Michaël Labro

Pâtissier

Le "docteur macaron" devenu Roi du monde

16/02/24
Michaël Labro

Fondateur de PMSweet, l'autodidacte épris de pâtisserie est passé des balbutiements dans la cuisine familiale au trône de taulier mondial de la mignardise en moins de dix ans. Une success story complètement folle pour ce Liégeois de trente ans, élu manager de l'année 2023.

C’est l’histoire d’une start-up devenue mastodonte de la douceur multicolore. Avec tous les ingrédients emblématiques de l’ascension. De la débrouille, un garage, un talent monstre, du culot, une bonne dose d’improbable, des heures d’efforts qui s'étirent un peu plus tard après la nuit et une croissance fulgurante version géant de la tech’. La fameuse recette de la success story calibrée Silicon Valley que Michaël Labro a déménagée en bord de Meuse, l’assaisonnant d’une saveur pâtissière dont ce tout juste trentenaire tient le savoureux secret. À Liège, il est devenu "Le Roi du macaron". Ou "docteur macaron", c’est selon. "Le deuxième surnom me fait toujours sourire. Roi, c'est un peu prétentieux", s’amuse l’homme pour qui la couronne n'a pourtant rien de factice. Il est aujourd’hui à la tête d’une société, baptisée PMSweet, qui fête ses dix ans, pèse 60 millions d’euros de chiffre d’affaires et vise "la barre des 100 à dépasser en 2025", emploie 350 personnes et exporte 98 % de sa production dans
le monde, complètement conquis du reste.

Conseils de Mercotte

Le Liégeois avec Mercotte.

Le Liégeois avec Mercotte.

Sa trajectoire s’apparente à une course où même la trotteuse peine à suivre le rythme. À l’image de celui qui a d’ailleurs été élu Manager de l’Année 2023 par Trends-Tendance. L’oeil vif, la parole assurée qui ne tolère que peu de pauses, Michaël Labro ne tient pas en place. Son téléphone non plus. "Oui, il sonne souvent", sourit le Tilffois d’origine en regardant l’appareil s’éclairer une énième fois. La rançon du succès. Et le sien, assurément, suscite l’admiration. Retour sur la genèse de la chose, alors qu’il était haut comme trois macarons. "J’ai commencé chez ma grand-mère, le mercredi après-midi après l’école, je devais avoir huit ans. Et je revendais mes pâtisseries dans un manège, à prix coûtant, pour récupérer de l’argent et racheter de nouveaux ingrédients." L’esprit d'entrepreneuriat, déjà. "Chaque semaine, je m’entraînais, je faisais des javanais, des opéras, des framboisiers… Jusqu’à un passage à la Fnac de Liège. J’avais reçu un chèque-cadeau de vingt euros et j’ai vu un livre sur le macaron. Ce n’était pas trop connu à l’époque, je me suis laissé tenter. Evidemment, le résultat a été catastrophique. Ça ressemblait juste à de vulgaires cookies".

Reproduire son Labrador

Les réalisations de Michaël Labro

Les réalisations de Michaël Labro

Pas question pour autant pour le futur taulier de la mignardise de jeter l’éponge. Ou plutôt, le petit gâteau à base d’amandes pilées. "Je suis tenace, je voulais absolument y arriver", sourit-il. "Je suis tombé sur le blog de Mercotte, qui est aujourd’hui jury de l’émission télé 'Le Meilleur Pâtissier' mais qui était alors inconnue. On a commencé à échanger des mails tous les jours, parfois jusqu’à très tard dans la nuit. C’était en 2008 donc, j’avais, heu…", reprend-il en calculant, "quinze ans".

Quelques mois plus tard, son meilleur ami Antoine découvre ses réalisations dans le frigo familial et propose de faire du porte-à-porte pour vendre ses délices. "D'abord dans le voisinage, les gens avaient un peu pitié de nous, donc ils nous en achetaient. Puis il a vite fallu aller un peu plus loin." Pour acheter un scooter, seul moyen de locomotion dans ses gammes puisqu’il est toujours mineur, le futur leader mondial du macaron fait… reproduire son magnifique Labrador chocolat baptisé Aiko. "Oui je sais… mais je vous assure, c’est vraiment réel", se marre-t-il. "Du coup, grâce à Aiko, je sortais de mon quartier pour vendre, c’était déjà de l’export".

Très vite, la cuisine familiale ne suffit plus. Surtout quand une commande de mille pièces débarque. "Pour mes parents, c’était hors de question. Déjà comme ça, il y avait du caramel partout." L’alternative sera le garage du grand-père à Grivegnée, transformé en petit atelier. Arrivent ensuite une commande de Point Chaud mais aussi l’heure des études supérieures. Pour Michaël, le choix est clair. C'est la médecine, comme son ami Antoine. "Je voulais absolument être chirurgien. J’ai fait cinq ans de médecine. Et puis, lors des stages, le temps a commencé à passer très lentement. Un jour, à l'hôpital des Bruyères, j’ai compris qu’il fallait faire un choix. Je devenais mauvais partout. J’ai décidé d’arrêter, j’ai fermé la double porte de l'hôpital pour me concentrer sur mon atelier."

