Comment faciliter la vie des entrepreneurs

Après avoir consulté ses affiliés, indépendants et chefs de PME, l'UCM lance 250 idées pour mieux soutenir l'entrepreneuriat et dégage trois priorités : réduire la fiscalité, diminuer les charges administratives et améliorer la pension des indépendants.

La Wallonie et Bruxelles comptent 271.718 indépendants à titre principal, 80.627 entreprises qui emploient entre un et dix salariés et 12.344 qui comptent onze à quarante-neuf travailleurs. Voilà le public que défend et représente l'UCM dans toutes les instances socio-économiques du pays. Il fait battre le cœur de l'activité des deux Régions puisque ces PME francophones emploient 204.545 salariés pour les moins de dix et 249.769 pour les onze à quarante-neuf. Les unes et les autres sont aussi les moteurs de l'innovation et, par leur ancrage local, garantissent l'emploi ainsi que les recettes fiscales et parafiscales indispensables au fonctionnement du pays et à la solidarité.

Qu'est-ce qui entrave les entrepreneurs dans leur développement ? La pression fiscale reste en tête des préoccupations, avec le coût du travail. Les charges administratives complètent le podium, devant le contexte économique incertain, le coût des matières premières ou les difficultés d'accès au crédit. Deux handicaps sont de plus en plus souvent cités : les difficultés de recrutement et, surtout à Bruxelles, la mobilité.

Comment libérer la création et la croissance des PME ? Le mieux est de consulter les entrepreneurs. Pendant un an, l'UCM a organisé des rencontres, ateliers et soirées thématiques pour connaître leurs attentes. Son service d'études a aussi profité de l'expérience des services du groupe (guichet d'entreprises, caisse d'assurances sociales, secrétariat social, accompagnement des starters, conseil environnement...), à qui plus de 120.000 clients font confiance.

Ce vaste travail a débouché sur la rédaction d'un mémorandum de 65 pages, qui comprend 250 propositions et détaille les urgences. Il a été envoyé aux partis politiques pour qu'ils intègrent des idées dans leurs programmes. Lors de la constitution des gouvernements, après les élections du 26 mai, il sera transmis aux négociateurs pour influencer les déclarations de politique générale.

Les effets des mémorandums UCM sont avérés. Celui de 2003 dessinait une nouvelle protection sociale pour les indépendants. Il a fallu quinze ans pour la mettre en œuvre, mais c'est fait. Quant aux propositions formulées avant le dernier scrutin de 2014, on peut estimer que 85 % d'entre elles ont été, au moins en partie, traduites dans les faits.

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La fiscalité reste confiscatoire

Près de 55 % des entrepreneurs estiment que la fiscalité entrave leur développement. Ce n'est pas un sentiment mais une réalité. Malgré les efforts accomplis depuis cinq ans, l'impôt et les cotisations sociales "mangent" 40,5 % du salaire brut en Belgique. C'est le deuxième pire score d'Europe. La France est à 29,2 % et son gouvernement fait de la baisse des impôts une priorité !

Une réforme ambitieuse de l'impôt des personnes physiques est donc nécessaire. Augmenter les frais forfaitaires n'est pas la bonne voie car cela exclut la plupart des indépendants. Il faut relever la quotité exemptée, à peine plus élevée que le minimum vital, et revoir la progressivité. À partir de 38.830 euros brut, un Belge doit céder à l'État 50 % de ses revenus. Un Français doit gagner 153.783 euros pour arriver à la dernière tranche d'imposition de 45 %.

L'UCM demande également que le facteur "risque" soit pris en compte. La taxation des dividendes tirés de son activité propre doit être revue à la baisse et les mécanismes favorables aux PME (boni de liquidation, régimes dits VVPR pour les dividendes) doivent être bétonnés. De même, la dispense totale et à vie des cotisations patronales sur la première embauche doit être prolongée au-delà du 31 décembre 2020. Il est aussi nécessaire d'indexer correctement la borne salariale sous laquelle un taux réduit s'applique. Sinon, l'effet de la diminution des taux de cotisations va s'éroder.

La baisse de l'impôt des personnes physiques ne peut pas être compensée par d'autres charges et taxes. Tout n'est pas à jeter mais les services publics belges coûtent trop cher par rapport à leur qualité. Le seul fonctionnement des administrations, au sens large, coûte 8 % du PIB (richesse produite) en Belgique et 5 % aux Pays-Bas. La différence représente 14 milliards d'euros.

