Intelligence artificielle : menace ou opportunité ?
Parler à un robot, alléger la paperasse pour exercer son vrai métier... ou voir disparaître l'emploi ? L'image collective de l'intelligence artificielle (IA), c'est un peu tout ça à la fois ! Il est temps de se poser les bonnes questions, de mesurer les possibilités et de réfléchir aux avantages. L'UCM a consacré une étude à l'IA, qui met en exergue les défis et opportunités pour les PME bruxelloises et wallonnes.
Isabelle Morgante
"Ouvrir la voie"
Pour Thierry Geerts, CEO Google Belgique, l'intelligence artificielle n'est pas Terminator. Maîtriser sa digitalisation est capital pour l'entrepreneuriat nouvelle génération.
Si le lecteur d'UCM Magazine utilise Google Translate, il peut bénéficier d'une assistance en intelligence artificielle, traduisant des phrases entières. C'est un exemple parmi d'autres, Google plaçant l'IA sur les premières marches de ses défis actuels. "Dans les années 80, l'arrivée de l'ordinateur a révolutionné la vie des entreprises. Le principe est le même pour l'intelligence artificielle, devenue indispensable, résume Thierry Geerts. L'IA améliore efficacement notre façon de travailler. Nous devons réinventer notre business en fonction de cette nouvelle technologie. Même les plus petites PME sont concernées à plus d'un titre. S'il utilise l'IA, un artisan pourra alléger sa paperasse, se consacrer réellement à son métier, et faire appel à son comptable pour ses réelles compétences. Tout comme l'avocat qui met ses conseils et son expertise au service de ses clients, puis s'appuie sur l'intelligence artificielle pour étayer son travail de recherche." Et de conclure : "Avant l'invention des avions, on ne s'imaginait pas qu'il y aurait des hôtesses de l'air. L'intelligence artificielle va ouvrir la voie à de nouveaux métiers et en transformer d'autres. La résistance au changement est le plus gros risque des prochaines années."
Pour Jean-Louis Van Houwe, l'intelligence artificielle peut améliorer confortablement notre quotidien.
Simplement du "bon sens paysan"
L'intelligence artificielle au service du bien-être et du bonheur au travail ? Pour le fondateur de la carte de chèques-repas électroniques Monizze, c'est oui !
L'ADN de l'opérateur de titres électroniques Monizze est résolument numérique (voir Union & Actions n° 180) depuis sa création. L'utilisation de l'intelligence artificielle dans le panel de services qu'il peut vendre à ses clients et utilisateurs semble tomber sous le (bon) sens (paysan). "À un moment donné, l'auto a remplacé le cheval et le monde ne s'est pas écroulé. Cela veut dire qu'il faut évoluer dans notre perception des nouvelles technologies. Proposer le solde et l'historique des transactions sur notre carte, c'est la base. Par contre, y amener une série de services tenant compte des préférences des utilisateurs nous semblait indispensable. Nous allons donc lancer une application, connectée directement à la carte de chèques-repas, qui offrira de la plus-value aux utilisateurs, en utilisant l'intelligence artificielle et la géolocalisation. L'idée est d'avoir un maximum de sources et d'informations pour améliorer la qualité de vie au travail des utilisateurs", explique Jean-Louis Van Houwe.
Pratiquement, cela se traduit, par exemple, par une offre de restaurants accessibles à pied par l'utilisateur, de manière à non seulement lui faire découvrir le quartier dans lequel il évolue ou travaille, mais aussi de le faire bouger pour rester en bonne santé. "La combinaison de l'intelligence artificielle et de la géolocalisation ne se limite pas à offrir des restaurants dans l'appli, cela va beaucoup plus loin en utilisation. Le panel de services ne fait que s'enrichir, et ne fait pas de concurrence à ce qui existe déjà. C'est un outil qui s'additionne, un complément. Les PME doivent arrêter de croire que le progrès vient systématiquement d'ailleurs", résume le CEO de la PME.
Pour Jean-Louis Van Houwe, l'intelligence artificielle peut améliorer confortablement notre quotidien.
Réinventer le métier d'avocat
La plateforme lee & ally offrira un conseil juridique de première ligne. Objectif ? Permettre aux avocats et juristes d'exercer vraiment leur métier.
Céline Wulleman est juriste spécialisée en nouvelles technologies et propriété intellectuelle. Elle exerce sa profession au sein du cabinet juridique "Les juristes Bruxelles", créé en 2010. C'est elle qui est chargée de préparer la version francophone de la plateforme lee & ally, un chatbot (agent conversationnel) mis à disposition du commun des mortels, sous abonnement, et qui offre des réponses fiables à des questions juridiques dites "de première ligne".
