Mémorandum local: un catalogue d’idées sur la table des futurs bourgmestres et échevins

L’essentiel pour un climat entrepreneurial positif près de chez vous. Voilà le pitch du "Guide de recommandations", premier du nom dans sa déclinaison locale. Il traduit les réalités de terrain, le concret, les préoccupations qui animent ceux qui façonnent le tissu entrepreneurial local, au quotidien. 112 propositions pour garantir la prise en compte des préoccupations et attentes des indépendants et PME dans l’élaboration des politiques locales de demain.

Il s’impose comme la référence dans le domaine pour tout qui va écrire les politiques locales de demain. L’immanquable dans la maison communale ou le bâtiment provincial, un peu comme la fameuse photo de Mathilde et Philippe. Baptisé "Ensemble, réussissons un projet de société(s) près de chez vous", le guide de recommandations réalisé par UCM traduit, transcrit et entend transmettre les différentes préoccupations des indépendants et PME à l’aube de la nouvelle législature locale. Et, surtout, les multiples propositions pour améliorer le quotidien de ceux qui édifient, par leur volonté d’entreprendre, le quotidien de leur région.

Par sa présence à tous les échelons de la concertation sociale et à tous les niveaux de pouvoir, UCM possède une grille de lecture exhaustive du paysage. De quoi marquer sa singularité. De quoi, aussi, souligner sa force, la pertinence de son analyse. C’est que, les équipes qui ont échafaudé ces 112 recommandations distribuées d’une manière ou d’une autre à tous les candidats des élections communales et provinciales du 13 octobre ne sont pas proches du terrain, elles sont sur le terrain. Elles en incarnent les réalités par leurs contacts permanents avec les différentes forces vives en Wallonie comme à Bruxelles. "Il y a un vrai travail de prospection en amont", expliquent de concert Aurélie Marichal et Valérie Saretto, respectivement directrices des entités locales namuroises et liégeoises et chevilles ouvrières de l’ouvrage avec Violaine Dujardin (Brabant wallon), Sophie Guillet (Bruxelles) et Joëlle Labilloy (Hainaut). "Certaines entités ont par exemple organisé des rencontres entre entrepreneurs et élus actuels, pour permettre de faire remonter les enjeux. Nous avons également des contacts, multiples, avec les entreprises, des juristes qui soulignent des points, une connaissance affinée du terrain. Et les différents évènements organisés par UCM favorisent aussi les échanges, les contacts et les idées. On peut réellement parler d’imprégnation."

De quoi écrire ces idées avec l’encre du concret, donc. "Nous nous sommes également basées sur le travail réalisé en 2012 et 2018 puisque l’entité liégeoise avait déjà réalisé un mémorandum. Nous avons adapté certaines mesures, pointé aussi où étaient nos victoires et ce qu’il restait encore à faire. Notre répartition géographique nous a également permis de noter les bonnes pratiques d’une commune ou d’une autre, histoire de pouvoir les étendre. C’est la force de nos entités. Si ça marche, par exemple, à Charleroi, pourquoi ne pas le faire ailleurs ?", poursuit Valérie Saretto.

"Dans le partenariat plus que dans l’opposition"

Ce guide, cette base de travail s’érige comme une grande première à l’échelon local wallon et bruxellois. Dans la foulée inspirante du mémorandum national. "Il s’inscrit dans la continuité. Mais si ce dernier s’adressait à trois gouvernements, celui-ci est destiné, finalement, à 253 gouvernements que sont les différents collèges communaux", reprend Aurélie Marichal. "Nous voulions vraiment que ces quelques pages soient vues comme un outil de travail, un catalogue qui se trouve sur la table des échevins, du bourgmestre. Une source dans laquelle ils pourraient puiser quand ils font face à une situation. Qu’ils aient le réflexe : 'tiens, qu’est-ce qu’UCM avait dit sur le sujet ?'. C’est vraiment un maillon entre la réalité des entrepreneurs et le politique. Notre plus grand souhait, ce serait qu’un bourgmestre nous appelle en disant, par exemple 'on aimerait que vous nous aidiez à sensibiliser les commerçants sur les travaux à venir '. L’idée, c’est de se positionner comme interlocuteur pour que la déclaration de politique communale soit la plus 'entrepreneuriale friendly' pour ne pas devoir faire du lobbying après. Nous voulons être dans le partenariat et la co-construction plus que dans le lobby d’opposition."

