Au confinement, des milliers d'entreprises ferment leurs portes. Questionnement, panique et même résignation… mais pas pour tous. De nombreux entrepreneurs ont ainsi débuté sur internet, pour sauver leur gagne-pain, parce que commercer en 2020 passe par la digitalisation de l'entreprise. Tour d'horizon des formules possibles pour être un peu, beaucoup, passionnément présent sur la toile.
Isabelle Morgante
Un malheur qui a du bon
Grâce ou à cause de la crise sanitaire, l'e-commerce est en plein boom en Belgique… Mais il est prudent de nuancer les chiffres.
Le confinement a entraîné une hausse significative de la vente en ligne d'articles de mode.
Selon l'enquête de Be-commerce, l'asbl qui rassemble les entreprises actives sur le web, plus de 117.000 Belges ont acheté pour la première fois en ligne durant le premier trimestre 2020. Un record.
Déjà en courbe ascendante depuis quelques années, la vente en ligne a semble-t-il profité de la crise sanitaire pour se renforcer. S'il fallait un chiffre pour appuyer cette tendance : quatre ans après avoir effectué un peu plus de 43 millions de transactions en ligne, les Belges en ont déjà réalisé 28 millions à la fin mars 2020. Un bémol : le panier moyen est moins fourni et accuse une diminution de 8 %.
Selon les estimations d'un concepteur de plateforme d'e-commerce, plus de 7.000 nouveaux webshops verront le jour cette année (contre 5.000 en 2019), portant le nombre total à 35.000 membres d'ici 2021. En d'autres mots, pendant que le chiffre d'affaires a reculé de près de 3 % dans l'ensemble du commerce de détail lors du deuxième trimestre 2020 (en comparaison avec la même période de 2019), le chiffre d'affaires issu des ventes à distance a bondi de 48,7 % sur les mêmes périodes.
Pas tous les domaines
Assez logiquement, certains secteurs ont déployé leur entreprise sur la toile plus vite que prévu et en plus grand nombre. C'est le cas de la pharmacie en ligne et des sites de mode, répondant aux besoins/envies d'achat des Belges confinés. Dans certains cas, l'augmentation est même de 100 % depuis le début de l'année.
Des chiffres qui traduisent l'engouement de la population pour les achats en ligne, sans pour autant délaisser le commerce de proximité, l'un enrichissant l'expérience de l'autre. "Si les commerçants ont découvert une formule avec des résultats à la clef, je crois qu'ils seront tentés de la développer et de la pérenniser", explique Clarisse Ramakers, directrice du service d'études UCM.
Installer un nouveau mode de consommation dans les habitudes du grand public demande de l'investissement mais aussi du temps, de l'énergie et de la créativité. S'il fallait un chiffre pour appuyer cette vérité, il est bon de rappeler que 60 % des webshops qui ne se réinventent pas régulièrement comptent moins d'une douzaine de transactions par an et finissent par disparaître dans les méandres de la toile.
Se libérer de toutes les contraintes
Olivier Lechien, porte-parole de Bol.com.
Bol.com, la plateforme de vente en ligne néerlandaise, existe désormais en français. Entretien avec Olivier Lechien, son porte-parole.
- En quelques mots, qu'est-ce que Bol.com ?
- Il s'agit d'une plateforme de vente en ligne dont le catalogue comprend 15 millions de produits, présentés en 42 catégories. Bol vend ses propres produits et met sa plateforme à disposition des commerçants. Née en 1999 aux Pays-Bas et 2009 au nord de la Belgique, elle est aujourd'hui déclinée en français, sur mobile IOS et Android. Bol.com est un produit qui fonctionne bien, il était assez logique de le proposer au sud du pays, sans autre raison que la volonté d'offrir le service à l'ensemble de la population belge.
- Quels sont les avantages d'utilisation de Bol.com pour le commerçant ?
- L'intérêt est clairement de se libérer de toutes les contraintes liées à la gestion de la vente et de la présence en ligne. Nos collaborateurs s'en chargent. Le commerçant crée sa boutique et l'alimente, nous gérons tous les autres aspects. Nous nous rémunérons sur base d'une commission fixe de 1 euro par transaction, en plus d'un pourcentage sur la vente (de 5 à 25 % selon la nature des produits).
- Qui utilise Bol.com ?
- Notre ADN, c'est la collaboration avec nos partenaires. Nous réalisons 40 % de ventes propres, le reste appartient aux commerçants. Ceux-ci sont pourvus (ou non) d'une e-boutique, ils ont un commerce physique (ou pas). Actuellement, nous comptons 35.000 partenaires dont 3.700 en Belgique. La distribution des colis est organisée via bpost et PostNL (livraison à domicile et points de collecte) ou la chaîne de magasins Delhaize (points de collecte) en 24 heures, voire deux jours pour certains produits. Les frais de livraison sont de 2,99 euros pour un achat inférieur à 20 euros, et gratuits au-delà.
Où trouver de l'aide ?