Un milliard en moins de charges administratives : chiche ?

Les entrepreneurs sont débarrassés de la paperasserie administrative. Il y a de moins en moins de papiers. Mais les charges n'ont pas diminué pour autant. Au contraire, il semble que pour deux formulaires qui disparaissent, trois apparaissent. Les obligations en tous genres sont pénibles, voire insupportables pour beaucoup d'indépendants et de chefs de PME qui ne rêvent que d'une chose : faire leur travail.

Le coût des charges administratives pour les entreprises est estimé à six milliards d'euros en Belgique, dont quatre pèsent sur les épaules des indépendants et des PME. Pour l'UCM, il est possible de diminuer ce poids de 30 %, c'est-à-dire d'éviter que les entrepreneurs ne gaspillent un milliard d'euros et des milliers d'heures de travail.

Réduire les charges de 30 % n'est pas une incantation. C'est possible. Le mémorandum donne des pistes pour y arriver. D'abord exploiter les ressources du numérique en appliquant le principe "only once" : toute information communiquée à une administration est censée être connue par tous les services publics. Ensuite en généralisant le principe de confiance. Quand un entrepreneur formule une demande quelconque, il est supposé remplir les conditions. Un contrôle reste possible a posteriori.

L'UCM demande également, en amont de toute décision, un "test PME" qui vérifie son impact administratif sur les plus petites entreprises. Les conseils économiques régionaux devraient disposer d'une "sonnette d'alarme" quand une disposition légale génère des charges excessives.

Il y a aussi du travail à effectuer pour dissiper le cauchemar des contrôles fiscaux à répétition. L'UCM propose que les PME transparentes, qui font certifier leurs comptes par un professionnel du chiffre, soient dispensées de contrôle pendant cinq ans. Le principe est appliqué avec succès en France, où les entreprises qui jouent le jeu bénéficient même d'une réduction d'impôt.

Stop à l'injustice des pensions

La pension minimale des indépendants a été alignée en août 2016 sur celle des salariés. Elle est de 1.220 euros par mois pour un isolé. C'est l'aboutissement d'un long combat. Le montant attribué aux indépendants a doublé en quinze ans.

C'est le début d'un autre combat : celui pour la proportionnalité. Une enquête a montré que 82 % des indépendants attendent davantage d'équité.

En effet, la pension des salariés est calculée selon la règle des 60 %. Chaque année travaillée (ou assimilée) ouvre un droit permettant de conserver 60 % de son revenu plafonné, pour une carrière complète de 45 ans. Un salarié retraité reçoit ainsi entre 1.220 et 2.400 euros par mois.
Le calcul est le même pour les indépendants, mais sans possibilité d'années assimilées et avec un coefficient réducteur de 0,66. Le résultat est que l'immense majorité d'entre eux ne touche que le minimum. Il est impossible de recevoir plus que 1.580 euros par mois (66 % de 2.400).

Pour l'UCM, cette différence de traitement n'a plus de raison d'être. Un euro versé pour la pension doit ouvrir le même droit à n'importe quel travailleur, quel que soit son statut. Il n'y a aucune excuse à rejeter cette demande car la caisse de sécurité sociale alimentée par les indépendants (Inasti) est en boni structurel de quelque 300 millions d'euros par an et dispose d'une réserve de 3,5 milliards d'euros. Ce résultat a été atteint malgré un "financement alternatif" (à charge de la TVA et des accises) inférieur par tête de pipe à celui des salariés.

C'est le fruit de l'augmentation du nombre d'indépendants cotisants, mais aussi d'une gestion saine et prudente. Elle doit le rester. L'UCM demande une amélioration du "droit passerelle" à tous les cas de cessation forcée mais sans dépasser les douze mois actuels. Les indépendants doivent pouvoir se relancer, pas bénéficier d'un chômage illimité.

Préparer l'économie de demain

La protection de l'environnement et la lutte contre le réchauffement climatique seront des préoccupations majeures des prochaines années. Depuis presque vingt ans, l'UCM aide les entrepreneurs à remplir leurs obligations et à réduire leur consommation d'énergie. Cette expérience lui permet de formuler des propositions concrètes pour accélérer la transition vers une économie durable.