Le tout, évidemment, en tenant compte des réalités de chaque localité. Des impondérables, aussi. Car quémander une absence totale de taxe aurait beau briller sur le papier, l’idée n’aurait que ledit papier à séduire tant elle tient, au mieux, de la chimère. Au final, la feuille de route qu’UCM entend porter aux yeux et aux oreilles des bourgmestres, échevins, conseillers provinciaux et communaux est répartie en cinq thématiques. Elle revendique toute une série de mesures qui placent l’artisanat et les commerces locaux au cœur du processus. Qui aménagent une fiscalité épousant la réalité du terrain. Celle du moment, aussi. Qui, enfin, proposent à l’administration une véritable complicité avec le tissu local des indépendants et PME. Bref, le souffle pour tonifier un projet de société(s). De Frasnes-les-Anvaing à Chaudfontaine en passant par Assesse ou Rixensart. Sans oublier Bruxelles.

 

  1. CONNAISSANCE DE SON TERRITOIRE

Cette première thématique s’érige comme la colonne vertébrale ou la fondation, selon le champ lexical convoqué, de ce mémorandum. Parce qu’il est impossible de travailler la grammaire sans connaître la langue, la connaissance du territoire s’impose comme la base absolue. "C’est le prérequis", exposent les deux directrices. "Il y a dans le mémorandum quatre grands titres et celui-ci qui chapeaute l’ensemble. Et force est de constater que si cette thématique semble logique, ce n’est pourtant pas le cas partout. Quand une commune budgétise une taxe sur les enseignes, par exemple, et prévoit des rentrées de 24.000 euros alors qu’au final, ce sont 75.000 euros qui arrivent dans ses caisses, c’est bien la preuve qu’elle ne connaît pas son territoire. Qui sont ses entrepreneurs, ce qu’ils font et ce qu’ils créent."

D’où cette notion de maillage entre tous les acteurs pour accélérer l’effet démultiplicateur des mesures. Pour faciliter l’attractivité et valider des points en adéquation avec, on y revient, la réalité, le concret du terrain. Fort logiquement, la taille et la force du "territoire économique" jouent un rôle. "Dans les grandes villes, les échevinats peuvent être tellement silotés que le partage n’est pas du tout optimal, que les informations ne se partagent pas", glisse Aurélie Marichal. "Il est déjà arrivé que 2 jours après une conférence de presse qui lance la saison touristique d’une ville, les commerçants tirent la tête car ils seront impactés par 42 festivités sur l’année qui ne seront pas toutes bénéfiques pour leur activité… D’où l’importance de l’effet démultiplicateur. Si une entreprise se pilote avec des indicateurs, une commune doit en être de même. Qui sont ses habitants, ses acteurs…?"

Penser le territoire à 360°

Utiliser les données, les rendre accessibles, aussi, malgré les écueils logistiques et le manque de moyen qui sont, évidemment, une réalité (voir par la suite). " Nous avons déjà reçu des demandes d’administrations pour avoir les coordonnées d’indépendants dans leur commune. C’est bien la preuve qu’elles les ne connaissent pas."

A minima dans les grandes villes ou communes, UCM propose donc la création d’un portefeuille de l’attractivité attribué au bourgmestre. Son objectif ? S’assurer que les planètes s’alignent car l’attractivité d’un territoire ne se limite pas à son offre commerciale. Elle doit se penser de manière transversale, chapeauter le tourisme, l’urbanisme, l’Horeca, la culture… Bref, penser le territoire à 360°. Mais pour aborder la totalité du spectre, il faut avant tout le connaître. La langue et la grammaire…

 

2. LA FISCALITE

Argent, taxe, impôts… C’est évidemment le nerf de la guerre, le combo qui marque, le point qui cristallise. Comment limiter la pression fiscale locale pesant sur les entreprises ? La limiter sans tomber dans l’utopie du zéro absolu. "Les indépendants ne sont pas contre le fait de payer des taxes mais ils veulent savoir où va l’argent", explique Valérie Saretto. Dans le résultat du baromètre fiscal réalisé par UCM (voir p.20), le manque de transparence ressort d’ailleurs comme une véritable problématique. L’opacité qui enserre certains budgets communaux engendre évidemment le doute, la méfiance quant à l’utilisation efficace des fonds publics. "Et si certains se posent des questions, la personne susceptible de leur répondre au sein de l’administration est disponible de 9 à 11h le jeudi, pour caricaturer la chose", poursuivent les deux directrices.