Des solutions existent pour le chef d'entreprise qui débute sur la toile ou désire améliorer sa présence en ligne.
Chèques maturité numérique : véritable partenaire de l'entrepreneur, ce dispositif permet de mesurer la maturité de l'entreprise et de l'accroître, pour améliorer sa compétitivité et sa pérennité. Ce travail passe par la réalisation d'un audit ou d'un diagnostic de la situation actuelle et l'analyse des besoins. À cela s'ajoutent de l'accompagnement, la mise en place d'un plan d'actions ou d'une politique spécifique, voire l'inscription et l'abonnement aux espaces de coworking. L'audit pourra servir de carte d'identité de l'entreprise, à fournir par la suite aux prestataires. Cet accompagnement est soumis à certaines conditions et plafonné à 60.000 euros HTVA sur trois ans.
Digital Wallonia : il s'agit d'outils d'auto-évaluation de maturité numérique et de modules thématiques. Les domaines sont multiples : relations clients, processus internes ou ressources humaines. L'entrepreneur peut personnaliser ses recherches en fonction de son secteur. Des recommandations adaptées et un score de maturité signent la fin du parcours.
Dès le confinement prononcé, dans de nombreuses communes et villes de Wallonie et Bruxelles, l'effort a été collectif pour soutenir l'économie locale et la vente en ligne via plateformes.
Dans la capitale wallonne, les commerçants namurois vendent en ligne sur Namur Boutik. Portée par la coopérative OpenFlow, namurboutik.be fonctionne par abonnement et ouvre la commande (web ou téléphone) de produits livrés deux fois semaine. Le site propose également des bons d'achat, pour acheter "namurwè".
Le commerçant de Ciney peut, lui, s'inscrire très facilement sur buyinciney.be, une plateforme générée par la Ville et qui regroupe des dizaines de produits, avec ou sans paiement en ligne.
De son côté, shop'in Andenne a réalisé une vidéo de promo pour soutenir les 400 commerces de la commune.
Au sud du pays, la commune de Gouvy a mis en place un programme de soutien aux indépendants pouvant prouver une perte d'au moins 30 % du chiffre d'affaires entre mars et mai, ou une fermeture de dix jours. Gouvy distribue par ailleurs des bons d'achat aux ménages, à dépenser dans la commune.
Et ce n'est pas fini. En province de Liège, citons les chèques-cadeaux proposés à Fléron pour soutenir l'économie locale (une enveloppe de 326.000 euros supporte la mise en place) ou l'épargne citoyenne lancée par Blegny via son asbl BlegnyMove. Ouverts aux citoyens et garantis par la commune, les fonds sont directement reconvertis en chèques-cadeaux utilisables à Blegny et distribués à ceux qui étaient en première ligne durant la crise.
La Ville de Liège, quant à elle, a ouvert début septembre une cellule Covid, accessible aux Liégeois prouvant l'impact de la crise sur leur quotidien et leurs finances. Une permanence par des avocats spécialisés en matière de faillite est assurée, comme une médiation d'entreprises, le tout gratuitement (0800/43.008).
Partenariat UCM-Province
Pour préserver l'engouement des consommateurs vers les producteurs locaux, la Province de Namur a créé une carte de fidélité, en partenariat avec UCM.
Assez classiquement, le client achetant chez un commerçant de proximité engrange des points par tranches d'achat, qui donnent accès aux activités et infrastructures gérées par la Province (musée, parc ou domaine, etc.). Ce n'est pas une charge pour le commerçant, sinon celle de scanner la carte (la province fournira l'application).
De manière générale, UCM soutient les plateformes communales d'e-commerce mises en place pendant le confinement. Il est important de développer ce mode d'achat en synergie avec la boutique physique.
Sophie Robert (UCM Namur) et Katty Toussaint (UCM Hainaut) sont toutes deux conseillères en communication. Leur métier, c'est d'accompagner les starters et les entreprises en croissance dans leur stratégie en communication. "Le premier point d'attention, dès l'idée de création, c'est la définition de la proposition de valeurs. “Pourquoi les clients vont-ils me choisir et pas un autre ?” est une question fondamentale. C'est l'ADN de l'entreprise", résume Sophie Robert.
"Là où le web est devenu incontournable, il convient d'envisager les supports hors web (flyers ou lettrage de véhicule), complète Katty Toussaint. Être présent partout permet ainsi de capter les clients qui achètent sur le web et sur les canaux traditionnels. Avant de créer un site, il faut se poser les bonnes questions. Qui sont mes clients ? Que leur proposer ? Quels avantages vont-ils obtenir ? Et surtout, avoir une bonne connaissance de la concurrence pour être compétitif."
Le fond et la forme
Lorsque le fond est connu et maîtrisé, il faut choisir la forme, en optant pour la bonne solution de développement. Il existe des sites peu onéreux permettant de tester le produit et/ou le service, et de plus complexes, développés en externe par des professionnels, à l'investissement plus important et nécessitant plusieurs devis. Enfin, la création d'une page sur les réseaux sociaux est presque incontournable. Il y a lieu de l'alimenter et d'en prendre soin car elle sera la première vitrine de l'entreprise.
