Les dépressions et le burnout constituent la première cause des arrêts maladie de longue durée chez les salariés (plus de 30 %) et la deuxième cause chez les indépendants (22,1 %). Sur le terrain, des initiatives diverses s'attaquent au problème.
Isabelle Morgante
Plus encore que les maux de dos et autres problèmes locomoteurs, ce sont les troubles émotionnels et psychologiques qui sont, de nos jours, la cause majeure des arrêts de travail de longue durée. Les statistiques de l'assurance maladie (Inami) répertorient plus de 135.000 salariés et indépendants indemnisés dans la catégorie "troubles psychiques".
Le burnout des salariés est un sujet battu et rebattu par les médias. À juste titre car le phénomène a pris des proportions inquiétantes. C'est d'abord un problème humain mais c'est aussi une difficulté économique pour les entreprises qui ne peuvent plus compter sur un de leurs collaborateurs.
L'épuisement des chefs d'entreprise est moins souvent évoqué mais il n'est pas rare, en 2019, que les entrepreneurs vivent à du 200 à l'heure, le nez dans le guidon. Concilier sa vie professionnelle et sa vie familiale tient de la gageure, sans même évoquer la nécessité d'avoir un peu de temps pour soi et pour prendre du recul.
En 2015, une enquête UCM a montré que 65 % des indépendants et chefs de PME estiment avoir une surcharge permanente de travail. Ils sont 51 % à souffrir d'isolement et 45 % à travailler le dimanche, souvent à des formalités administratives.
Il n'y a évidemment pas de solution simple à la question du burnout. Toutefois, des associations et des entrepreneurs proposent aujourd'hui des solutions pratiques pour prendre en charge les tracas, évacuer le stress et libérer l'esprit des salariés et des indépendants. Partons à la découverte de quatre approches différentes et concrètes pour travailler avec davantage de sérénité.
Outil fédéral
Le SPF Sécurité sociale vient de mettre en ligne un site internet consacré aux phénomènes du stress et du burnout. Organisé en cinq rubriques (prévenir le burnout, le reconnaître, se reconstruire, l'après-burnout, à qui s'adresser), il s'adresse tant aux salariés qu'aux indépendants. Chacun y trouvera des infos utiles, des conseils et des témoignages éclairants. Les employeurs et même les prestataires de soins bénéficient de pages spécifiques.
Créée en 2018, l'asbl "be Sense" œuvre en Wallonie et à Bruxelles à la prévention du burnout et des affections mentales liées au travail. Elle propose une approche globale d'accompagnement et de conseils pour répondre à la fois aux personnes et aux entreprises confrontées à la problématique.
Une campagne de sensibilisation "Stop au burnout" démarre fin avril. Orchestrée par une équipe pluridisciplinaire et des partenaires aux compétences diverses, elle offrira l'accès à un diagnostic précoce au travers de dix tests assistés par ordinateur, dont le résultat sera adressé sur demande au médecin traitant. Un guide des affections liées au stress appuiera la diffusion de témoignages vidéo sur internet et les réseaux sociaux. Plusieurs événements seront organisés pour le public le plus large possible.
Des conférences et des journées bien-être sont prévues notamment à Orp-Jauche ou chez les entrepreneurs partenaires. Un cycle de huit semaines sur la "pleine conscience" ponctuera cette campagne, qui se conclura sur un cycle de vingt jours en "management responsable".
Claudine Maréchal, hospitality manager, veille au bien-être des 150 collaborateurs travaillant sur le site de Burogest.
Le centre d'affaires namurois Burogest loue ses infrastructures à des entreprises. Claudine Maréchal y occupe le poste d'hospitality manager. Elle est l'une des chevilles ouvrières de Burogest depuis seize ans.
"Nous partons du principe que l'employé qui est débarrassé d'un certain nombre de tracas liés à la vie quotidienne est une personne plus disponible pour son travail et performante dans la réalisation de celui-ci. Nos clients sont ainsi en phase dans leur environnement de travail, et pas seulement matériellement. En leur facilitant la vie, nous levons une partie de leur charge mentale, source de tracas et de lourdeurs", résume Claudine Maréchal.
De manière progressive, Burogest a mis en place une série de services concrets pour les 150 salariés répartis dans une grosse vingtaine d'entreprises clientes. Par exemple, des prestations de repassage sont assurées via les titres-services. Les mannes de linge sont déposées le lundi et repartent à la maison le jeudi. Le pressing se charge des vêtements plus délicats, tout en restant attentif aux sensibilités environnementales actuelles, en diminuant l'utilisation de housses plastique.
"Cette touche familiale et d'attention fait partie de notre ADN, nous voulons rester proches des personnes qui utilisent nos infrastructures, poursuit Laurence Soetens, administratrice déléguée de Burogest. En développant ces services parallèles, nous renforçons l'esprit de communauté, l'une de nos missions étant de prendre soin des entreprises et de leurs travailleurs."
Parmi les autres services disponibles, on peut citer le car-wash sur le parking du bureau, la livraison de paniers de légumes (en point relais) ou encore un programme "sport et santé" qui permet aux collaborateurs, deux fois par semaine, de faire du sport puis de se doucher chez Decathlon, le magasin situé à un jet de pierre des bureaux.