La plateforme lee & ally est un robot juridique, basé sur l'intelligence artificielle. En d'autres mots, c'est une grande base de données qui comprend déjà plus de 1.000 questions/réponses. L'objectif est de faciliter l'accès à l'information, dont le champ va aussi s'élargir aux droits des sociétés et du travail. "L'utilisateur va poser une question, et la plateforme va piocher l'information. Les questions/réponses sont vérifiées par des juristes, l'information y est donc fiable et recoupée, précise Céline Wulleman. Le but, c'est que le robot comprenne et donne de l'info, quelle que soit la formulation empruntée par l'utilisateur. La plateforme lee & ally doit remplacer le premier conseil, elle est principalement destinée aux indépendants, PME et start-up qui n'ont pas toujours les moyens de consulter un avocat. À terme, elle devrait permettre aux avocats d'éviter le travail redondant et de se consacrer véritablement à leurs clients en offrant une aide personnalisée."
Outre l'outil de questions/réponses, lee & ally proposera le téléchargement de contrats types.
Céline Wulleman est juriste, et en charge de la version francophone lee & ally dont la sortie est attendue à la rentrée prochaine.
Pour 14 % des PME, l'intelligence artificielle est une réalité
L'UCM a sondé ses membres : les résultats sont parlants...
L'intelligence artificielle (IA) interpelle les chefs de PME wallons et bruxellois. Selon l'enquête UCM, 9 % d'entre eux l'ont intégrée dans leur entreprise et près de 5 % ont prévu de le faire prochainement. Néanmoins, 54 % estiment que c'est inutile, que ce n'est pas pour eux. N'y a-t-il donc pas d'opportunité à saisir pour ces entrepreneurs ? Ce n'est pas certain...
Un tiers des sondés voient dans l'IA une opportunité et un quart l'appréhendent positivement. Ce sont des chiffres encourageants, mais qui ne doivent pas cacher que 14,1 % des chefs de PME y voient une menace et 17,3 % un risque.
Un quart des entrepreneurs estiment que leur entreprise ne sera pas concernée. Pour les autres, l'impact s'étalera dans le temps : dans les cinq ans pour 33 % d'entre eux, dans les dix ans pour 12 % et à plus long terme pour 15 %. Près de trois quarts des PME estiment qu'il n'y aura pas de conséquence sur les effectifs. Néanmoins, 45 % des dirigeants d'entreprise envisagent de revoir la formation du personnel.
Quand les entrepreneurs se prononcent sur la place des pouvoirs publics dans ce débat, moins de 10 % d'entre eux estiment que les autorités sont conscientes des enjeux de l'IA sur l'économie. Pourtant, les PME voient des enjeux clairs pour les responsables politiques : réformer l'enseignement (64,7 %), intégrer l'IA dans les administrations (43,1 %), soutenir la recherche en IA (41,4 %) et développer des incubateurs spécialisés (36,8 %). Quant au cadre réglementaire qui permettrait d'évoluer en douceur, un tiers des PME souhaitent freiner l'IA via des taxes sur les robots et/ou les algorithmes. Elles estiment qu'il faut privilégier l'emploi humain via des réductions de cotisation et des déductibilités augmentées pour les frais de personnel.
Et quels sont les besoins ? C'est certainement la question essentielle de cette étude. En effet, si on ne répond pas aux besoins des PME en termes d'aides et d'outils, on ne leur permettra pas de relever ce formidable défi. La majorité d'entre elles (57,8 %) souhaiteraient une meilleure information, mais surtout une information sectorielle. C'est cohérent : l'intelligence artificielle est utilisée de manière différente selon les secteurs avec des retombées à géométrie variable. Après l'information, viennent les aides publiques à l'investissement (37,5 %) car cette technologie est coûteuse, les aides à la formation du personnel (20,7 %) et les chèques consultance (16 %).
Ce sont sur ces différents éléments que l'UCM travaillera durant les prochains mois afin de s'assurer que les PME francophones pourront encore monter dans le train de l'IA.
L'économie prend un nouveau virage
L'intelligence artificielle va offrir d'énormes opportunités aux entreprises. Elle pose aussi de nouveaux défis aux PME.
