Le déploiement de l'électro-mobilité se confirme. Les modèles se multiplient. Les ventes commencent à bouger. Ces dernières sont tirées à 80 % par les entreprises.
Jean-Christophe de Wasseige
Il y a dix ans, en réaction à la crise financière, apparaissait une première vague de voitures électriques grand public : Nissan Leaf, Opel Ampera, Renault Zoe, BMW i3… La Tesla Model S suivit de peu. Celle-ci changea l'image de ces véhicules à batterie : d'ennuyeux, ils devinrent… branchés. Aujourd'hui, nombre de constructeurs ont intégré l'un ou l'autre modèle 100 % électrique dans leur gamme. En 2020, on comptait 25 modèles différents sur le marché belge. En ce début 2022, ils sont 69. Un doublement en deux ans !
"On peut affirmer que l'offre en ce domaine est mature, juge Christophe Dubon, le porte-parole de la Febiac la fédération des importateurs et des constructeurs. Tous les segments du marché sont concernés." On trouve ainsi des modèles chez les citadines : Fiat 500 e, Honda e, etc. Chez les compactes : VW ID.3, Mercedes EQA, Volvo C40, etc. Les familiales : Hyundai Ioniq 5, Ford Mustang Mach-e, Skoda Enyaq iV, etc. Les berlines : Kia EV6, Jaguar I-Pace, etc. Les SUV : Opel Mokka-e, Audi Q4 e-Tron, etc. Et même chez les ludospaces, les vans, les sportives.
Les batteries ont progressé, permettant d'atteindre des autonomies jusqu'à 500 km (en test WLTP). Autre changement : des châssis spécifiques arrivent. Ils possèdent un plancher libéré de tunnel de transmission et de réservoir. Idéal pour y loger les batteries. Les porte-à-faux avant et arrière sont réduits, puisque les moteurs synchrones prennent peu de place. Les roues sont rejetées aux extrémités, ce qui améliore l'habitabilité… Exemple typique : la plateforme MEB du groupe VW.
L'échéance de 2035
L'industrie automobile fait donc sa mue. Il faut dire qu'après le scandale du "dieselgate", après la montée des risques climatiques, après l'avance prise par la Chine dans les batteries, elle n'a plus tout à fait le choix. Pour enfoncer le clou, la Commission européenne a proposé en juillet 2021 d'interdire l'immatriculation des voitures neuves thermiques à partir de 2035. Chez nous, le gouvernement flamand a voulu anticiper cette interdiction à 2027, avant de viser 2029. La Région bruxelloise, elle, poursuit le bannissement des voitures les plus anciennes avec sa zone de basse émission.
Si l'offre augmente, la demande commence à décoller. C'est vrai en Europe. Les voitures 100 % électriques ont représenté 8 % du total des ventes neuves en 2021. Pour la Belgique, la part fut de 5,4 %. Contre 1 % voici quelques années encore. En volume, la progression est plus palpable. En 2015, il s'était vendu 1.360 voitures totalement électriques chez nous. En 2021, il s'en est écoulé 19.898 unités sur les onze premiers mois. Du côté des constructeurs, on confirme. "Il y a une progression indéniable, remarque Jean-Marc Ponteville, porte-parole de D'Ieteren, l'importateur du groupe VW. L'intérêt est présent ; les carnets de commande se remplissent. Ceci étant, la grande majorité de ces achats sont réalisés par les entreprises. Pas par des particuliers." La Febiac cite le chiffre de 80 % destinés à être des "voitures salaires".