La médecine dans l'atelier

De l'audace, évidemment. Mais pas question d'effacer tous les savoirs, de réduire ces cinq années universitaires à "cinq années d'études pour rien". D'abord, il y a le surnom de "docteur macaron", même si, certes, c'est fort léger pour justifier l'investissement. Michaël Labro esquisse un nouveau sourire. "Oui, j'en retire surtout la concentration, la rigueur, l’esprit de synthèse, la chimie, qui m’a beaucoup aidé dans la cuisine car, au final, la pâtisserie, c’est un peu de la chimie. La température ou le PH qui change, la vitesse d’agitation et hop, toute une recette peut être dénaturée. " D'ailleurs, ses connaissances en
chimie ont permis au praticien sucré d'innover. "Je suis le seul au monde à avoir pu désucrer la coque du macaron. Et on est toujours les seuls à y arriver aujourd'hui, à avoir cet équilibre sucré salé parfait."

Philippe Lhoest avec Michaël Labro, les fondateurs de PMSweet.

Philippe Lhoest avec Michaël Labro, les fondateurs de PMSweet.

Entre-temps, Michaël Labro a fait la connaissance de Philippe Lhoest, trente ans dans l'agroalimentaire au compteur. L'association tonne vite comme une évidence et naît dans la foulée PMSweet en 2014, le "PM" reprenant la première lettre des prénoms des deux compères. Le carnet d'adresses, le réseau, l'expérience du secteur qu'amènent l'ancien patron de la société Frianda permet très vite à PMSweet d'affoler les compteurs. Le garage familial est évidemment devenu trop étriqué, même constat pour les locaux du Quartier Saint-Leonard où la jeune entreprise a posé ses sacs d'amandes par la suite. "On a commencé avec 80 mètres, on a fini avec 300 mais ça devenait invivable pour les autres colocataires, on devait stocker le sucre dans les couloirs communs", se souvient le chef pâtissier. D'autant que, à l'époque, la production culmine déjà à 30.000 pièces quotidiennes et de nouvelles commandes viennent garnir le cahier. Point Chaud, Carrefour, Delhaize, pour n'en pointer que
quelques-unes. Impossible de pousser plus les murs, un nouveau déménagement amène la production du côté de Vivegnis, au sortir de la Cité Ardente.

Objectif 100 millions d'euros

Le rythme s'emballe encore au point d'exploser l'accélérateur. 3.000m², une trentaine de personnes et une production qui avoisine les 50.000 macarons par jour. Le chiffre d'affaires épouse forcément la même tendance à la (très) forte hausse. Croissance à deux chiffres, "certaines années même du 100 %", des rentrées qui passent de 179.000 euros en 2014 à 60 millions l'année dernière. "Objectif 100 millions en 2025, on est loin du porte-à-porte", sourit le Liégeois. L'Asie, les Etats-Unis et l'Europe ont remplacé les voisins. Les classiques goûts vanille, chocolat, framboise s'exportent et côtoient des demandes plus spécifiques, liées à un pays ou à des évènements, tels les improbables homard ou cigare et whisky. Mais cette croissance effrénée engendre forcément des risques de surchauffe, au mieux. Michaël Labro, au centre, sur les côtés, en dessous et au-dessus du processus tant il est omniprésent, l'a bien compris. A fortiori après une visite à l'hôpital pour épuisement. "C'était il y a quatre ans. J'avais tellement peur de ne pas honorer les commandes après un problème technique et le retard dans l'arrivée de notre nouvelle ligne que je n'en dormais plus. C'est à ce moment-là que j'ai compris que je devais appeler à l'aide." Une structure managériale est progressivement mise en place pour calibrer l'entreprise. "Avant, il n'y avait pas de cadre, juste les opérateurs, Guillaume, Arnaud et moi. Du coup, au moindre problème, j'étais sur le pont". C'est que, entre-temps, même s'il siège toujours au conseil d'administration, Philippe Lhoest a cédé ses parts à Guillaume Vander Borght et Arnaud Woitrin, qui épaulent désormais Michaël Labro, toujours actionnaire majoritaire.


