Comment investir en immobilier

  • + 9 %
    de transactions immobiliaire en 2019
  • 310.000
    crédits hypothécaires en 2019

Les intérêts sur les comptes épargne désolent. Les obligations d'État ne rapportent plus rien. La bourse angoisse. L'immobilier, lui, a le vent en poupe. Petit guide pour s'y retrouver…

Jean-Christophe de Wasseige

"L'immobilier est quasi devenu une valeur refuge. Il est jugé rassurant tout en procurant un certain rendement." C'est un banquier qui parle. Dans l'environnement actuel, l'immobilier fait effectivement des étincelles. Le record de transactions immobilières a été battu l'an dernier : + 9 % selon le baromètre des notaires. 2019 a aussi vu se conclure un nombre inédit de crédits hypothécaires : 310.000 selon la fédération Febelfin. Et tous les professionnels l'affirment : dans cette effervescence, le rôle des investisseurs a été déterminant…

Pour investir dans l'immobilier, la formule la plus connue est l'achat en dur. Deux types de rentrées sont attendues : le loyer et la plus-value éventuelle du bien à la revente. Les loyers bénéficient de l'indexation. Les prix, eux, ont évolué à un rythme de 2 à 4 % par an ces derniers temps. Plus que l'inflation. Évidemment, il faut compter avec la fiscalité.

L'imposition ne porte pas sur les loyers réels, si le bailleur est en personne physique et si son locataire loue à des fins privées. Elle se base sur le revenu cadastral (RC) indexé, puis majoré de 40 %. D'un autre côté, un précompte immobilier, calculé aussi sur base du RC, est à payer.

L'immo s'achète aussi en papier

Investir dans l'immobilier peut aussi se faire de façon indirecte. C'est-à-dire en achetant des titres financiers émis par des sociétés qui gèrent des bâtiments. On parle alors d'immobilier "papier". Trois grands types de placements existent : les SIR (ex-Sicafi), les fonds immobiliers et les certificats. Ici, pas besoin d'un capital de départ. Quelques centaines d'euros suffisent. L'investissement est aussi "liquide" : on peut en sortir facilement. Enfin, il ne faut se soucier ni du calcul de la rentabilité, ni de la location, ni de l'entretien.

Les revenus prennent la forme de dividendes (SIR, fonds) ou de coupons (certificats). Une plus-value à la revente ou à l'échéance des titres est possible, ici aussi. Côté fiscalité, le précompte mobilier et la taxe sur les opérations de bourse s'appliquent.

Que ce soit en dur ou en papier, l'avantage n° 1 de la brique, c'est sa stabilité. Plus que le rendement. Ceci étant, est-ce sans danger ? La principale menace est une remontée brutale des taux d'intérêt. Côté immo en dur, cela freinerait le marché et remettrait en cause la valeur des logements. Côté immo papier, cela alourdirait les charges des sociétés et comprimerait leurs rendements. Cependant, si un tel scénario devait se produire, nos économies seraient de toute façon impactées globalement…

Acheter soi-même pour louer

Acheter un logement pour le louer réclame pas mal de temps voire d'expertise.

Acquérir un bien en vue de le mettre en location est devenu très intéressant pour une raison : les taux très bas. Il est possible de (ré)emprunter à bon compte. Il faut quand même disposer d'un certain capital. D'ailleurs, les banques exigent une mise plus importante pour les résidences secondaires. "C'est d'autant plus vrai depuis le 1er janvier, souligne Denis Claikens, directeur du département crédits chez CBC. Les investisseurs ne peuvent plus emprunter davantage que 80 % de la valeur du logement (90 % pour les primo-acquéreurs). Cette mesure a été imposée pour éviter la formation d'une bulle."

Prenons l'exemple d'un bien à 200.000 euros. L'investisseur ne pourra emprunter que 80 %, soit 160.000 euros. Il devra donc apporter 40.000 euros. Et, en plus, régler les droits d'enregistrement de 12,5 % en Wallonie, soit 25.000 euros, ainsi que les frais de notaire de 3 %, soit 5.000 euros. "Vu ces sommes, il est vital de bien peser tous les éléments financiers de l'opération, insiste Renaud Grégoire, porte-parole des notaires. Et de s'assurer de la rentabilité du logement." Pour cela, on met en balance le loyer potentiel avec le coût d'acquisition total (prix, frais, fiscalité, travaux, etc.). En général, on estime qu'un bien loué rapporte entre 2 et 3 % net par an. À noter qu'un emprunt pour une seconde résidence peut donner lieu à un avantage fiscal. Celui-ci est semblable à l'épargne à long terme.