Fiscalité
En l'absence de primes à l'achat dans notre pays, seules les entreprises ont en effet la capacité financière d'investir dans ces véhicules qui sont en gros 14.000 euros plus coûteux que leurs équivalents thermiques. Plusieurs incitants fiscaux leur facilitent d'ailleurs la démarche : acquisition déductible à 100 %, faible cotisation CO2 (27,04 euros), ATN (avantage de toute nature) minimal pour les salariés (4 % de la valeur du véhicule), taxe de mise en circulation intéressante (zéro euro en Flandre, 61,50 euros en Wallonie et à Bruxelles), taxe de circulation idem (zéro euro en Flandre, 85,27 euros en Wallonie et à Bruxelles) ou encore déduction pour l'installation de bornes de recharge. Il est quasi certain que la réforme des voitures de société, présentée en mai 2021 et votée en novembre, a soutenu et va soutenir cette évolution. Pour rappel, la déductibilité fiscale pour les véhicules essence, diesel mais aussi hybrides va s'éteindre entre 2023 et 2026 et, à cette date, seules les nouvelles voitures à zéro émission bénéficieront encore d'un avantage.
Quelles sont exactement ces entreprises séduites par l'électrique ? "Il n'y a pas de profil type, répond Filip Rylant, le porte-parole de Traxio, la fédération des concessionnaires. Tout dépend du budget qu'elles réservent ou non à la mobilité. Il faut noter que certaines PME aux moyens limités se rabattent sur les voitures électriques d'occasion. On constate en effet que leur fiabilité est bonne et que leurs batteries s'usent moins vite que prévu." Traxio croit très fort dans ce développement des occasions, ce qui pourrait renforcer le marché de l'électrique.
Du chemin encore à parcourir
Cependant, il reste des freins, "comme le prix d'achat pour les particuliers, le manque de bornes, le dilemme de la recharge quand on habite en appartement ou encore la fourniture suffisante d'électricité, rappelle Lorenzo Stefani, le porte-parole de Touring. Chez nous, il manque singulièrement de bornes. Cela pourrait empêcher les constructeurs d'atteindre un volume de ventes suffisant pour amortir leurs investissements. Ils pourraient dès lors redevenir prudents."
Ce marché naissant présente une dernière caractéristique. Un paradoxe même. Comme il est porté par les entreprises, les modèles les plus populaires sont en général… imposants et chers. Ainsi, il se vend quasi deux fois plus de Porsche Taycan, une ultra-sportive de 300 à 560 kW et 2,8 tonnes, que de Peugeot e-208, une compacte de 100 kW et 1,4 tonne. Soit 1.004 unités contre 623 unités en onze mois. De quoi craindre que l'électro-mobilité ne devienne inégalitaire ? Sans compter que, pour certains ingénieurs, déplacer une voiture de plus de deux tonnes par des batteries est un non-sens énergétique. Ce à quoi l'industrie répond que, dans l'automobile, toute nouvelle technologie a toujours été introduite par le haut de gamme. Ceci étant, Renault vient de sortir une Dacia de 33 kW, une tonne, 240 km d'autonomie et 17.190 euros. Le début d'une démocratisation ?
Après l'édition 2021 annulée pour cause de coronavirus, le salon de l'auto 2022 au Palais du Heysel du 14 au 23 janvier a donc, lui aussi, été supprimé pour la même raison. Plus exactement, il a été déplacé vers les showrooms, où chaque marque présente ses nouveautés. À noter que les salons en Europe tendent à passer de mode. Sauf peut-être chez nous car Bruxelles est un salon de vente et pas uniquement d'exposition. On verra ce que 2023, année de la centième édition, réservera… Quant aux fameuses "conditions salon", elles devaient être maintenues. Mais un facteur perturbe les négociations entre vendeurs et acheteurs : les délais de livraison rallongés, du fait de la pénurie de semi-conducteurs. Un problème qui empoisonne toute l'industrie auto depuis des mois.
Les vans restent au diesel
En ce qui concerne les utilitaires légers, on ne peut pas parler de percée de l'électrique. Il existe bien quelques modèles, mais en nombre limité. La grande majorité des achats, 92,6 % (!), continuent de se faire en diesel, gage d'efficacité lorsque le kilométrage annuel est élevé et/ou lorsque les trajets sont longs. En effet, les véhicules électriques consomment davantage sur autoroute et leur autonomie peut poser problème.
