Service d’études « Se mettre à genoux pour Audi, Google ou Facebook, c’est oublier que les PME représentent 99,4% DE L’ÉCONOMIE BELGE »
C’est un terme qui hérisse le poil de nombreux citoyens : la fiscalité. Cet ensemble de lois et de règles relatif aux impôts ressemble à une véritable hydre à mille têtes, impossible à cerner pour le commun des mortels. Loin des clichés, elle peut pourtant servir de véritable levier à l’entrepreneuriat. Six mois après les élections de juin dernier, qu’attendre des différents gouvernements d’un point de vue fiscal ? Petit tour d’horizon avec Sébastien Splingard, expert de la thématique au service d’études UCM.
Que pensez-vous de la déclaration de politique régionale wallonne d’un point de vue fiscal ?
Deux mesures fortes ont été annoncées : la réduction des droits d’enregistrement destinés à l'habitation propre et unique ainsi que la diminution des droits de succession. À partir du moment où on parle de réduction, ça ne peut être que positif même s’il y a aura évidemment des conditions à remplir pour pouvoir en bénéficier. Mais pour les droits d’enregistrement, on passe quand même de 12,5 % à 3 %. C’est une marge assez conséquente. Après, il faut comprendre qu’au niveau régional, la Wallonie a un champ d’action qui est très restreint car la fiscalité reste principalement une compétence fédérale. On entend aussi parler de l’arrivée d’une vignette automobile au niveau régional. Ça aussi, il faudra certainement en discuter avec la Région flamande et le fédéral pour voir comment la mettre en place. Pareil afin de modifier le régime TVA pour l’acquisition immobilière. C’est vraiment une volonté du gouvernement wallon qui va devoir négocier la mesure au fédéral car ils n’ont pas la main dessus.
La réduction des droits d’enregistrement va-t-elle aussi toucher les indépendants ?
À partir du moment où tu es entrepreneur et que ta maison te sert aussi de lieu de travail, cela rentre clairement là-dedans. Je précise aussi que les avantages dont bénéficient certains propriétaires actuellement ne sont pas remis en question. Ce sont vraiment les nouvelles acquisitions qui sont concernées.
Et pour les droits de succession ?
Il y a une petite astuce à ce niveau-là. Ces droits sont payés au niveau régional, puis s’en vont au fédéral qui les redistribue par la suite. Le gouvernement wallon souhaite se réattribuer ce portefeuille au niveau régional. Pour ça aussi, il faudra donc négocier avec le fédéral quand le gouvernement sera mis sur pied. Il faut également savoir que la mise en oeuvre de cette mesure est prévue pour 2028 car les négociations risquent de prendre du temps. Ce n’est donc pas pour demain.
Quelles sont les attentes d’UCM par rapport au niveau de pouvoir fédéral ?
On prône pour une fiscalité encourageant le tissu économique et social que les PME créent. Je rappelle que les PME (moins de 250 employés, NDLR) représentent 99,4 % des entreprises « employeurs » de l’ONSS en Belgique. Les chiffres sont d’ailleurs similaires en Europe. Quand je vois qu’on se met à genoux pour de grosses boites comme Audi, Facebook ou Google, je pense qu’on oublie cette caractéristique-là. Alors c’est sûr que ces entreprises vont employer des gens, mais elles ne représentent que 1 % de ton économie totale… On appelle donc le gouvernement à changer de paradigme, à mettre en place des mesures de soutien et d’accompagnement des PME, tout en allégeant l’énorme pression fiscale qui pèse sur les épaules des indépendants. Notamment ceux en personne physique par rapport aux sociétés.
Pour Bruxelles, j'imagine que la marge de manoeuvre est aussi limitée qu’en Wallonie…
Oui, c’est exactement la même chose. Ils pourraient aussi jouer sur les droits d’enregistrement mais ce n’est apparemment pas du tout en discussion. Un des enjeux majeurs à Bruxelles, ce sera la mobilité. On entend souvent que fiscalité rime avec pénalité, mais elle peut aussi servir d’incitant. En créant par exemple un régime fiscal favorable aux voitures électriques par rapport au diesel, on peut favoriser certains comportements. À voir maintenant si des choses vont être mises en place à ce sujet. On parle aussi beaucoup pour le moment d’une refonte complète du système communal bruxellois. Comment ça va se passer d’un point de vue fiscal et financier ? Cela reste à voir.
UCM s’est positionné contre l'accroissement automatique d'impôt en cas d'erreur. Notre demande a-t-elle été entendue ?
Notre demande a été entendue par les autorités. Cette action visait un article spécifique de la loi qui prévoit que, en cas d'erreur, de déclaration incomplète ou de retard, l'administration va procéder à une taxation d’office et en plus appliquer une majoration, une sanction qui peut aller de 10 % à 200 %. S’il est normal de devoir montrer patte blanche, l’attitude de l’administration par rapport à cet article n’est pas bonne. Elle n’est pas du tout bienveillante, même quand l’indépendant prouve qu’il s’agit d’un retard ou d’une erreur de bonne foi. On est face à une administration qui est robotisée, déshumanisée et complètement déconnectée de la situation qu'elle a en face d'elle. Notre demande a heureusement fait pas mal de bruit et on espère que le futur gouvernement changera les choses.