Une "happiness manager"

Aujourd'hui, l'entreprise compte 300 personnes en production et 50 en "middle management". Dont une "happiness manager" par exemple. "Elle était responsable de ligne à la base. Elle s'occupe du bien-être du personnel en production, elle remonte les informations très vite et va expliquer, avec ses mots, notre vision, nos décisions. C'est un peu la RH du terrain." Et le "patron", lui, se force à temporiser. "Depuis mon passage à l'hôpital, je m'impose de dormir au minimum sept heures par nuit. J'essaye d'avoir une vraie vie sur le côté même si ça reste chargé. Cela dit, ça ne me dérange pas tant que c'est équilibré. En fait, il a fallu traiter la dépendance de l'entreprise à moi. Maintenant, ce qu'il reste à gérer, c'est ma dépendance à l'entreprise. Là, c'est un peu plus compliqué", glisse-t-il, avant de confesser que "prendre des vacances, c'est difficile". Surtout vu cette entreprise, plus du tout petite, qui ne connaît pas la moindre crise.

Un million par jour

Une nouvelle fois, la folle expansion de la société liégeoise impose un déménagement, une usine flambant neuve dont l'entreprise serait propriétaire du bâtiment. Le zoning des Plénesses, à Thimister, accueille tout fraichement la nouvelle "fabrique à macarons", qui jongle toujours sur les deux entités. "L'objectif, c'est que tout soit déménagé en juillet", dans un espace de 17.000 m² et "la ligne de production la plus moderne et la plus performante du monde" (voir ci-contre). Désormais armé d'un management qui conforte ses ambitions et d'un outil qui autorise la production d'un million de macarons au quotidien, sept jours sur sept, pour 700.000 aujourd'hui, l'objectif est clair : user le velours rouge du fauteuil de "leader mondial du macaron haut de gamme", sans pour autant diversifier la production. "Non car nous voulons rester les meilleurs dans notre catégorie. On a vraiment quatre piliers qui nous différencient de la concurrence. Le premier, la production de très très grands volumes. La nouvelle ligne et son tirage nous permettent de rester compétitifs, c'est le deuxième. La haute qualité s'impose comme le troisième. Et, enfin, l'hyper flexibilité, ce qui nous permet de suivre la demande des clients."

Pas question, pour autant, de produire une marque spécifique version "Docteur Mac'", par exemple. Une appellation propre type Ladurée. "Tout ce qui est marketing et communication, ce n'est pas trop mon fort. Je préfère me concentrer sur la production avec l'ambition d'être toujours le meilleur. Développer sa propre marque, c'est un autre métier", reprend Michaël Labro, alors que son téléphone s'épuise, inlassablement. S'il confesse ne plus trop craquer pour ses créations tant il a en a "tellement mangé avant", le chef assure garder les pieds sur terre malgré la folie de l'aventure. Surtout par… manque de temps. "On ne se rend pas trop compte car on est un peu tout le temps le nez dans le guidon". L'avenir se veut, en tout cas, sucré, coloré, suave comme ses productions. Fait de défis, aussi. Car accrocher un trône, c'est bien. Pérenniser le règne, c'est une autre affaire. "C'est le plus grand défi, continuer dans cette voie et ne pas se reposer sur ses lauriers sans quoi tu te fais dépasser." Point de crainte, cela étant. Pour Michaël Labro, tout ça, ce n'est pas de la tarte. Mais presque…

50 millions d'investissement dans la nouvelle ligne

Le lancement de la nouvelle ligne de pro­duction, dans le zoning des Plénesses à Thi­mister, permettra à PMSweet d'atteindre le million de macarons par jour. Une usine de 17.000 m² financée en partie via Wallonie Entreprendre. "On parle d'un investissement global de 50 millions d'euros. Ça ne sort évi­demment pas de ma poche, je n'ai pas ga­gné à l'EuroMillions", sourit Michaël Labro.

Outre l'emprunt "classique" en banques, les dirigeants de PMSweet ont bénéficié du souffle positif de l'outil économique et financier de la Wallonie. "Ils sont entrés dans le capital à hauteur de 10 %, ça rassu­rait les banques et ce sont des actionnaires passifs. Ce qui veut dire que ça n'a rien à voir avec un fond qui chercherait à grapiller du capital. Ce qu'ils demandent, c'est d'être rachetés, de sortir de l'actionnariat. C'est vraiment une fameuse aide."

Avec les nouveaux locaux, les trois diri­geants ont également appuyé sur la durabi­lité de la fabrique à macarons. Ils sont en train de passer la certification B Corp, soit un label octroyé aux sociétés répondant à des exigences sociétales et environnemen­tales. Niveau RSE (responsabilité sociétale des entreprises), PMSweet entend jouer le jeu à fond. 11.000 m² de panneaux solaires ont été installés, bon nombre de processus mis en place pour récupérer les énergies, les eaux tout en diminuant les déchets comme, par exemple, dans l'achat des matières premières. Une analyse du bilan carbone est en cours. "Happiness mana­ger", engagement inclusif, méritocratie et l'installation d'un vestiaire non genré sont aussi d'application.

Carte d'identité de l'entreprise

PMSweet

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