Il a donné aux indépendants reconnaissance et dignité
Roger Mené, président UCM de 1974 à 2008, est décédé

Pendant des décennies, il a été l'image, la voix, l'incarnation des indépendants et des chefs de PME. Sa conviction et sa détermination au service des "petits" entrepreneurs lui donnaient un charisme rare. C'était un homme entier, qui respectait les gens et leurs opinions, et s'est fait respecter en retour.

Roger Mené.

Roger Mené est né à Ougrée, près de Liège, le 3 juillet 1927. Son père, militaire, avait fui l'Italie fasciste et s'était reconverti en artisan couvreur. À la Libération, en 1944, le jeune Mené a 17 ans et ment sur son âge pour s'engager dans l'armée anglaise. Démobilisé, il fait des études de chimie et est embauché par Cockerill, à deux pas de chez lui. Sa carrière est toute tracée au sein du géant sidérurgique, mais il change d'orientation quand il épouse Eva, fille d'indépendants.

Poussé par sa belle-famille, il prend la direction des établissements Mené-Godechard, situés à Seraing, spécialisés en matériel de chauffage et électroménager. Il restera quarante ans à la tête de l'entreprise et la remettra en bonne santé, avec plus de dix salariés, malgré le déclin économique du bassin industriel liégeois.

Jeune entrepreneur, Roger Mené découvre le sort des indépendants. À l'époque, ceux-ci n'ont aucune protection sociale. Beaucoup, malades ou âgés, se retrouvent dans la misère. Il s'indigne et s'engage en 1968 à l'Union des classes moyennes, alors balbutiante. Il en devient le président national en 1974. UCM occupe alors quelques bureaux dans un immeuble à Liège. C'est un nain sur la scène socio-économique. Trente-quatre ans plus tard, quand Roger Mené quitte la présidence, UCM est une organisation qui siège au "Groupe des dix" (sommet de la concertation sociale) et dans tous les conseils fédéraux et régionaux wallons et bruxellois. UCM emploie plus de 800 personnes comme seul groupe social francophone de services aux entreprises avec une caisse d'assurances sociales, un secrétariat social, un guichet d'entreprises et des experts en accompagnement.

En 1996 avec Pierre Colin et Charles Istasse, ses fidèles seconds.

Et surtout, en trente-quatre ans, les indépendants ont acquis un authentique statut social. Le Liégeois a arraché pas à pas, franc par franc un droit à la pension, la couverture maladie, des allocations familiales identiques… Il a fait reconnaître la spécificité des PME, en maintenant les syndicats à l'écart et en obtenant des règles fiscales et sociales adaptées. Bref, il a changé l'image des "petits" entrepreneurs, qui ne sont plus quantité négligeable, mais sont reconnus comme les moteurs de la croissance, les fournisseurs d'emplois et de bien-être.

Bien sûr, Roger Mené n'est pas seul responsable de cette révolution. Les changements économiques et sociologiques n'étaient pas de son fait. Mais il les a compris, accompagnés, accélérés et pour donner aux entrepreneurs reconnaissance et dignité, il a trouvé des alliés dans tous les partis. Patron incontesté d'UCM, il a refusé tout engagement politique. "Il faut parler avec tout le monde", disait-il. Et il avait des amis dans toutes les formations politiques démocratiques… mais bien davantage à Liège qu'ailleurs.

Son exceptionnelle longévité est due aussi à un grand malheur. Roger Mené et son épouse avaient prévu de s'établir dans le sud de la France à l'heure de la retraite. Mais un cancer a emporté Eva, et lui s'est alors consacré entièrement à la défense des indépendants. Il est resté président d'UCM Liège jusqu'en septembre 2015. L'été dernier encore, il s'enflammait pour les indépendants privés de travail par le Covid, se tracassait pour l'avenir de l'économie… Puis le corps a lâché. L'homme s'est éteint. Il reste son œuvre. Immense.

À son fils, sa petite-fille et son arrière-petite-fille, UCM présente ses condoléances émues.

Sur tous les fronts

Outre ses présidences UCM (national, Liège, caisse d'assurances sociales…), Roger Mené a exercé de nombreux mandats externes, parfois inattendus. Il a été par exemple vice-président du conseil d'administration de la RTBF, où il obtenu… la suppression de l'alcool au mess.

Il était fier de sa présidence du Fonds de participation, organisme fédéral d'octroi de crédit public aux entreprises, puis du Comité de crédit de la Sowalfin wallonne, héritière du Fonds. Il a aussi, entre autres, présidé le conseil d'administration de la Banque de Crédit professionnel et le Centre de formation PME Liège-Huy-Waremme.

Lors de la remise du titre de Grand Officier de l'ordre de Léopold II en 2011.

Roger Mené avait le numéro direct de pratiquement tous les ministres. Les administrateurs du guichet d'entreprises UCM se souviennent encore qu'en 2003, constatant le sous-financement de ce nouveau service, il a appelé sur le champ le Premier ministre Guy Verhofstadt pour lui sonner les cloches !

Il a reçu de nombreuses distinctions honorifiques, y compris la plus haute de Grand Officier de l'ordre de Léopold II. En 2001, le Roi Albert II lui avait décerné le titre de Baron. Roger Mené en était fier, mais il ne s'en est jamais prévalu publiquement.

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