Pink Ribbon | L'indépendante face au cancer du seinSe soigner, travailler et rester femme
Quand la maladie touche une travailleuse indépendante, elle n'a guère le choix. Se soigner, travailler, mais rarement s'arrêter et prendre du temps. La brochure 'Pink Monday' l'accompagne sur ce chemin.
D'abord quelques chiffres, pour dresser le décor : toutes les 49 minutes en Belgique, une femme découvre qu'elle est atteinte d'un cancer du sein. Soit 29 par jour. Six d'entre elles en mourront. Si ce ne sont "que" des chiffres, ils représentent le quotidien de nombreuses femmes, accablées par la maladie mais aussi par l'arrêt (complet ou partiel) de leurs activités professionnelles. C'est la raison pour laquelle l'association Pink Ribbon, qui s'investit dans la lutte contre le cancer du sein, lance un guide pratique pour les travailleuses indépendantes confrontées à la maladie. La brochure "Pink Monday", à laquelle l'UCM et l'Unizo ont activement participé, se veut un guide pratique pour les aider à trouver un nouvel équilibre dans une période de doute ou l'arrêt de travail est souvent impensable.
C'est toute une réflexion menée depuis l'an dernier, entre autres avec l'Inami (Institut national d'assurance maladie-invalidité), qui a permis de mener à la rédaction de ce guide de bonnes pratiques, d'autant plus utile lorsqu'on sait que près de six indépendantes sur dix n'ont pas conscience d'être titulaires d'une assurance incapacité de travail (chiffres Inami). Au-delà du guide, une campagne de sensibilisation "Pink Monday" vise les entreprises. "Nous le savons : maintenir l'activité ou le retour au travail est un objectif en soi, et c'est rassurant car cela veut dire que la vie reprend le dessus, note Rosette Van Rossem, administratrice de l'association Pink Ribbon. On ne reprend pas le travail comme si rien ne s'était passé. Cela restera un espace “de gris”, entre l'avant et l'après, tant pour la femme victime de la maladie que pour l'entreprise vis-à-vis de cette femme." C'est la raison pour laquelle Pink Ribbon a rédigé une charte éthique de "vivre ensemble" (disponible sur le site). "13.000 mailings sont partis vers les entreprises en 2016, plus de 1.000 d'entre elles se sont manifestées. 226 ont signé la charte, tandis qu'une bonne centaine ont déjà organisé un “Pink Monday” chez elles pour sensibiliser leur personnel à la fois à la maladie et au retour au travail de leur(s) collègue(s)."
Réponse concrète au besoin d'info
La brochure "Pink Monday" regroupe des informations essentielles pour "concilier" cancer du sein et profession indépendante. Une étude de 2017, menée par l'UCM et l'Unizo, ne laisse aucun doute sur les priorités des femmes indépendantes. La première est de recommencer le plus vite possible à travailler, voire de maintenir le rythme, fût-il réduit, pendant les traitements.
Chaque situation est différente mais 85 % des femmes interrogées ont affirmé ne pas vouloir ou pouvoir suivre la prescription médicale tant pour raisons financières que par crainte de perdre des clients "charmés" par la concurrence.
L'une des faiblesses face à la maladie, c'est le manque d'information. Cette brochure, gratuite, est une belle avancée dans la lutte contre le "crabe".
"La maladie, démultiplicateur d'énergie"
Avocate au barreau de Liège et médiatrice en droit social et familial, Françoise Wilmotte exerce depuis vingt ans. Elle est spécialisée dans le droit de la famille, une matière où l'on prend les "coups" pour les clients, même si elle se définit elle-même comme quelqu'un de "très soft, qui aime arrondir les angles. J'ai l'habitude de dire que mes clients, lorsqu'ils arrivent dans mon cabinet, sont comme des petits oiseaux à qui il faut garantir un nombre minimum de plumes pour continuer à voler."
En 2006, Françoise est mariée et maman d'un nourrisson, mais son couple vit un cataclysme. La femme indépendante qu'elle est en sort fragilisée, tout en faisant le gros dos. Quand le couple part en vacances à l'été 2009, Françoise remarque une petite "boule" dans son sein droit. C'est un cancer. "Je ne me suis pas rendu compte de ce qui se passait. J'étais dans le déni complet. Je n'avais pas d'ami, pas de relation sociale, je voulais protéger mes parents et mon fils. Je travaillais depuis douze ans et me constituais une clientèle. Je n'avais pas envie qu'on s'inquiète pour moi." Françoise entre en chimio en septembre 2009, il y a tout juste huit ans. Les séances sont programmées le jeudi pour qu'elle puisse repartir au cabinet le lundi. L'avocate ne cessera jamais de travailler. "Dès ma deuxième séance de chimio, j'ai pris des dossiers avec moi. Je profitais de ce temps “de pause” pour téléphoner à mes clients et travailler en silence. Quasi personne n'a été au courant de mon état de santé. Mon travail était un exutoire."
Françoise termine sa chimio un 31 décembre et enchaîne 25 séances de radiothérapie, programmées tôt le matin pour lui permettre d'aller plaider tout juste après !
"Lors d'un contrôle de routine, les médecins ont découvert un angiome sur le foie, heureusement bénin. Cette frayeur a été le déclic dont j'avais besoin pour entamer une nouvelle vie, sans mon mari." Le couple divorce.
Françoise est aujourd'hui en rémission complète. "Je mets beaucoup d'énergie dans mon métier et bénéficie d'un confort financier qui me permet de choisir mes clients. J'ai mis tout en œuvre pour me le permettre. Je rebondis tout le temps, en saisissant toutes les opportunités et je suis chef d'entreprise."
Depuis l'année dernière, Françoise Wilmotte est associée à Me Jacques et ensemble, ils ont ouvert un cabinet. Elle s'est remise à la peinture à l'huile, suit des leçons de piano et de chant. "Le cancer est un démultiplicateur d'énergie, il a profondément changé mon contact avec la clientèle et a développé mon empathie. Aujourd'hui, j'ai envie de partager, pour donner du courage aux autres. Le cancer ne m'a pas affaiblie."