contraire ont eu un surcroît de travail ou ont saisi une possibilité d'apporter leur pierre au rempart contre le virus.
Le président français Emmanuel Macron a marqué les esprits en parlant de "guerre". La comparaison a ses limites mais aussi ses mérites. Oui, certains sont montés au front et ont fait preuve de courage et d'engagement. Pensons au personnel des hôpitaux, aux généralistes, pharmaciens, infirmiers à domicile, collecteurs de déchets ménagers, dépanneurs, policiers… mais aussi aux chercheurs et PME de pointe du secteur de la santé.
La filière alimentaire a été bouleversée, avec un retour à la cuisine familiale et aux produits locaux qui a dopé la demande pour certains entrepreneurs.
Les initiatives d'aide et de soutien sont parties dans tous les sens. Nous aurions pu en citer cinquante. Nous avons pris trois exemples, dans trois secteurs bien différents (web, culture, sport) pour donner un aperçu de la réaction citoyenne au confinement. Pour être complet, l'hommage devrait s'étendre à l'ensemble des Belges, qui ont respecté les consignes et fait preuve d'une patience admirable. Avec une mention pour les parents d'enfants en âge scolaire…
Dépistage rapide grâce à Zentech
Avec ses partenaires chinois, la société liégeoise Zentech a mis au point un test de dépistage rapide du Covid-19. C'est le résultat d'une longue et riche collaboration.
Installée dans le parc scientifique du Sart-Tilman, Zentech est spécialisée dans le diagnostic des pathologies apparaissant aux premiers stades de vie, la mise au point, la production et la commercialisation de tests utilisés pour déceler les maladies génétiques à la naissance (néonatologie).
Jean-Claude Havaux, biologiste de formation, a fondé en 2000 cette entreprise dont 80 % de la production part aujourd'hui à l'export. Sur la trentaine de personnes qui y travaillent actuellement, quelques-unes sont spécifiquement attachées à la mise au point du transfert de production de ce test Covid-19.
"C'est un dépistage rapide anticorps et non antigène. Cela veut dire qu'il ne vise pas à détecter si le coronavirus est présent dans le corps mais bien à voir si la personne a réagi immunitairement au virus. S'il n'y a pas de signe clinique grave, le patient rentre à la maison en attendant un second test."
Prioriser les soins
"Ce test n'est pas à la portée de tous, il faut savoir en interpréter la lecture. Il doit être manipulé par un médecin et ne sera jamais en vente dans une pharmacie ou à une personne non qualifiée", balise l'entrepreneur scientifique. En clair, le test permet un premier filtrage des malades suspects. Tous les patients qui se présentent à l'hôpital peuvent être testés, ce qui aidera le corps médical à déterminer le traitement nécessaire, maximaliser les chances de guérison et mieux gérer l'engorgement de lits en soins intensifs. Le test permet aussi au personnel soignant de savoir s'il est immunisé ou non contre le coronavirus. Cette information est essentielle à chacun et dans l'attribution des rôles au sein des différents services. Plus tard, le test pourrait être un des outils nécessaires à la gestion de la fin du confinement.
Test grandeur nature
Jean-Claude Havaux, fondateur de Zentech.
Étant scientifiques et conscients de l'importance de l'enjeu, les dirigeants de Zentech désirent avant toute chose confirmer en Belgique les performances du test observées en Chine, étant donné les spécificités des populations testées. Dans les premiers jours d'avril, le CHU a labellisé le test, reconnu fiable à 100 % sur la détection des anticorps. Ce feu vert obtenu, la production a démarré à Angleur, à hauteur d'un million de tests par mois. Après l'administration du test au personnel soignant et des maisons de repos en Belgique, la prochaine étape sera d'une part sa commercialisation, et d'autre part son utilisation pour tester l'entièreté de la population chinoise.
Actuellement, le coût du test Covid-19 tourne autour de 9,80 euros. Plus il sera produit à grande échelle, moins son coût sera élevé. L'annonce de son existence suscite déjà un vif intérêt, notamment dans le monde entrepreneurial. "Ce dépistage apporte une vraie réponse pour dédramatiser et annuler les crises d'angoisse. La gestion du personnel pourrait s'en trouver apaisée."