Une diététicienne vient en consultation tous les trimestres. Les rendez-vous peuvent avoir lieu dans la salle spéciale "convivialité" ou sur la terrasse de l'immeuble. Enfin, des ateliers thématiques animent les temps de midi et des conférences sur des sujets divers s'organisent en soirée.
Pour Nicolas Caucheteux, "l'ostéopathie est une approche globale du corps, de ses maux et de ses mots. Un collaborateur à qui on lève la charge mentale sera plus performant dans son travail."
Nicolas Caucheteux est kiné mais aussi, depuis 2010, ostéopathe. Cette deuxième profession, il l'exerce aujourd'hui exclusivement. Par choix. Mais il donne en outre des cours dans une école lilloise.
"J'ai dirigé un cabinet de kinésithérapie avec cinq collaborateurs, mais j'ai revu mes priorités. Maintenant, je soigne des patients dans leur globalité, je suis plus posé", explique-t-il. L'anamnèse sera faite au premier rendez-vous. Motifs de consultation, antécédents de santé, chocs émotionnels, médicaments, métier et loisirs sont quelques-uns des critères pris en compte. "Il y a une dimension en ostéopathie que l'on ne retrouve pas ailleurs. C'est une de ses forces", expose le professionnel.
Les bienfaits de cette méthode – qui reste hors des écrans radars des conventions de remboursement –, Nicolas Caucheteux les met désormais au service des entreprises dans un périmètre formé par Mouscron, Ath, Mons et La Louvière. "L'ostéopathie en entreprise est développée en France mais très peu chez nous, voire quasi pas. Les résultats sont pourtant encourageants. Il est possible de réduire fortement la fréquence des troubles musculo-squelettiques. La douleur peut diminuer la concentration et créer de réels soucis de productivité. En proposant des séances d'ostéopathie à ses employés, l'entrepreneur prend soin d'eux et assure, par la même occasion, la bonne santé de son entreprise", estime Nicolas Caucheteux.
La pratique au sein d'une entreprise nécessite de disposer d'un endroit calme, à l'abri des allées et venues des collaborateurs, afin de pouvoir y déplier sa table et recevoir la patientèle. Comme il le fait dans son cabinet d'Antoing. Tout est dupliqué, gage d'efficacité des soins pour lesquels ouverture d'esprit et état de conscience sont requis. "Il faut s'ancrer et s'enraciner, prendre le temps d'écouter les tissus de la personne. Lorsqu'on est épanoui, on performe", conclut-il.
"Une infirmière travaille à 100 % mais doit avoir du temps pour elle et sa famille", pointe Anne-Caroline Ernst, créatrice d'Infigestion.
Anne-Caroline Ernst est infirmière de formation. C'est elle qui veille à la bonne santé d'Infigestion, une plateforme numérique à multiples facettes au service des infirmières indépendantes.
"Dès le début de ma carrière, j'ai fait le choix de ne pas travailler dans les hôpitaux car je ne me sentais pas en harmonie avec leurs valeurs. J'ai néanmoins d'abord été salariée et j'ai assumé sous ce statut des tournées d'infirmière à domicile pendant plusieurs années. Mon objectif était de devenir indépendante. C'est la raison pour laquelle j'ai créé Infigestion en août 2013."
Le principe est simple : il s'agit de fournir aux infirmiers et infirmières une aide numérique, logistique et humaine, afin de dégager du temps pour autre chose que la profession. "Nous sommes face à une génération de professionnels qui veut travailler mais aussi passer du temps avec sa famille et avoir des loisirs. Avant, être infirmier(-ère) indépendant(e) et assumer une tournée relevait quasi du sacerdoce. L'équilibre entre vie professionnelle et vie privée était difficilement possible. Infigestion permet d'éviter le surmenage et donc les risques de burnout. Quand on est au contact de patients, de gens qui ne vont pas bien, on doit préserver sa qualité de vie", insiste cette maman de trois jeunes enfants et épouse d'agriculteur.
Aide primordiale
Concrètement, Infigestion développe des aides au quotidien et repose sur un principe de communauté. Il prévoit un module de remplacement de qualité de l'infirmier(-ère) indépendant(e) même en urgence et/ou en préservant sa tournée, une aide pour les charges administratives et de facturation, un outil de référencement et une assistance bureautique. Sous forme d'application, la plateforme est le compagnon de ces professionnels de la santé. Elle donne accès aux données médicales des patients, mais aussi à l'agenda, à la feuille de route et aux plans de soins.
"Actuellement, nous gérons une soixantaine de tournées et assumons près de 300 jours par mois de remplacement hors vacances scolaires. Ce chiffre peut tripler pendant les congés scolaires."
En moyenne, en plus de sa tournée quotidienne (entre 07:00 et 20:00), l'infirmière consacre une bonne heure par jour à l'administratif. Ici aussi, la plateforme est un précieux allié.
Du 18 au 22 novembre prochain, Wallonie Entreprendre organise la neuvième édition de la Semaine de la Transmission. Une semaine riche en événements aux quatre coins de la région et en ligne durant laquelle 40 conférences et ateliers sont prévus.
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