En Wallonie, une série de châteaux se sont mis à l'heure du tourisme d'affaires. Ils jouent la carte du séminaire à la campagne, dans des murs authentiques. Ce qui est plutôt tendance. Néanmoins, l'offre semble assez disparate.
Jean-Christophe de Wasseige
Le tourisme d'affaires n'est pas qu'une histoire de congrès à 1.000 personnes dans des auditoriums immenses. Les séminaires réclament, eux, d'autres lieux. Plus intimistes. Ce type de réunions, les acteurs wallons du secteur Mice (meetings, incentives, conferences, exhibitions) en ont fait leur priorité. Logique : le sud du pays regorge d'endroits à cette mesure. Dont des châteaux.
"En matière de réunions, les entreprises clientes et leurs employés cherchent à vivre des expériences qui sortent de l'ordinaire, explique Régis Francart, chargé de projet Mice au sein de Wallonie Belgique Tourisme (WBT). Les châteaux répondent précisément à ce souhait. Ce sont des lieux de caractère, historiques, prestigieux. C'est parfait pour les formations, les présentations de produits, les cocktails, etc."
Selon WBT, une vingtaine d'adresses en Wallonie ciblent plus particulièrement cette activité "séminaires". Parmi elles, on trouve quelques grosses machines (lire par ailleurs) : le château Jemeppe (Marche-en-Famenne), l'abbaye de la Ramée (Jodoigne), le domaine de Ronchinne (Assesse), le château de Deulin (Hotton), le château de Courrière (Assesse)… Il y a aussi les spécialistes de la réunion d'affaires en une journée, qui sont chacun très connus dans leur région. Comme les châteaux de Namur, de Genval (Rixensart), du Val-Saint-Lambert (Seraing)…
À côté, une vingtaine d'autres acteurs sont actifs de manière plus ponctuelle. Il s'agit de châteaux où s'organisent aussi des réceptions et des mariages : Resteigne (Tellin), Harzé (Aywaille), La Hulpe, Vierset (Modave), Franc-Waret (Fernelmont), Macon (Momignies), Pecq… Ou encore de châteaux qui tiennent des visites grand public ainsi que des événements culturels : Freÿr (Hastière), Belœil, Enghien, Vêves (Houyet), Corroy (Gembloux), Ostin (La Bruyère), Reinhardstein (Waimes)… Eux font généralement de l'accueil Mice durant la semaine, en complément.
10 % de tout le Mice wallon
Quel est le poids économique de tous ces palais ? "Ils représentent environ 10 % du chiffre d'affaires global du tourisme d'affaires en Wallonie, évalue José Clossen, consultant et gérant du bureau d'études Territoires et Tourismes. Leur importance se trouve surtout ailleurs. Par leur stature, ils contribuent à donner une image attirante du Mice wallon." Côté conjoncture, ils n'évoluent pas différemment des hôtels et autres centres d'affaires. Quand la croissance est bonne, les réservations suivent. Quand la crise survient, les choses se compliquent. Les entreprises clientes coupent alors dans les budgets consacrés au personnel et à la communication.
De même, avoir de vieilles pierres ne suffit pas. Proposer des séminaires implique d'atteindre un certain niveau de service. Les salles de réunion doivent être parfaitement équipées : mobilier, sonorisation, projecteurs, wifi, etc. L'accueil doit être à la mesure des lieux, c'est-à-dire professionnel. La restauration doit suivre. En général, celle-ci est d'ailleurs déléguée à des traiteurs.
Même le… parking n'est pas à négliger. En effet, sa taille détermine la tenue – ou non – de grands événements. Enfin, la localisation joue un rôle dans la fréquentation. Plus ces édifices ont la chance de se trouver près des grands axes routiers, plus ils retiennent l'attention.
Côté hébergement, on trouve trois types d'établissements. Ceux qui font l'impasse sur les chambres ; ceux qui en gèrent seulement quelques-unes ; et ceux qui tablent clairement sur l'hôtellerie. Quelques opérateurs ont ainsi récemment renforcé leur capacité en ce domaine. Objectif ? Viser des séminaires de longue durée et donc augmenter le taux d'occupation.
