Lancé un peu comme une bravade en 2017, le Gin de Binche a connu une étonnante percée : récompenses à l'international, reconnaissance des cavistes et, surtout, intérêt des fans d'apéros.
Jean-Christophe de Wasseige
L'anecdote a été maintes fois racontée mais, comme elle est savoureuse, autant la rappeler. Nous sommes en mars 2017. À Binche, c'est le carnaval. Cécile Harvengt et Jérôme Urbain, deux habitants de la cité, sont avec leurs amis. Au détour d'une conversation, un jeu de mots est lancé : "gin de Binche". L'expression sonne d'autant mieux aux oreilles du couple qu'il est amateur de cette boisson spiritueuse, qu'il aime sa ville et est sensible à l'entrepreneuriat.
Pourquoi, dès lors, ne pas donner vie à un tel breuvage et profiter de la notoriété de ce folklore local, classé au patrimoine immatériel mondial depuis 2008 ? C'est loin d'être farfelu : le gin commence justement à devenir populaire en Wallonie et à Bruxelles ; il l'est déjà en Flandre depuis les années 2010. On le boit généralement dilué dans du tonic, comme apéritif. "Au départ, nous envisagions ce projet comme une activité complémentaire, se rappelle Jérôme Urbain. À l'époque, ma femme et moi avions tous les deux un emploi. Notre idée était surtout de faire un clin d'œil à notre ville."
L'hommage se veut néanmoins sérieux. Le produit doit être de haute qualité. Et unique. Le gin en question est construit autour d'un arôme d'orange sanguine. C'est en effet cet agrume qui est distribué comme offrande par les Gilles de Binche lors du Mardi gras. La recette est affinée avec l'aide d'un maître distillateur, Pierre Gérard, qui possède sa propre maison. À l'alcool de grain s'ajoutent une dizaine d'ingrédients : clou de girofle, citron, carvi, hysope, plante de garrigue…
Après plusieurs essais, suivis de dégustations auprès de restaurants amis, l'assemblage est finalisé. Un premier distillat de 3.000 litres est alors commandé à la Distillerie de Biercée, connue entre autres pour son Eau de Villée (Biercée est tombée en faillite en 2018 mais a été reprise par La Brasserie des Légendes). Une bouteille est choisie, portant le blason de la ville : un lion noir armé de griffes rouges. Le Gin de Binche est né.
Les premières bouteilles arrivent sur le marché un peu avant Noël 2017. "Le succès a tout de suite été franc. En quelques mois, tout a été vendu !" À partir de là, les choses s'enchaînent. Une société est créée : Plus Oultre Distillery (devise de Binche, "Plus oultre" signifie "Toujours plus loin"). De nouveaux distillats – l'équivalent des brassins dans le monde de la bière – sont lancés. Dans le même temps, la distribution se structure. Des cavistes, épiceries fines, traiteurs sont contactés, en plus de restaurants. Aujourd'hui, ce réseau compte 350 points de vente à travers le pays. Avec un stand de dégustation, le duo d'entrepreneurs multiplie les présences dans les salons, les fêtes, les événements. "Nous avons aussi eu des demandes de la part de la grande distribution mais nous les avons déclinées. Nous préférons que notre produit soit commercialisé par des professionnels qui puissent donner des conseils."
Bientôt, la percée nécessite de passer à un, puis à deux temps pleins. "Pour honorer les commandes, j'ai décidé de faire de cette production mon activité principale, poursuit Jérôme Urbain. Et également mon… métier. Ainsi, j'ai suivi une formation en distillation à Cognac en France." Grâce à cette expérience, d'autres produits apparaissent à partir de 2020 : une liqueur apéritive (le Bitter Plus Oultre), une vodka à base de pomme de terre (la Vodka Bintje), une liqueur de plantes (la Bonespéreuse). Celle-ci est lancée en partenariat avec l'asbl qui entretient l'Abbaye de Bonne-Espérance à Estinnes. Un rhum (le Rhumble) est pour bientôt.
Et quand la PME présente son Gin de Binche à des concours internationaux (multiples dans le secteur), les prix s'enchaînent : Berlin, Londres, Bruxelles… "La récompense dont nous sommes les plus fiers est celle de la New York International Spirits Competition en 2020. Il y avait plus de 800 boissons en lice. C'était du sérieux. Dans la catégorie des gins, notre flacon a reçu la plus haute distinction, la médaille “Double Gold”, ex æquo."
Deux alambics, l'autonomie
Aujourd'hui, la distillerie continue sur sa lancée. Deux alambics ont été achetés en Allemagne. "Recourir à des partenaires qui produisent à façon est une formule économique pour démarrer. Mais il faut pouvoir s'en dégager. C'est préférable afin d'obtenir une plus grande liberté d'action et de se doter d'une identité propre."
Ceci dit, grandir n'est pas toujours évident. Actuellement, la petite structure produit 15.000 bouteilles par an mais doit jongler entre des locaux éparpillés. Les alcools sont distillés à Biercée et chez d'autres collègues ; les flacons sont stockés dans des hangars à La Louvière ; les bureaux se trouvent sur le zoning de Péronnes-lez-Binche… "Logistiquement parlant, les choses sont compliquées, reconnaît le néo-distillateur. À terme, notre volonté est de regrouper un maximum d'activités sur deux sites, qui accueilleraient chacun un alambic : Péronnes, où une extension est envisagée, et l'ancienne gare de Binche, pour laquelle un dossier de location a été introduit."
Ce dernier projet est ambitieux. Cette longue gare au style néo-gothique a été fermée voici plus de quarante ans. La SNCB envisage maintenant d'en louer l'aile gauche par bail emphytéotique. La jeune PME a posé sa candidature pour y installer une vitrine. On trouverait sur place : une production d'alcools, une activité horeca, des salles de réunion, une salle de formation ou encore un point de départ de balades touristiques. "Ce bâtiment emblématique pourrait ainsi retrouver une vie. Ce serait un plus pour tous les Binchois. En ce qui nous concerne, cela nous donnerait un siège parfaitement en accord avec notre image de produit régional. Car le gin, on ne le sait pas toujours mais c'est du genièvre en plus élaboré. Et le genièvre ou péket, c'est l'alcool historique de nos régions…"
L’entreprise Brunet, à Mariembourg, travaille le bois depuis plusieurs générations. Au point de se positionner aujourd’hui comme une référence dans son secteur. Ce qui lui permet de tirer son épingle du jeu à l’heure où de nombreuses sociétés spécialisées dans la construction tirent la langue.
Retrival est une société coopérative à finalité sociale, active depuis plus de 20 ans dans les services liés à l’environnement, notamment le tri des déchets, la récupération et le réemploi. Elle est implantée à Couillet sur le vaste site dédié au tri, au recyclage et au réemploi du bassin carolo. Rencontre avec Damien Verraver, directeur de Retrival.