Des prêts à taux zéro, des aides plus simples à obtenir et disponibles dès 10.000 euros d'investissement, des incitants aux professionnels qui louent leurs installations : voilà des outils pour aller plus vite vers des économies d'énergie. La maîtrise du coût est essentielle. Pour les consommateurs de taille moyenne (beaucoup d'indépendants et de PME), les prix pratiqués en Belgique sont les troisièmes plus élevés d'Europe. Ce n'est pas le cas pour les gros consommateurs... C'est dû en partie à des frais de distribution excessifs.

L'UCM est favorable à une tarification des émissions de CO2 mais à une condition très stricte : l'argent récolté auprès des PME doit revenir intégralement aux PME pour la transition énergétique. Il ne peut être question de mettre en péril la compétitivité des entreprises.

En matière de mobilité, il faut dépasser l'obsession des voitures de société. Cet avantage salarial n'est pas intouchable, mais les alternatives – comme le budget mobilité – ne peuvent avoir pour conséquence d'augmenter le coût du travail. Pour réduire les bouchons, il y a de multiples autres choses à faire : un RER, des incitants au covoiturage, des transports en commun plus souples et plus fiables, etc.

Les entreprises en 2024, à la fin de la prochaine législature, seront plus "vertes" mais aussi plus digitalisées. Les robots et l'intelligence artificielle vont bousculer bon nombre de métiers. Le mémorandum UCM demande aux autorités, régionales cette fois, de piloter cette transition pour donner une longueur d'avance aux PME de Wallonie et de Bruxelles. Il faut évaluer les menaces et les opportunités, financer des programmes de recherche et proposer des marchés publics innovants, renforcer les aides à la consultance... Il est en outre totalement indispensable de consentir un énorme effort de formation, depuis l'école primaire jusqu'aux demandeurs d'emploi, en passant par les universités.

Les représentants des partis face aux entrepreneurs

Emmanuel De Bock, Antoine de Borman, Gilles Vanden Burre, Willy Borsus et Marc-Jean Ghyssels ont répondu aux questions de François Mathieu.

L'UCM a réuni fin mars plus de 500 indépendants et chefs de PME. Les partis politiques étaient invités à réagir aux trois priorités du mémorandum (baisse de la fiscalité et des charges administratives, hausse de la pension des indépendants).

Pour le MR, le ministre-président wallon Willy Borsus a affirmé vouloir poursuivre "l'offensive contre la fiscalité excessive" menée par son parti depuis 2014. La simplification administrative passe pour lui par des délais de rigueur et par la suppression des provinces. Quant à la pension, il est ouvert à la discussion pour voir comment utiliser les bonis du statut social des indépendants en fonction de leurs souhaits.

Gilles Vanden Burre, député fédéral Écolo, ne rejette pas une baisse des impôts sur le travail, mais "sans augmenter la précarité". Il regrette l'attitude soupçonneuse des administrations et propose un statut simplifié pour les starters pendant les cinq premières années. La proportionnalité de la pension des indépendants est pour lui "une priorité politique".

Le CDH avait envoyé le directeur de son service d'études, Antoine de Borman. Pour lui, une réforme fiscale suppose de réfléchir en parallèle à une sérieuse réduction du coût des pouvoirs publics. La simplification des règles fiscales est une priorité. Il souscrit à l'idée des délais de rigueur pour les administrations. En ce qui concerne la pension, il plaide pour une convergence des statuts salarié et indépendant.

Marc-Jean Ghyssels représentait le PS. Bourgmestre de Forest et député bruxellois, il s'est montré le plus sceptique sur une baisse des impôts : "Il faut assurer le financement des services publics, comme la justice." En matière administrative, il souhaite la création d'une banque de données pour les entreprises. Pour la pension, le PS veut garder la limite d'âge à 65 ans, avec 1.500 euros minimum pour tout le monde à la condition d'une carrière complète ramenée de 45 à 42 ans.

Le délégué Défi, Emmanuel De Bock, député bruxellois, veut une baisse de la fiscalité ciblée sur les bas revenus. Il souhaite des administrations qui renouent avec le principe de la présomption d'innocence et plaide pour la pension à points, liée aux années travaillées et aux cotisations payées, sans référence au statut de la personne.

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