Les animations sont sous-traitées
Un second axe de diversification concerne les animations. Lors de réunions d'entreprises, une partie "ludique" est en effet très souvent demandée par les entreprises clientes. Après le boulot, la détente ! Dans les châteaux, on tend à s'adapter. Les "classiques" consistent en une visite commentée des lieux ou une promenade dans le parc. L'un ou l'autre gestionnaire va plus loin en faisant appel à des firmes événementielles dont c'est le métier. Diverses activités sont alors proposées, du sport à la gastronomie en passant par les jeux.
Le domaine de Ronchinne à Maillen (Assesse), qui fait 50 % de son chiffre d'affaires en Mice, est un de ceux qui ont développé une offre complète : séminaire, restauration, hébergement, détente. "Nous avons porté le nombre de nos chambres de 42 à 80, détaille son directeur, Laurent Marée. Chez nous, on peut dormir au château mais aussi dans une cabane perchée, dans un cube futuriste, dans des roulottes de type Far West… C'est la même chose pour les animations. Nous essayons de surprendre nos clients. Cela nécessite d'être à leur écoute et de nous montrer inventifs."
En bonne logique, les prix sont plus élevés dans les châteaux que dans les salles de réunion traditionnelles. C'est le supplément à payer pour jouir de ces lieux d'exception. Et puis, il faut bien amortir le coût du chauffage en hiver. "On constate une concurrence assez agressive sur les prix de la part des hôtels, reconnaît Fanny Toussaint, la directrice du Château de Lavaux-Sainte-Anne (qui réalise 35 % de son chiffre d'affaires en Mice). Néanmoins, cela ne nous touche pas frontalement. Car nous offrons un autre produit. Quand on loue un château, on loue une part de rêve…"
Ce quadrilatère médiéval du XIIIe siècle, avec douves et ferme annexe, a été entièrement équipé pour les séminaires. Le site s'est positionné sur le haut de gamme et il est l'un des rares à attirer des clients étrangers (surtout néerlandais). Ce qui n'est pas toujours évident à gérer, car ces clients mettent aussi en concurrence les adresses à l'étranger.
. L'abbaye de la Ramée à Jauchelette (Jodoigne)
Cette ancienne abbaye de moniales et sa vaste ferme du XVIIIe siècle peuvent s'apparenter à un château. Avec 25 espaces de réunion, la capacité est considérable. La Ramée est gérée par le groupe français Châteauform', un spécialiste de la réunion d'entreprise. Ce dernier exploite aussi le château du Val-Saint-Lambert (Seraing), entièrement modernisé.
. Le domaine de Ronchinne à Maillen (Assesse)
Ce château du XIXe siècle, avec ses écuries, est implanté dans un parc de 42 hectares. L'ensemble a été racheté en 2006 par le groupe Limited Edition Hotels, constitué de sept amis investisseurs. Après travaux, il a été positionné sur la mise au vert de qualité. On y trouve des salles de réunion, un hall pour banquet, un restaurant et 80 chambres.
. Le château Bayard à Dhuy (Éghezée)
Cette demeure en "L" s'ouvre sur une vaste terrasse et un parc de 34 hectares. Elle se destine spécialement aux réceptions, soirées et séminaires. Une orangerie peut accueillir jusqu'à 400 personnes. Outre les salons de style Louis XVI, l'endroit met en avant sa proximité avec la capitale (30 minutes de Bruxelles) ainsi que ses multiples traiteurs partenaires.
Des teambuildings en mode relaxation
Productivité, flexibilité… : les exigences dans les entreprises sont élevées. Tout comme le stress des collaborateurs. En réaction, commencent à apparaître des activités misant sur le bien-être.
On connaissait déjà la "slow food" ou la "slow attitude". Le retour au calme va-t-il aussi toucher le tourisme d'affaires ? "La tendance existe mais elle est encore très minoritaire, analyse David De Bruyne, directeur d'Alleluias Events, une société d'événements d'entreprises. Parmi nos différents programmes de teambuilding, nous en avons lancé un qui se veut une initiation à la méditation. À titre personnel, je pense que la méditation est un outil extraordinaire mais il existe beaucoup du scepticisme. Dans l'ensemble, ce sont les divertissements qui gardent le plus de succès auprès de nos clients."
