Mis en lumière pour son action durant la crise corona, le fournisseur de vêtements professionnels Dutra, à Wavre, défend un modèle de PME durable. Et entend agir ici et maintenant.
Jean-Christophe de Wasseige
C'est un visage qui commence à être connu. Celui de Mireille Rousseaux-Nélis, la directrice de l'entreprise Dutra. Elle est régulièrement invitée sur les plateaux télé. Sa connaissance du monde des affaires et un certain franc-parler passent bien. Cet intérêt des médias a commencé en mars 2020 avec l'implication de sa PME de confection de vêtements professionnels, dans la lutte contre le coronavirus. Comme 31 autres entreprises textiles, elle a alors réorienté sa production en urgence ; sorti des milliers de masques en tissu réutilisables ; et aidé les hôpitaux démunis à se protéger.
Une démarche sociétale. Qui a certes rapporté dans un premier temps (+ 50 % de chiffre d'affaires en 2020, à 6 millions d'euros). Avant de se dégonfler. Les établissements de soins ont fini par opter pour les masques chinois jetables en polypropylène. Le précédent gouvernement, lui, a passé la funeste commande de 15 millions de masques à une obscure société (Avrox), en ignorant sa propre industrie… et en y perdant finalement sur tous les tableaux : prix, délai, qualité, lavage, innocuité ! De quoi filer de l'amertume à tout entrepreneur normalement constitué.
Toutefois, dans l'histoire de Dutra, la crise Covid ne sera finalement qu'un épisode. Cette PME familiale est en effet née en 1955. "À l'origine, il s'agissait d'une initiative de femmes, raconte la general manager. Dans ces années d'après-guerre, ma grand-mère, ma mère et sa sœur ont décidé un jour de se lancer dans la confection de vêtements, qui manquaient à l'époque. Cela a démarré modestement à Ronse (Renaix). Ma grand-mère a acheté une machine à coudre et sollicité une couturière du bout de la rue. Mon grand-père a collecté des adresses de magasins, clients potentiels. Ma mère a pris le train pour les démarcher…"
Cette maman, Agnès Dutranoit, formalisera l'activité en créant en 1955 la société qui porte une partie de son nom : Dutra. Elle fonctionnera bientôt en tandem avec son mari, Pierre Nélis. Le duo déménagera à Overijse en 1969 et se spécialisera dans les uniformes scolaires, puis les vêtements de travail : pour les infirmières, les médecins, les cuisiniers, les serveurs, les nettoyeuses, les techniciens. Une activité confortée en 1974, lorsqu'une loi obligera chaque employeur à fournir un équipement adapté aux salariés.
Mireille Rousseaux, elle, reprend le flambeau en 1989. D'emblée, elle doit faire face à un défi : résister à une nouvelle vague de délocalisations de l'industrie textile vers les pays à bas salaires. Pour s'adapter, il faut d'abord réduire l'emploi. "Tout en restant humain", insiste-t-elle.
Ensuite, il faut trouver un partenaire au Maghreb afin de pouvoir s'aligner sur les coûts du marché. La directrice part alors arpenter la Tunisie à la recherche d'un atelier. "Prendre des risques ne m'a jamais effrayée. À l'origine, mon rêve était de parcourir le monde, caméra au poing. D'où mes études en journalisme." Avant celles en management et en gestion de PME. À force d'intenses efforts – "en tant que femme, les patrons tunisiens ne me prenaient pas au sérieux" –, un producteur est finalement trouvé. C'est toujours le même aujourd'hui.
Petit à petit, les commandes se redressent. L'emploi remonte (à 25 personnes). La société vend dans toute la Belgique. Sans aucun problème pour la CEO, native de Gand et parfaite bilingue. Dans le secteur, tout passe par des marchés publics : il faut rentrer des offres et compresser les prix. "Ceux-ci pèsent jusqu'à 60 % des critères d'octroi, ce qui devient une aberration, car les aspects sociaux, locaux et environnementaux sont marginalisés." En 2013, un nouveau déménagement est décidé vers le zoning de Wavre-Nord. Le bâtiment, plus grand, abrite bureaux, ateliers, local d'exposition et hall de stockage.
Des modèles informatisés
C'est là que sont dessinés les modèles. Le catalogue et les archives en comptent 2.500 ! Tous sur support informatique. Ce qui permet de les adapter, de les personnaliser, d'envoyer des fichiers électroniques à l'atelier tunisien sans risque d'erreur, ou encore de connaître les coûts exacts de production. Environ 88 % des vêtements sont cousus en Tunisie et 12 % en Belgique. L'atelier wavrien sert aux commandes urgentes et aux séries spéciales. On y trouve des centaines de rouleaux de tissu, une longue table de découpe automatique flambant neuve, des dizaines de machines à coudre toutes spécifiques, des presses à textile…
La PME attache beaucoup d'importance à la durabilité. "Cela signifie d'abord des vêtements qui soient confortables, durent longtemps, acceptent les lavages à haute température." Mais pas seulement. Une certification ISO 9001 (management de qualité) a été décrochée en 2018 et reconduite en 2020. Quelque 180 panneaux photovoltaïques ont été posés sur le toit. Un tissu fait à base de pulpe de bois, le Tencel, est mis en avant dans les collections. Quant à la découpeuse 2.0, elle minimise les chutes de tissu.
La crise Covid a conforté la dirigeante dans sa volonté de poursuivre sur cette voie responsable. "Agir à son niveau, ici et maintenant", tel est un de ses mots d'ordre. Mireille Rousseaux est ainsi une des initiatrices de Circletex, une chaîne de récupération et de recyclage d'anciens vêtements professionnels qui devrait bientôt se mettre en place, avec six autres partenaires.
Dans l'immédiat, un enjeu sera le remplacement des salariés proches de la retraite. "Il est crucial de garder leur savoir-faire, car les formations dans le domaine textile ne sont guère à la hauteur. Pour compenser, nous organisons un écolage interne : les anciens s'occupent des nouveaux durant quelque temps. De même, nos jeunes sont systématiquement sensibilisés aux nouvelles technologies. Ainsi, le passage d'une génération à une autre est l'occasion de concrétiser des adaptations technologiques." Histoire de coller à son époque. Comme la mode le fait si bien…
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