Nicolas et François Guillaume ont créé Cornu, la première marque de viande wallonne certifiée. Leur coopérative permet de vendre au prix juste… et de transformer une ferme familiale en PME.
Isabelle Morgante
Quand Edgar Guillaume, le grand-père de Nicolas et François, a pris quelques bêtes dans sa ferme d'Ochamps (Libin), il était très certainement à mille lieues de penser qu'un jour, ses petits-fils transformeraient cette ferme ardennaise en une PME florissante, diversifiée et en pleine croissance.
Nous sommes à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les armes se taisent enfin, la province de Luxembourg soigne ses plaies, les fermes redeviennent l'épicentre d'une activité économique incontournable.
L'activité chez les Guillaume va bon train, à tel point que quelques années plus tard, Henri, le fils d'Edgar, quitte son emploi dans les travaux publics et intègre la ferme familiale, en augmentant encore le nombre de bêtes. "Notre maman travaillait au SPF Finances, tout en donnant un coup de main à la ferme. Travailler à l'extérieur, c'est aussi assurer un revenu régulier car c'est parfois compliqué de se payer dans une ferme, surtout en période d'expansion. Une ferme, c'est de l'investissement en continu", résume Nicolas, aujourd'hui vétérinaire.
Se démarquer
Début des années 2000, François, troisième génération de la lignée Guillaume, reprend l'exploitation. Nicolas l'y rejoint en 2007 et ensemble, ils amorcent un virage décisif en créant Cornu en 2018, la première marque de viande wallonne certifiée. "J'aime la ferme, mais pas que. Je suis aussi vétérinaire et ai un cabinet où deux jeunes vétérinaires soignent les petits animaux. Un autre vétérinaire s'occupe des gros animaux avec moi."
Quant à Cornu, en 2021, c'est trois sites "blanc bleu belge" : l'élevage à Libin de quelque 250 bêtes (mères et veaux, en plus des gestantes), l'engraissement à Ochamps (550 têtes) et l'exploitation de Louis Moniotte à Porcheresse, le troisième coopérateur historique.
"Nous avons créé cette coopérative mon frère, moi et notre ami Louis, éleveur de la région. Aujourd'hui, nous sommes cinq et nos valeurs sont identiques : faire quelque chose de bon et de bien, avant de viser le volume, et vendre notre viande au prix le plus juste. Avant même de penser au fait que nos enfants puissent un jour reprendre Cornu (NDLR : Nicolas est papa de deux garçons de 4 et 11 ans), nous devions être bien nous-mêmes. Aujourd'hui, notre viande, nous la vendons dans un réseau de magasins, mais nous possédons également les nôtres."
En effet, mi-janvier, Cornu a ouvert un point de vente à Overijse (Brabant flamand), avant une nouvelle enseigne à Assesse (province de Namur) fin mars. À cela, il faut ajouter l'épicerie d'Ochamps, ce village de 1.200 habitants où il n'y avait plus de commerce depuis des années. Il compte une jeune population qui reste attachée à ses racines, rénove ou fait construire dans l'entité et est très attentive à ce qu'elle mange, en privilégiant les circuits courts et les produits locaux.
Ainsi, l'épicerie, ouverte en mai 2020 et aménagée dans des containers réhabilités, propose aux villageois de la viande Cornu, mais aussi des produits frais de la région et des victuailles de dépannage. Véritable poumon social et relationnel, l'épicerie sera bientôt remplacée par un magasin "en dur", un restaurant, des bureaux et une salle de découpe sur plus de 400 m². Le premier coup de pioche est prévu en mai prochain.
En deux ans seulement, Cornu a connu une ascension remarquable. "C'est à Libramont, sur le site de la Foire agricole, que Cornu a pris racine. Nous avons été encadrés par le staff de Libramont et Gondola (NDLR : réseau du retail), notamment pour l'étude de marché. On a vite constaté qu'il n'existait aucune marque de viande wallonne et que le contact avait été radicalement rompu avec le consommateur. Nous avons rencontré Pierre-Alexandre Billiet, expert chez Gondola, qui a tout de suite compris que nous devions développer Cornu, et nous a entourés des outils de communication indispensables. Cornu devait absolument se démarquer", résume Nicolas Guillaume.
Prendre le temps
Aujourd'hui, Cornu assure la traçabilité de sa marchandise, de la naissance du veau jusqu'aux matériaux composant la barquette destinée aux rayons des supermarchés. Un tracé de la production qui fait ainsi fi des crises sanitaires du monde agricole, comme la crise de la dioxine. "Cette maîtrise de tous les postes, c'est à la fois la garantie de produits de qualité mais aussi un meilleur contrôle des coûts. En créant notre alimentation, nous utilisons les matières premières de la ferme, garantissons une viande de qualité et un bien-être animal. Si nous devions acheter tout en dehors de la ferme, cela se compliquerait nettement", reconnaît Nicolas.
Cette volonté de rationaliser les coûts dans un maximum de postes de charges permet aussi de garder le contrôle de l'évolution de la ferme. Une exploitation devenue PME, dans un monde où les cycles commerciaux font la part (trop) belle aux gaspillages et aux déchets. "Notre viande se vend 10 à 15 % plus cher que celles sans marque de grandes surfaces mais malgré ça, le consommateur nous fait confiance : il préfère manger moins mais mieux. Vendre au prix juste et développer Cornu, c'est un travail de tous les instants. Il faut aimer “être dedans” et ne pas compter ses heures car malgré tout ça, le plus bel outil à notre disposition est la terre. L'équilibre n'est pas facile à trouver et l'architecture de l'entreprise ne se fait pas du jour au lendemain."
Raison pour laquelle les frères Guillaume pensent déjà au développement de Cornu, mais se laissent le temps de la réflexion avant d'entamer de nouvelles productions. Les légumes estampillés Cornu pourraient voir le jour, battus d'une courte carotte par la volaille et le porc, déjà inscrits à l'agenda 2021.
Malgré la crise sanitaire, la viande bovine Cornu a gagné la confiance des bouchers, sans dégustation. En dix mois, Nicolas Guillaume et son frère François sont passés de 50 à 1.800 kilos vendus par semaine au Carrefour d'Arlon.
Le cheptel reçoit l'alimentation Cornu, créée il y a quinze ans, faite d'ingrédients en très large partie cultivés.
La section élevage : là où les bêtes attendent la fin de l'hiver et le retour aux prairies (dès le mois de mars).
Le site d'engraissement d'Ochamps (Libin). Les taureaux y arrivent à dix mois, et les vaches réformées après leur quatrième année et la naissance de quelques veaux. Ils y restent sur paille entre cinq et sept mois avant de prendre le chemin de l'abattoir de Rochefort.
La petite épicerie Cornu d'Ochamps sera bientôt remplacée par un magasin, un restaurant, des bureaux et une salle de découpe.
Votre accompagnementUCM
Secrétariat social
La coopérative, une entreprise "comme une autre"
Cécile Lessire est la gestionnaire du dossier Cornu au Secrétariat social UCM à Libramont. L'entreprise, qui compte trois collaborateurs (deux à Ochamps et un à Overijse), devrait engager prochainement. La coopérative est une entreprise "comme une autre" selon Cécile. Les frères Guillaume font appel à UCM pour des simulations d'engagement ou la rédaction de contrats.
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