De quelle manière le XXIe siècle sera-t-il celui de l'entrepreneuriat nouvelle génération et quels sont les objectifs ? L'étude de l'UCM se concentre sur l'émergence de l'intelligence artificielle (IA), et a pour objectif de cerner les opportunités économiques, mais aussi les menaces, que va apporter cette nouvelle technologie à notre tissu de PME.
L'objectif de l'IA est de copier la capacité de "raisonnement" du cerveau humain sans en avoir les capacités biologiques. Exemple : un avion vole, copie les capacités d'un oiseau, mais ne vole pas comme lui.
Selon la multinationale technologique Accenture, les pays nordiques profiteront d'un taux de croissance plus important grâce à l'IA. La Belgique serait en queue de peloton. Les secteurs de la santé, de l'automobile, du commerce et des services financiers et juridiques seront les plus impactés par l'IA. De nouveaux métiers devraient apparaître, d'autres s'éteindre, parfois inattendus comme les laveurs de vitres, remplacés par des robots dès que le prix sera abordable. Pour l'Iweps (Institut wallon de l'évaluation, de la prospective et de la statistique), sur 565.000 emplois régionaux, près d'un sur deux pourraient disparaître à l'échéance de vingt ans. Il faut évidemment les remplacer par d'autres. L'IA va réorganiser le travail dans les entreprises, c'est pourquoi l'UCM plaide pour le développement d'incubateurs régionaux et d'une formation scolaire et "tout au long de la vie" adaptée.
Aujourd'hui, si la Wallonie compte trop peu d'entreprises spécialisées dans le numérique, Bruxelles est en pointe. Les dirigeants d'entreprises, même petites, sont conscients des enjeux. L'étude UCM indique que six dirigeants de TPE sur dix considèrent nécessaires des investissements sur cinq ans pour s'adapter aux progrès numériques. Les gains possibles sont nombreux : rapidité, flexibilité, gains de productivité, meilleure planification, économies d'énergie, réponse plus fine aux exigences du marché et des clients.
"Poser des limites"
Fabrice Goffin, c'est l'un des patrons de Zora Robotics. Visionnaire, il craint pourtant la mauvaise utilisation de l'intelligence artificielle.
Le discours de Fabrice Goffin, l'un des créateurs de Zora Robotics et du robot Pepper, est tout aussi inattendu qu'argumenté. L'entrepreneur, inscrit dans les nouvelles technologies, se réserve le droit de ne pas tomber dans le déséquilibre intelligence artificielle/préservation de la vie privée. "Je ne sais pas si l'IA va sensiblement améliorer la qualité de vie. Je me pose beaucoup de questions par rapport aux limites à poser."
Et d'insister pourtant sur les domaines dans lesquels l'intelligence artificielle pourrait être bénéfique, comme la justice où l'IA permettrait d'absorber l'arriéré judiciaire. "Je reviens de Chine et partout où l'on se déplace, on est scannés par des caméras équipées de reconnaissance faciale. Tout est monitoré, cela me met mal à l'aise. J'aime aussi ne pas être obligé de répondre à mon téléphone."
"Ça n'existe pas !"
L'UCM et ses entrepreneurs demandent aux pouvoirs publics de prendre conscience du cadre et de légiférer rapidement pour permettre aux entreprises d'investir de façon sécurisée et de lever leurs inquiétudes. "Il faut en tout cas élargir le cadre social et même si l'IA est “mon magasin”, je suis le premier à dire qu'il faut des limites. Et il est urgent de définir ce qu'est vraiment l'IA car pour le moment, il ne s'agit que d'une capture d'informations dans un “cloud”. Est-ce que ça va coûter des emplois ? Cela dépendra des limites que l'on va lui donner ! Personnellement, je ne me dirige jamais vers le selfscan d'un grand magasin, je préfère garder le contact humain avec la caissière... Me retrouver comme un idiot avec un code-barres défaillant et chercher du regard avec désespoir quelqu'un pour m'aider ne m'enchante pas !" Et de conclure : "Entre l'espoir que l'on place dans l'intelligence artificielle et la réalité, il y a un monde de différence. L'intelligence artificielle n'existe pas encore et ce ne sera toujours pas le cas dans les cinq ans à venir. Il faut en tout état de cause lui donner une limite légale sans tarder."
Tommy Deblieck et Fabrice Goffin, tous deux CEO de Zora Robotics. Pour le second, l'intelligence artificielle doit être encadrée.
Robotisation et/ou intelligence artificielle ? Zora a ouvert la marche de la robotisation. L'entreprise ostendaise compte aujourd'hui 1.000 clients de par le monde.
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