Gérer un logement via agence

Quand on est un particulier, on n'a pas toujours le temps et/ou la capacité de "gérer" des locataires. "En réponse, les agences immobilières ont développé une offre pour s'en occuper, rappelle Eric Verlinden, CEO du groupe Trevi. On appelle cela la gestion locative." Le service de base consiste en la recherche de locataires (ce qui comprend aussi le bail, la caution, l'état des lieux) et en la perception des loyers (avec l'indexation, la récupération des impayés, l'ajustement des charges). D'autres formules s'étendent à l'entretien du bâtiment. Tout cela coûte une centaine d'euros par mois.

Il est aussi possible de passer par une Agence immobilière sociale (AIS). La location est alors donnée à des ménages à faibles revenus. D'un côté, le propriétaire doit accepter un loyer inférieur de 40 %. Mais de l'autre, il bénéficie d'une garantie des versements, d'une absence de vide locatif et d'une exonération du précompte immobilier.

À Bruxelles, une solution mixte a été lancée par l'agence Trevi et des AIS locales pour des immeubles neufs. La première s'occupe de vendre les appartements et les secondes de gérer leur location. Le contrat court sur quinze ans. Deux tiers des appartements neufs que Trevi a vendus dans la capitale en 2019 l'ont été via cette formule.

Acheter des actions SIR

Les SIR investissent dans des bâtiments comme des entrepôts, des bureaux, des maisons de repos...

Une première solution en matière d'immobilier papier est d'acquérir des actions de sociétés immobilières réglementées (SIR). Ces sociétés achètent, construisent ou gèrent des projets immobiliers. Elles sont dix-sept en bourse, chacune dans un segment. Aedifica s'occupe de maisons de soins, Befimmo de bureaux, Cofinimmo de bureaux et séniories, Home Invest Belgium de résidences, WDP d'entrepôts, Xior de kots…

"Ce sont des placements super populaires, résume Sandra Vandersmissen, senior equity specialist chez BNP Paribas Fortis. Leur rendement l'explique. Pour cette année, l'ensemble des SIR devrait procurer du 7 % net selon nos estimations : 4 % provenant de la progression des cours et 3 % des dividendes annoncés."

Pour le moment, les SIR bénéficient de bonnes conditions. "En particulier celles actives dans les entrepôts et les maisons de repos, fait observer Michel Ernst, stratégiste actions senior chez CBC. C'est lié à la percée de l'e-commerce et au vieillissement de population." Les SIR rassurent, car elles doivent suivre des règles : gérer au moins cinq bâtiments pour répartir les risques ; ne pas s'endetter au-delà d'un seuil ; distribuer 80 % ou plus des bénéfices. Pour autant, elles ne sont pas à l'abri de revers, sur le marché tant immobilier que boursier.

Prendre des parts dans un fonds

Le principe d'un fonds de placement est d'être souscrit par une multitude d'investisseurs. Avec tous ces capitaux, le fonds investit dans une série d'actifs. Dans ce cas-ci, ces actifs relèvent de l'immobilier : SIR, certificats (lire par ailleurs), compagnies étrangères, etc. Le principal attrait est d'offrir une grande diversification, tant au niveau sectoriel (résidences, bureaux, commerces…) qu'au niveau géographique (Belgique, Eurozone, Asie…). Une baisse de valeur dans un secteur ou un pays peut être compensée par les autres positions. Cela permet aussi de conjuguer rendement et stabilité… du moins en théorie. Les parts dans ces fonds s'échangent assez facilement. Il y a toutefois des coûts : frais d'entrée, de gestion... Côté rendement, on peut attendre jusqu'à 10 % net par an.

Acquérir des certificats

Instruments créés dans les années 60, les certificats n'attirent plus guère aujourd'hui et sont d'ailleurs de moins en moins nombreux (une dizaine). Il s'agit de titres de dette émis par des sociétés qui, avec l'argent levé, financent la construction d'un immeuble ou d'un centre commercial. Les investisseurs ont le droit de percevoir les revenus locatifs. Cela se fait via un coupon annuel. Les contrats courent sur 15 à 25 ans. À l'échéance, le bien est vendu et les investisseurs touchent une partie du prix de vente. L'avantage est de percevoir un revenu régulier. "Mais les inconvénients sont triples, détaille Michel Ernst de CBC. Ces titres sont difficiles à revendre. Ils ne se rapportent qu'à un seul bâtiment et concentrent donc les risques. Enfin, les informations manquent pour analyser si les bâtiments sont bien gérés."