Les marques chinoises débarquent
Après les voitures japonaises dans les années 1970, puis les coréennes dans les années 1990, voici que déferlent en Europe des autos chinoises.
L'arrivée de ces exportations chinoises sur le marché belge est toute récente : 2020 et 2021. Si la qualité de ces véhicules laissait à désirer voici dix ans – on se souvient de crash tests catastrophiques –, ceux d'aujourd'hui sont plus à la page. Côté commercial, seuls deux segments de marché sont visés : les SUV et les voitures électriques. Logique : c'est là où réside la croissance. Côté mécanique, la recette est toujours la même : des propulsions 100 % électriques, sinon des moteurs 1,5 litre essence avec des versions hybrides, LPG ou CNG. L'équipement se veut généreux. Les prix sont intéressants mais pas bradés.
Aiways
Ce jeune constructeur, né en 2017, possède déjà une usine capable de produire de 300.000 véhicules par an dans la région de Shanghai. Il commercialise l'U5, un SUV de 4,7 m totalement électrique. Autonomie avancée : 380 km.
Bestune
Bestune appartient à First Automobile Works (FAW), qui est historiquement le premier constructeur chinois (1956). Le premier modèle mis en vente chez nous est le T77, un SUV de 4,5 m. Il est disponible en version essence et LPG.
BAIC
Beijing Automotive Industry Corporation est un des quatre grands constructeurs de Chine. Il est présent avec le X35, un SUV de 4,4 m. Un autre modèle arrivera bientôt. Les deux disposent d'une plateforme Mercedes et d'un moteur Mitsubishi, essence et LPG.
DFSK
DFSK est une co-entreprise entre Dongfeng, un des "Big Four" chinois, et Sokon, un fabricant de mini-voitures. La marque propose deux SUV de 4,6 m. Le Glory vise les familles et le Fengon5 joue la carte du luxe. Le premier dispose de versions CNG et LPG.
LEVC
London Electric Vehicle Company est l'héritière du fabricant des taxis londoniens. Rachetée par le groupe Geely, elle produit un taxi modernisé et électrifié (TX Taxi). La même plateforme sert à une version péri-urbaine (TX Shuttle) et à une camionnette (VN5).
Lynk & Co
Détenu également par Geely, Lynk & Co fabrique des voitures basées sur une plateforme Volvo. Le 01 est un SUV hybride essence-électrique de 4,5 m. La particularité de cette marque est de privilégier une utilisation sur abonnement (même si la vente reste possible).
Maxus
La spécialité de Maxus, ce sont les camionnettes électriques. La firme, qui fait partie du géant SAIC (Shanghai Automotive Industry Corporation), propose deux camionnettes tôlées : l'eDeliver 3, disponible en 4,8 et 6,3 m³, et l'eDeliver 9, disponible en 9, 11 et 12,5 m3. L'une et l'autre affichent 350 km d'autonomie.
MG
Tombée en faillite en 2005, la marque britannique a été rachetée par Nanjing Automobile (du groupe SAIC). Finis les petits roadsters d'antan. À la place, sont proposés : le ZS, un SUV compact électrique, et le EHS, un SUV familial hybride rechargeable.
Polestar
Polestar est une sous-marque de Volvo mais toutes deux appartiennent au groupe Geely. La Polestar 1 est une grande berline de 600 ch, équipée d'un moteur à essence et de trois moteurs électriques (157.500 euros). La Polestar 2 est une compacte cinq portes 100 % électrique (modèle à découvrir en page 31).
Seres
Seres a été fondée en Californie (USA) en 2016 par un ancien de Tesla mais son capital est détenu par DFSK. Son principal modèle est le 3, un SUV compact totalement électrique. Au printemps arrivera le 5, un SUV familial. Puis, le 7, un cross-over sportif.
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