Pour l'agenda et les modalités pratiques des ateliers digitaux : ucm.be ou courriel à une conseillère UCM.
Pour Benoît Hossay, la crise sanitaire a entraîné un changement de mentalités vis-à-vis du web.
La crise a changé le commerce. Le monde est au bout de la rue, l'ancrage d'une entreprise sur le web lui offre une identité, voire l'aide à survivre. Au dirigeant de trouver le juste tempo, notamment en fonction de la nature des produits et services.
Au plus fort du confinement, en deux mois, l'entreprise liégeoise Infitiny Mobile a observé une augmentation du chiffre d'affaires par les mille commerçants utilisant sa plateforme Shopitag de 80.000 % ! "Notre outil en ligne permet de vendre en moins de 30 minutes et à peu de frais", résume Benoît Hossay, cofondateur d'Infinity Mobile et créateur de Shopitag. "La crise sanitaire a entraîné un changement de mentalités vis-à-vis de la vente sur le web. Nous sommes passés d'un outil superflu à un canal indispensable."
Shopitag démocratise et simplifie la présence sur le web. La plateforme est née il y a moins de trois ans dans la foulée de Ask Emma, un chat bot surtout utilisé par l'horeca pour les commandes et la vente en ligne. "Un site internet demande des fonds considérables et plusieurs mois de développement avant même d'enregistrer la première commande. Dans mon ancienne vie de développeur, je créais des sites qui m'échappaient une fois confiés aux clients. Il y avait un grand vide à combler entre le site internet et les réseaux sociaux, auquel nous répondons avec Shopitag", défend Benoît Hossay.
Le produit plaît, c'est une évidence : près de 2.000 PME et artisans ont ouvert une boutique sur Shopitag dans 19 pays. Be-commerce annonce l'ouverture de 7.000 nouveaux commerces virtuels rien qu'en 2020. "L'utilisation de la plateforme est très souple. Sans abonnement, elle est gratuite jusqu'à trois ventes par mois. Au-delà, nous proposons des formules mensuelles à 25 et 45 euros, et prélevons une commission sur les ventes. Nous avons donc intérêt à ce que cela fonctionne", conclut l'entrepreneur.
Poussé du pied par la crise sanitaire, Frédéric Boone a décidé de s'équiper d'un site complet de vente en ligne.
Les mois de confinement ont cloué le commerce. Certains entrepreneurs ont très vite réagi, en renforçant leur présence sur le web. C'est le cas de Florence et Frédéric Boone, qui gèrent Marine Shoes à Auvelais.
"La grand-mère de mon épouse a ouvert le premier magasin de chaussures, à Tamines, raconte Frédéric. Florence a créé la marque Marine il y a 35 ans. Notre concept-store est installé à Auvelais sur 400 m² et propose chaussures, mode, accessoires, décoration et parfums."
L'état des lieux est simple. Avant la crise sanitaire, Marine Shoes disposait depuis longtemps d'un site web vitrine, qui présentait 70 % de la collection chaussures mais pas de vente en ligne. "Nous diffusions notre actualité sur le site mais sans lien avec notre stock. Par contre, nos pages sur les réseaux sociaux drainaient de la clientèle que nous ramenions physiquement au magasin, les ventes en ligne étaient très marginales."
Et puis, le déclic. "Juste avant la crise, nous avons visité un salon geek à Liège où nous avons rencontré Shopitag. Le confinement a été le bon moment pour commencer."
Et Frédéric Boone de compléter : "Avant la crise, nous pensions ne pas avoir notre place dans la vente en ligne vu la concurrence des mastodontes. C'était faux, nous le prouvons tous les jours, avec notre propre identité ! En communiquant sur les réseaux et enrichissant notre boutique Shopitag, nous avons créé une dynamique entre les deux supports. Cela représente aujourd'hui 20 % de notre chiffre d'affaires habituel."
Marine Shoes démontre que le commerce électronique peut démarrer sur les réseaux, aller vers l'e-shop puis revenir en magasin. "Tout est lié et c'est nous qui donnons le ton, il n'y a plus de cloisonnement."
Les cinq et six octobre. La date est surlignée au fluo dans les agendas, bardée de rappels dans les téléphones, marquée d’annotations dans les calendriers. Le premier week-end d’octobre, et c’est d’ailleurs devenu une évidence comme les feuilles tombent des arbres en automne, place au "Weekend du client". Soit l’évènement organisé par UCM.
C'est reparti pour le Weekend du client. Depuis 2017, les commerçants sont invités à participer à ces deux journées (l'ouverture le dimanche n'est pas obligatoire) entièrement dédiées au shopping plaisir, partout en Belgique. Après Liège en 2023, direction le Brabant wallon et plus précisément Rixensart pour trouver la ville phare de cette édition. Suivez la ligne jaune et rendez-vous les 5 et 6 octobre prochains pour un Weekend qui s'annonce déjà inoubliable.