Via le dispositif Icarius, UCM agit pour préserver le bien-être mental des chefs d'entreprise dans un contexte où ils sont malmenés par les crises qui s'enchaînent.
Clément Dormal
À peu près tout le monde connaît la légende d'Icare. Pour s'enfuir d'un labyrinthe dans lequel il est enfermé, le jeune Grec utilise des ailes à base de cire et de plumes. Grisé par son envol, il se rapproche du soleil encore et encore. Au point de provoquer la fonte de la cire. Trahi par la chaleur, le fils de Dédale perd la vie en s'écrasant dans la mer Icarienne qui porte désormais son nom.
Longtemps, les indépendants ont aussi cru qu'ils étaient invincibles. Les différentes crises et confinements nous ramènent tous au sol, souvent dans la douleur. C'est dans ce contexte qu'est né Icarius, en réponse à un appel à projets sur le bien-être lancé par le SPF Sécurité sociale et le ministre des Indépendants et des PME, David Clarinval (MR). En partenariat avec l'asbl One (groupe Cesi, service externe de prévention et de protection au travail), UCM entend attirer l'attention sur le caractère essentiel du bien-être tant pour l'indépendant lui-même que pour la bonne santé de son activité. "Ce qu'on met en évidence, c'est que les indépendant(e)s et responsables de PME ont intérêt à réfléchir à leur bien-être car c'est aussi un des facteurs de performance de leur exploitation. On se rend bien compte que le jour où le patron d'une PME tombe, l'entreprise a très souvent peu de chances de survivre", explique Renaud Francart, le porteur du projet pour UCM.
Icarius se distingue par le fait qu'il est destiné à tous les indépendants. Il ne vise donc pas particulièrement les personnes touchées par le burnout, qui peuvent déjà bénéficier d'une aide de leur mutuelle pour se soigner. Il ne cible pas non plus les cas plus graves d'entrepreneurs qui présentent des risques suicidaires. En pareille situation, c'est l'asbl "Un pass dans l'impasse" qui reste l'interlocuteur le plus indiqué.
Des outils à saisir
Le rôle d'Icarius est de sensibiliser en amont et d'offrir des outils aux indépendants, afin qu'ils se rendent compte que certaines difficultés peuvent être évitées par une attention plus grande à leur propre bien-être. Cela a commencé par une enquête envoyée à plus de 80.000 indépendants francophones fin octobre. Ils sont invités à répondre à une série de questions sur leur santé, leurs sources de stress mais aussi sur certaines de leurs ressources spécifiques. Les résultats livreront à UCM des indications claires pour cibler son action. Et plaider pour une politique plus optimale autour de cet enjeu.
Cette prévention se prolongera sous la forme de campagnes de sensibilisation et de dispositifs concrets : interventions en télé ou radio, site internet, newsletter, autoévaluation, ateliers, conférences, rencontres en groupe ou individuelles… Toutes ces solutions seront utilisées pour apporter une aide la plus globale possible à ceux qui le souhaitent. "L'idée est de faire suivre un accompagnement multidisciplinaire avec des experts ciblés, dont des médecins, des psychologues, ou encore des spécialistes du sommeil par exemple", poursuit Renaud Francart. Ce suivi sera renforcé par des personnes-ressources d'UCM qui prendront en considération certaines réalités propres aux entrepreneurs, dans des matières comme la gestion des dettes et des créances, ou une guidance d'un point de vue économique.
Car il est clair qu'un chef de PME n'a pas les mêmes inquiétudes qu'un salarié. Il est donc essentiel de tenir compte de ses spécificités. "La limite entre la vie professionnelle et privée n'est pas poreuse comme ça peut être le cas pour certains employés. Elle n'existe tout simplement pas. Il y a aussi une forme de grande responsabilité qui peut entraîner de la solitude. À l'heure actuelle, les dirigeants d'entreprise ne sont par ailleurs plus maîtres de leur destin à cause des différentes crises qui se succèdent. L'autonomie et l'indépendance sont pourtant deux de leurs plus fortes ressources en temps normal", détaille Catherine Choque, manager de OneVitality et responsable de SenseCare, une équipe multidisciplinaire spécialisée dans la prévention et l'accompagnement du burnout en entreprise qui participe à l'initiative Icarius. "Tout est pensé et adaptable en fonction de l'individu car on n'évolue pas tous à la même vitesse."
Vers un modèle réplicable
Cette première phase de test devrait s'étendre jusque fin août 2023. En fonction des observations qui émergeront, UCM travaillera à la construction d'un modèle réplicable. "C'est l'engagement d'Icarius auprès du SPF Sécurité sociale. On va documenter ce qu'on a expérimenté pour que le SPF partage par la suite les résultats avec l'ensemble des caisses d'assurances sociales afin d'élaborer une offre plus structurelle, pointe Renaud Francart. UCM s'est engagée comme première force dans les services aux entrepreneurs en Belgique francophone et on espère participer à la création d'outils qui pourront être exploités largement par tous les indépendants."
Un site et une app
Parmi les outils proposés par le dispositif Icarius, on retrouve Evoluno : une application conçue en collaboration avec des psychologues, d'abord à destination d'un public de salariés et de fonctionnaires ayant du mal à prioriser leur temps. Disponible sur smartphone, elle touche désormais à de multiples aspects du bien-être. "Icarius est un projet-pilote pour lequel nous désirions être les plus innovants possible. On a créé un site internet icarius.be qui va se développer tout au long de l'opération. Mais on voulait aussi tester quelque chose d'un peu plus “ludique”, qui a déjà donné des résultats auprès d'autres publics. On a cherché le meilleur acteur du secteur et Evoluno est une référence en Belgique", expose Renaud Francart.
L'app regorge de pistes de réflexion et de microapprentissages sur la gestion du stress, de l'anxiété, ou encore de la colère. Ces exercices ne prennent que cinq minutes et trouvent parfaitement leur place entre deux réunions. "Quand des difficultés particulières sont détectées, l'utilisateur peut faire le lien avec le deuxième bloc d'actions d'Icarius : les accompagnements individuels ou en groupe", indique Renaud Francart. L'accès à cette toute nouvelle app se fait via le site web.
Stromae, Justin Bieber, Lomepal, ou encore Bigflo & Oli : ces dernières années, toutes ces stars ont admis publiquement avoir vécu un burnout plus ou moins sévère. On constate d'ailleurs une libéralisation de la parole sur ce sujet dans la société, même si la question reste difficile à aborder chez de nombreux entrepreneurs refusant d'admettre leur situation. "Il y a un gros risque qu'un individu rejette la première aide pour de multiples raisons. Une des particularités du burnout – et c'est accentué parmi les indépendants –, c'est le déni. Il faut dès lors amener une prise de conscience par n'importe quel canal", analyse Catherine Choque (responsable de SenseCare), qui insiste sur l'importance de l'entourage. "Il y a une forme d'injonction presque sociale qui voudrait que les patrons puissent et doivent tout faire. Ça mettra donc plus de temps chez eux, mais la tendance actuelle est vraiment de lever les tabous en libérant la parole sur le burnout. La crise sanitaire a aidé de ce point de vue."
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