Expertise sino-wallonne
L'entreprise liégeoise œuvre de concert avec son partenaire chinois depuis 2013. "Nous avons établi une joint-venture en 2015 pour mettre sur pied des programmes scientifiques communs, échanger des informations commerciales et de production. Dès la mi-janvier, nous savions que notre partenaire travaillait sur la détection du virus, cela nous a donné quelques longueurs d'avance", résume Jean-Claude Havaux.
Et de poursuivre : "Nous devions nous assurer que notre produit donne de vraies réponses cliniques en Chine et c'est le cas. Maintenant, il faut qu'il soit accepté par la communauté d'expert belges et européens, même si le kit a le marquage CE."
Lorsqu'on s'engage dans un processus de screening de population, il faut s'assurer que la chaîne logistique est solide. Même si le test peut être produit à hauteur de 1 à 2 millions d'unités par mois en Chine, Zentech tient à produire en Belgique, pour pallier d'éventuels problèmes d'approvisionnement et d'embargo.
C'est l'histoire d'entrepreneurs et de scientifiques dont les chemins ne devaient pas se croiser. Puis, il y a eu la pandémie et cette envie de rendre service à la collectivité. En moins de dix jours, un prototype de respirateur simplifié est né à l'OpenHub, le lab de l'UCLouvain. Il est baptisé Breath4Life. L'objectif est la livraison aux hôpitaux belges de ce fruit du travail entre université, milieu médical et entrepreneuriat.
John Plumier, de l'atelier d'usinage de Jumet éponyme, fait partie de la taskforce. L'histoire familiale a poussé cet entrepreneur à participer à l'effort collectif et à fournir des pièces. "Notre niveau de soins est élevé en Belgique. Nous possédons des compétences médicales mais il risquait de manquer de compétences techniques, et c'est inacceptable. Je n'envisageais pas de continuer à produire des pièces pour la Sonaca sans pouvoir les livrer, il fallait basculer sur autre chose. Je n'aurais pas lâché et voulais absolument rentrer dans ce projet. C'était ma quête."
Le respirateur a été testé avec succès. Les prochaines étapes ? L'industrialisation et la mise en production, avec une livraison dans les sept jours.
Des supporters au grand cœur
Citoyenneté et solidarité sont des leitmotivs dans le monde du sport. C'est pourquoi Johan 1892, l'un des groupes de supporters du RFC Liégeois a, dès les premiers jours de la pandémie, décidé de débloquer sa cagnotte pour fournir un respirateur au CHR La Citadelle de Liège. Les fonds nécessaires (35.000 euros) ont ensuite été réunis via une vente aux enchères de vareuses d'anciens et actuels joueurs, et de vedettes internationales du ballon rond.
Pendant deux semaines, trois fois par jour, les internautes se réunissaient sur la page Facebook pour faire vivre l'opération "Un jour, trois maillots". Les enchères de départ, fixées en trois sessions entre 9 et 21 heures, démarraient symboliquement à 112 euros (en référence au numéro d'appel d'urgence). "Au-delà des enchères, il y a de la discussion, des souvenirs et du lien social qui se crée. On sent aussi que les gens s'encouragent, une vraie émulation se met en place. On a voulu profiter du confinement et de la disponibilité en journée des supporters pour créer ce bel événement", explique Pierre-Laurent Fassin, directeur général du club des Sang et Marine. À l'heure de la clôture, la vente aux enchères a permis de rassembler 51.652 euros, le record des enchères a été enregistré à 3.610 euros pour une vareuse de Moreno Giusto.
Dès l'obligation de fermeture, le théâtre Le Public (Saint-Josse) a envoyé un mail à toutes les personnes qui avaient réservé leurs places pour un spectacle de l'une de ses trois salles. Il leur a demandé, "dans la mesure de vos possibilités, de reporter vos réservations sur de prochaines dates, en évitant ainsi de vous faire rembourser."