Outre la publication détaillée des dépenses communales pour garantir la transparence, des réunions régulières entre les représentants des entreprises et les autorités locales doivent être envisagées. Sans oublier de mesurer l’impact réel des mesures fiscales sur les PME avant de les concrétiser. "Les entrepreneurs sont ok pour participer à des discussions. Que, quand un représentant du pouvoir local rédige son règlement sur les taxes, il se dise : 'ok, je vais d’abord voir avec eux, avec ce panel de référence'. Qu’il pose cette question : 'quel impact telle ou telle mesure aurait-elle sur vous '?"

Réduction, simplification, transparence

Pourquoi, aussi, ne pas envisager des alternatives à la taxation ? Il est souvent plus efficace de récompenser les entreprises pour leurs investissements plutôt que de les pénaliser pour ne pas l’avoir fait. L’incitant positif peut davantage soutenir une politique de développement économique que la taxation pénalisante. Dans sa quête d’une fiscalité plus juste, simplifiée, mieux calibrée aux réalités du terrain, UCM multiple aussi les situations concrètes. Par exemple, n’appliquer qu’une seule fois la taxe sur les déchets pour les adresses qui englobent le siège social d’une entreprise et le domicile de son dirigeant. Ou encore, réformer la taxe sur les bâtiments inoccupés pour favoriser la mise en location des étages au-dessus des commerces. Réduction, simplification, transparence s’imposent comme l’antienne de ce chapitre

 

3. COMMERCE & ARTISANAT 

"Ce sont deux secteurs qui connaissent une situation compliquée, pour plusieurs raisons", pose la directrice namuroise. "Les séquelles du Covid et l’évolution des habitudes avec la montée en puissance des achats sur internet ont modifié la donne. Notre leitmotiv, c’est d’aider le commerçant, montrer que c’est lui qui crée le lien social. Chez UCM, nous voulons sensibiliser les politiques en leur démontrant qu’ils n’auront jamais des centres animés s’ils oublient la fonction commerce."

Le Weekend du client, qui aura par ailleurs lieu les 5 et 6 octobre prochains, abonde en ce sens. L’expérience du contact, de la papote avec le commerçant sédimente le lien autant qu’elle permet aux rues de s’animer.  "On en revient à l’attractivité, à la création de conditions favorables pour redonner leurs lettres de noblesse à ces fonctions", pose en chœur les deux auteures. "Nous l’avons donc articulée autour de quatre thématiques. La sécurité, l’accessibilité, les travaux et l’accompagnement."

Des aides adaptées

Chaque thématique se développe en plusieurs propositions. D’une offre de parking adaptée, couplée à des réductions lors d’achats dans les commerces du coin, à la sensibilisation des agents de quartier aux difficultés des commerçants. Dans le cadre des travaux de longue durée, pourquoi ne pas envisager, aussi, la relocalisation des enseignes affectées par les travaux vers une cellule vide du même module commercial ? Ce ne sont, ici, que trois points parmi d’autres, trois lignes qui doivent permettre aux différents commerces de capter la lumière du succès. Or, selon l’Atlas du créateur 2024 réalisé notamment par UCM, un peu moins d’une entreprise sur deux (47.42%) créée en 2013 est encore active. Dans l’Horeca, seule une sur trois (34%). Et dans le commerce de détail, moins de deux entreprises sur cinq franchissent des dix ans d’existence.