S'engager dans le crowdlending

Le groupe liégeois Horizon recourt régulièrement au crowdlending pour financer ses projets (ici à Visé).
© Groupe Horizon

Prêter 500 ou 1.000 euros à un promoteur immobilier et intervenir ainsi pour une infime partie dans le financement d'un de ses projets résidentiels, c'est possible par internet. Cela s'appelle le crowdlending. En bon français : le financement participatif par prêt. C'est tendance. De nombreux promoteurs s'y sont mis. Ils proposent des levées de fonds sur des plateformes web spécialisées, comme Look&Fin, Bee Bonds, Bolero ou Ecco Nova. Des particuliers y répondent en achetant des titres qui s'apparentent à des obligations. Ils sont parfois plusieurs centaines. Tous ces prêts sont ensuite réunis en un seul par ladite plateforme qui l'octroie au porteur de projet.

Pour les investisseurs, les atouts sont doubles. L'argent est placé quasi en direct et les intérêts sont plutôt intéressants : entre 3 et 7 % net par an. Est-ce risqué ? Oui, mais le processus est encadré. Les plateformes doivent être agréées par l'autorité des marchés financiers, la FSMA. Les projets sont sélectionnés au préalable. Les permis de bâtir doivent avoir été délivrés. Enfin, tous les risques sont résumés dans des "notices d'information". Pour les promoteurs, ces prêts s'apparentent à des fonds propres. Avec eux, ils peuvent plus facilement négocier un emprunt bancaire.

Opter pour la formule coliving

Des start-ups comme Ikoab proposent d'investir dans une maison de maître et de la transformer en colocation.
© Ikoab

Avec d'autres start-ups, Ikoab (pour "I cohabit") propose d'investir dans des maisons de maître qui sont réaménagées pour le coliving, c'est-à-dire la colocation avec services. Ce mode de vie est très prisé des jeunes. "Dans un premier temps, des investisseurs – surtout des dirigeants de PME – nous contactent, raconte le responsable développement, Amaury Michiels. Pour eux, nous partons à la recherche d'une demeure dans un budget fixé. Nous nous chargeons de son achat et des formalités chez le notaire." Pour cela, un forfait est demandé.

Le bien est ensuite rénové et divisé en une série de chambres, chacune avec salle de bain. La cuisine, la salle à manger et le salon, eux, sont communs. Cette étape est assurée par des entrepreneurs partenaires. Les pièces sont proposées à la location sur le site internet d'Ikoab. La start-up fait signer les baux, gère les immeubles et reverse les loyers. Pour cela, elle prélève 10 % des montants.

"Le propriétaire ne doit se soucier de rien, poursuit le jeune manager. La vacance locative, elle, est très réduite. Si jamais une chambre est vide durant un mois, ce n'est pas grave, car le reste de la maison est occupé." Un rendement de 3 à 4 % net est annoncé. Ikoab gère 30 maisons (20 à Bruxelles, 7 à Charleroi, 3 à Liège) et en a 25 autres en projet.

Et une résidence à l'étranger ?

En 2013, 58.409 Belges possédaient une seconde résidence à l'étranger. En 2018, ils étaient… 137.914 ! Une hausse de 136 % en cinq ans ! C'est ce que montrent les statistiques du SPF Finances. Chaque contribuable est en effet tenu de mentionner les propriétés dans sa déclaration d'impôts. Ce boom n'est pas entièrement naturel. Avec les échanges automatiques d'informations fiscales entre pays à partir de 2014, les déclarations sont devenues plus "exactes" qu'avant.

N'empêche : un engouement a aussi joué, provoqué par l'éclatement de bulles immobilières dans certains pays après la crise de 2008. Exemple : l'Espagne. Les prix y ont chuté de 40 %. S'ajoutent à cela le transport aérien low cost, qui facilite les déplacements, et les agences spécialisées, qui aident aux formalités. Dans la péninsule Ibérique, la frénésie se calme toutefois car les prix sont en pleine remontée.

En général, une seconde résidence à l'étranger peut avoir trois utilités : profiter des vacances, vivre sa retraite, louer. Ce dernier cas de figure semble le moins fréquent. Un indice : "Quand des propriétaires contractent un emprunt chez nous pour acheter une seconde résidence à l'étranger, seuls 6 % le font dans une perspective de placement, indique Valery Halloy, le porte-parole de BNP Paribas Fortis. 94 % acquièrent le bien afin de l'occuper eux-mêmes."

 

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