Jusqu'à présent, les teambuildings – qui visent à renforcer la cohésion des équipes – et les incentives – qui récompensent les équipes pour leur travail – sont en effet construits autour de jeux dynamiques. Ceux-ci peuvent être sportifs (accrobranche, laser game…), ludiques (escape room, quiz musical…), culinaires (concours de cuisine, assemblage de chocolats…), gastronomiques (dégustation de vins, atelier cocktails…), ou encore motorisés (buggy, quad…). Seules se distinguent les cures d'eau, octroyées comme incentives. À ce propos, la Wallonie est bien dotée avec une série d'établissements thermaux à Spa, Waimes, Chaudfontaine ou encore Durbuy.
Même si elles sont marginales, les nouvelles animations visant spécifiquement le bien-être au travail apparaissent bel et bien. Premier exemple : la société Box To Be Alive, lancée en octobre 2018 par Fanny Demain, une décoratrice d'intérieur. Dans une résidence entourée de nature à Ronquières (Braine-le-Comte), elle organise des ateliers pour des employés, en priorité de PME. Tout tourne autour de l'harmonie : yoga, nutrition, improvisation, marche active, théâtre, etc. Au total, une quinzaine de thèmes sont à choisir dans une boîte cadeau (une "gift box", d'où le nom de la société). Ces formations, d'une durée de deux heures, sont données par des coachs.
"Notre ambition est d'amener les travailleurs à déconnecter, explique la fondatrice. À prendre une respiration, à lever le nez du guidon, à réfléchir seuls ou en groupe sur leur vie dans l'entreprise. L'idée m'est venue en constatant le nombre élevé de cas de burnout. Box To Be Alive entend ainsi agir dans la prévention des risques psycho-sociaux (NDLR : troubles du sommeil, angoisses, dépression, fatigue…)."
Une journée peut ainsi démarrer par un breakfast nature, se poursuivre par des réunions "en mode détente" sur canapés. L'ambiance des lieux est censée améliorer la communication. En cours de journée, lesdits ateliers se succèdent alors. "Ceux-ci se situent, en fait, au carrefour entre l'incentive et le teambuilding. Ils servent à la fois au travailleur et à l'entreprise. Pour le moment, les demandes sont encore timides, car nous venons de commencer et car ce type de démarche doit entrer dans les habitudes. Mais on sent un intérêt."
Autre activité novatrice : la sylvothérapie. Cette discipline, Patrice Deguelte, sommelier à la retraite, la propose depuis le début 2018 avec sa société EcoSophia. Théâtre des opérations : les forêts de Saint-Hubert, d'Anlier ou de la Semois. Cette idée lui est venue après avoir découvert le Shinrin-Yoku via un collègue japonais. Shinrin-Yoku ? Il s'agit d'une pratique médicale répandue sur l'archipel nippon. "On peut traduire par “bain de forêt”. Le principe est de retisser les fils que l'homme a perdus avec la nature. En redécouvrant les bois, les participants sont invités à éveiller leurs cinq sens à tout ce qui les entoure, à se concentrer sur le moment présent, à relativiser… On peut parler de marche méditative."
Ces séances sont le plus souvent suivies par des particuliers, mais Patrice Deguelte cible aussi les entreprises. "Pour elles, j'ai développé deux programmes. Le premier s'appelle le Teambuilding Shinrin-Yoku. Cela consiste en une promenade en petit comité. Pas plus de douze personnes. Cela dure trois heures mais on ne parcourt que cinq kilomètres. C'est donc accessible à tous. La balade est agrémentée de pauses, de moments de réflexion, d'échanges."
La seconde offre se nomme le Walk & Talk. "C'est une sortie plus courte : une heure environ. Elle se veut une autre façon de tenir ou de préparer une réunion. En marchant dans un décor naturel, on constate que les niveaux hiérarchiques s'estompent ; que les conversations s'engagent plus facilement ; que les points de vue s'échangent de façon ouverte. Dans les deux cas, le but est de puiser une énergie nouvelle de la forêt."
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