"Cette demande exceptionnelle, poursuit le mail, nous permettra de verser aux artistes, aux techniciens et à tout le personnel horeca la quasi-totalité de leur salaire." Le théâtre garantit la validité des billets d'entrée non seulement pour la fin de la saison (mai, juin) mais aussi pour toute la saison prochaine.
La règle est respectée : les personnes qui veulent être remboursées peuvent l'être. Les autres peuvent poser un acte de solidarité avec les artistes, techniciens et employés du monde du spectacle, directement touchés par les fermetures.
Des outils gratuits
UCM a apporté son soutien à la plateforme StartupVie, dont l'objectif est de mettre en avant les start-up belges qui proposent des solutions "concrètes et gratuites" pour aider les familles, les indépendants et les plus grosses entreprises, les hôpitaux, les écoles… à surmonter la crise du Covid-19. Il y a une condition : le service ou produit doit être solidaire, gratuit et dénué de tout engagement commercial.
Une centaine de start-up ont rejoint le mouvement. Plusieurs d'entre elles ont un lien direct avec le domaine de la santé, de la cuisine, de l'éducation et enseignement à distance ou encore de la mobilité. Le fil rouge de StartupVie est, aussi, de maintenir le contact entre personnes. Pour chaque start-up, la plateforme présente une fiche reprenant une série d'informations et des liens pour entrer en contact avec elle.
Il était juriste et directeur dans une grande entreprise de traitement de déchets lorsqu'en 2017, Marc Bellefroid a entamé sa reconversion professionnelle et créé Equifrais, un service de livraison de colis de repas, composés exclusivement de produits régionaux. Du "circuit court" pour lequel Equifrais n'oblige à aucun abonnement, le client décidant lui-même de la fréquence de commande et du nombre de repas par boîte. La formule est tendance, la petite entreprise liégeoise se fait un chemin entre les mastodontes du secteur et fidélise une clientèle de plus en plus large.
Et puis arrive le confinement. Les consommateurs se dirigent alors vers des formules de livraison de denrées plutôt que de faire la file devant un magasin de la grande distribution. "Au terme de la seconde quinzaine de mars, nous avons enregistré près de 60 % de commandes supplémentaires. Nous avons pu nous approvisionner chaque semaine chez nos fournisseurs habituels, même s'ils sont eux-mêmes très sollicités, notamment dans les secteurs de la viande et des légumes. Tout le monde fait des efforts, travaille beaucoup et les producteurs s'entraident", résume Marc Bellefroid.
Envolée
Le confinement et le boom des commandes auront aussi permis à l'entrepreneur d'engager deux personnes supplémentaires : un livreur à bord d'une camionnette tout récemment louée et une étudiante pour la confection des colis. L'équipe Equifrais compte désormais six personnes et fournit plus de 260 clients hebdomadaires.
"J'ai l'impression, en parlant avec les clients, qu'une majorité d'entre eux vont opérer une série de changements de comportement et nous rester fidèles. Consommer moins mais local et probablement continuer à faire appel à nos services. Actuellement, les colis commandés couvrent la préparation des repas de toute une semaine alors qu'auparavant, un colis moyen était composé de deux, voire trois repas. Cette épidémie aura marqué un tournant, c'est du moins mon ressenti."
Cela dit, Equifrais a dû changer la façon dont il entretient le contact avec les clients. Le livreur dépose désormais le colis sur le pas de porte, indique sa présence et recule de deux mètres. Il attend que le client réceptionne sa marchandise, échange quelques mots à large distance sociale et repart. Et si d'habitude, les boîtes de carton sont nominatives et réutilisées, elles sont actuellement reprises et détruites. Les colis sont composés au marché matinal de Liège avec masques et gants, et la désinfection des mains est encore plus aiguë que d'habitude.
"Nous consommons beaucoup de boîtes de carton et avons un peu peur que notre fournisseur d'emballages ne tombe à court car l'usine est en Italie, mais jusqu'à présent, nous tenons le coup", explique Marc Bellefroid.
Equifrais ne se repose pas durant les vacances de Pâques, d'autant que Pauline, la fille de Marc Bellefroid, a repris en main la gestion des réseaux sociaux par lesquels les clients font de plus en plus connaissance avec l'entreprise.
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