Droits d'auteurUne réforme inutile
Entrée en vigueur le 1er janvier, la réforme des droits d'auteur a fait couler beaucoup d'encre. Le spécialiste Sébastien Watelet, avocat, l'a décortiquée lors d'une conférence Café-conseil UCM. Rencontre.
- L'ancien système des droits d'auteur était jugé très avantageux. Pour quelles raisons ?
- La première chose qu'il faut savoir, c'est que les droits d'auteur ne sont pas qualifiés comme des revenus professionnels, mais comme des revenus mobiliers. Pourquoi ? Car ce sont des rémunérations provenant d'un capital et pas d'une activité professionnelle. À partir de là, elles profitent d'un taux de taxation distinct qui est de 15 % du montant net. Ce dernier est généralement déterminé après déduction de frais forfaitaires, qui sont eux-mêmes très avantageux. On se retrouve donc finalement avec une taxation effective entre 7,5 et 12 %.
- Que change la réforme ?
- L'idée était de recentrer le régime sur les personnes qui bénéficient effectivement de ces revenus de manière aléatoire et irrégulière. Mais cet objectif ne me paraît pas atteint. D'une part parce qu'on a conservé une définition très large des revenus qui rentreront dans les droits d'auteur au sens du code fiscal, et d'autre part parce que le système continue à concerner les salariés. Fondamentalement, il y avait une intention de changer les choses. Mais on n'est pas du tout sûrs que cette intention sera matérialisée car on garde une interprétation extrêmement vaste de la notion de droits d'auteur.
- Pourquoi parle-t-on beaucoup du secteur IT (technologies de l'information) ?
- La Belgique a une petite particularité car, à côté de la loi relative aux droits d'auteur, il y a une loi sur la protection des programmes d'ordinateur. Or, dans la réforme, on a laissé entendre que seules les œuvres visées par la loi sur les droits d'auteur seraient soumises au nouveau régime. On s'est donc demandé si les programmes d'ordinateur étaient concernés ou pas. Cette interrogation avait en réalité déjà fait l'objet d'un débat par le passé. À l'époque, elle avait été tranchée par le ministre des Finances en réponse à une question parlementaire. Il avait indiqué qu'il n'y avait aucune raison d'exclure ces programmes des droits d'auteur. Cela aurait été juridiquement injustifié et discriminatoire. On se retrouve donc aujourd'hui avec une insécurité juridique liée à l'interprétation que l'administration fiscale fera du champ d'application de la loi.
- Pouvait-on considérer l'ancien système comme une exception belge ?
- Je ne pense pas qu'il existe des régimes similaires dans d'autres États. Mais ce qui est certain, c'est que les autres pays estiment aussi que les redevances de droits d'auteur ont le caractère de revenus mobiliers. C'est très important de le rappeler car, contrairement à ce que font croire le ministre et le Conseil supérieur des finances, ce ne sont pas des revenus professionnels. Ils peuvent éventuellement le devenir, mais à la base, ce sont les revenus d'un capital.
- Cette réforme était-elle nécessaire ?
- Absolument pas ! L'administration a des armes suffisantes pour lutter contre d'hypothétiques abus. Ce qui est fort critiqué, c'est l'attribution systématique de droits d'auteur, notamment dans l'IT, où ils font souvent partie d'un package au même titre que la voiture de société ou les chèques-repas. Mais cela ne veut pas dire que c'est un revenu professionnel pour autant. Fondamentalement, il ne s'agit pas d'un abus. Si la volonté du législateur était juste une rentrée d'argent, il suffisait d'augmenter le taux, il n'était pas nécessaire de tout retravailler au niveau du texte. Surtout qu'on voit bien que ce dernier est mal pensé, avec des dispositions contradictoires.
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