Le commerce traverse une révolution qui, de facto, rend le futur difficilement prévisible. Il convient donc aux décideurs locaux de proposer des conditions favorables à son développement. Comme, par exemple, des dispositifs d’aides adaptés à la réalité des commerces. Comme à Namur pendant les travaux du piétonnier ou, autre exemple, le fond d’impulsion à Mons, qui a pour but de favoriser l’implantation de nouveaux commerces via l’octroi de primes portant sur le loyer et l’installation.

4. AMENAGEMENT DU TERRITOIRE 

La clé, celle qui permet de déverrouiller la porte de la création, de l’entrepreneuriat, se nomme "vision à long terme". "Il faut que l’élu se dise qu’il va mettre en place une politique qui risque de ne pas aboutir sous sa législature", étaye Aurélie Marichal. Ce qui, en soi, n’est guère porteur de voix pour ledit élu qui ne pourra pas s’appuyer sur la force de ce projet à l’heure de son bilan. "Il faudrait que chaque bourgmestre, chaque collège se demande : comment voyons-nous notre commune dans vingt ans ?" Valérie Saretto poursuit : "Mais, pour allouer un permis, je me dois de connaître mon territoire. On en revient au premier point. S’il y a une demande de création en périphérie, sur quels critères vais-je poser ma décision ? Via un schéma de développement commercial, comment vais-je orienter mon choix ? »

Supracommunalité

Comment, finalement, transformer les contraintes liées à l’aménagement du territoire en opportunités ? Comment utiliser les restes d’un passé industriel désormais éteint et les réhabiliter en zones dynamiques et efficientes ? Comment éviter l’étalement urbain ? Toutes ces questions sont évidemment primordiales et UCM propose du reste une série de pistes. "Prenons l’exemple des implantations mastodontes à l’extérieur des villes. Ces grands centres commerciaux en périphérie qui sont intéressants au niveau fiscal pour les villes même s’ils engendrent une série de problèmes. Comme celui de la mobilité ou des centres-villes qui en souffrent, par exemple", explique Valérie Saretto. "Il faut penser en termes de supracommunalité. Prendre de la hauteur, sur la temporalité comme sur le territoire. D’ailleurs, ce mémorandum est également dédié aux provinces."

L’accessibilité au sens large, la mobilité garantie sont évidemment primordiales pour "modifier" les habitudes, proposer aux commerçants et clients de se réapproprier les centres. Il en va de même pour la force des "smart cities", soit ces villes ou villages connectés, par le déploiement d’un réseau wifi urbain, par exemple. Le tout en prenant en compte la réalité budgétaire des communes.

5. UNE ADMINISTRATION PARTENAIRE 

"Nous demandons à l’administration de savoir ce qu’est un indépendant. Quelle est sa réalité", plaident les deux directrices. "Parce que si elle connaît sa réalité, elle va adapter ses horaires, digitaliser certaines démarches. Souvent, on considère l’entrepreneur comme un citoyen lambda, ce qu’il est dans un sens mais il est aussi quelqu’un qui fait vivre son entité à sa manière."

Le constat est aussi cinglant qu’évident et perdure à travers les années. Malgré la force grandissante des démarches en ligne, l’administration vit trop souvent dans sa propre réalité, loin des contingences, en forçant légèrement le trait, "du monde réel".  "La plupart des administrations ne se mettent pas à la place du citoyen. L’entrepreneur, quand il contacte UCM, veut et obtient une réponse à sa question. S’il le fait à l’administration et n’a une réponse que 48 heures plus tard, il est forcément pénalisé. Nous ne disons pas qu’il doit être privilégié mais, au moins que l’administration puisse se mettre à sa place."

Visage humain

D’où le visage humain, l’accessibilité et la simplification de tout ce qui touche à ce domaine. Une entité qui étire ses horaires pour proposer des démarches "en soirée" mais le traduit par une ouverture "jusqu’à 18h le jeudi", ce n’est évidemment que peu compatible avec bien des réalités professionnelles. L’innovation technologique, la numérisation, les mandats plutôt que la présence obligatoire, vont dans ce sens. Et l’administration, certes souvent une machinerie extrêmement lourde, doit avoir ce réflexe indépendant/PME via, par exemple, des consultations régulières avec le tissu économique. Et, pour cela, elle doit évidemment connaître son territoire... 

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