Alain Joiret dirige une PME liégeoise octogénaire, spécialisée dans le vêtement de travail... mais de poussière, il n'est guère question ! Son avenir sent bon les épices et les plaisirs de la table.
Isabelle Morgante
Un après-midi proche des fêtes, UCM Magazine a rendez-vous au domicile d'Alain Joiret, dans les campagnes sprimontoises. C'est Caroline, l'épouse de l'entrepreneur, qui ouvre la porte sur une maison contemporaine, vivante, où l'on se sent d'emblée bienvenu. L'accueil par Alain Joiret est tout aussi chaleureux. Avec cette petite lueur de malice dans les yeux, il prend les devants, sans chichis, et se dirige vers son alambic, tout droit venu du Portugal.
Il fait chaud dans ce local, "moite" comme on dit à Liège, mais c'est lié au processus de distillation du "Nom di Gin", la dernière idée (concrétisée) de ce chef d'entreprise déjà à la tête de Halleux, un célèbre magasin d'articles d'équipements de sécurité à Rocourt.
Vendu à plus de 1.000 exemplaires en à peine plus de deux mois, le "Nom di Gin" développe des arômes de bergamote et cardamome.
Chaque chose en son temps. D'abord le gin. "J'achète de l'alcool de vin à 96,4 degrés au Portugal, j'essaie vraiment de faire comme là-bas, en distillant mon gin, ce que ne font pas tous les producteurs connus sur la place. Beaucoup utilisent de l'alcool de grain trois fois moins cher et moins fin", explique-t-il. Au bout d'un processus de près de 14 heures, le gin d'Alain Joiret développe des arômes de bergamote et de cardamome. Mis en bouteille à 43 degrés, il peut donc revêtir le label "Premium", délivré aux produits titrant 43 degrés au minimum.
Depuis sa commercialisation courant novembre, "Nom di Gin" (appellation dérivée de l'expression liégeoise favorite d'Alain Joiret "Nom di dju"), le précieux breuvage épicé et aromatique s'est vendu à plus de 1.000 bouteilles et l'engouement est exponentiel. "Je suis un amoureux des épices découvertes lors de nos voyages “sac à dos”. J'aime tellement la gastronomie et les saveurs que j'ai suivi une formation cuisine de trois ans en cours du soir IFAPME." Fumeur amateur de saumon, Alain emmène souvent Caroline en voyage pour partager l'altruisme de sa vision du monde. L'Inde, le Maroc, le Sénégal ou encore l'Égypte (entre bien d'autres pays) sont déjà épinglés sur une mappemonde. "Nom di Gin", c'est la continuité de cet amour pour les bonnes choses, au même titre que le saumon. "Le gin, c'est 50 % de baies de genévrier et 50 % d'imagination", résume-t-il. Et d'ajouter : "Ce travail de distillerie me plaît beaucoup car il complète mon métier. Il y a une plus-value en fabriquant quelque chose. Je ne suis pas bricoleur et à l'exception d'un bic, je ne tenais rien dans mes mains."
Ouvrir les horizons
Pour parler de son parcours de chef d'entreprise, Alain Joiret prend place dans le séjour. Benjamin, son petit garçon venu du bout du monde (d'origine éthiopienne), dessine dans un coin mais garde une oreille sur la conversation menée par ses parents : "Papa, il a toujours plein d'idées !" Ce que confirme la maman, Caroline, comptable de la PME Halleux. "Il est épicurien, a un grand cœur et est bienveillant. Il transmet son enthousiasme à son équipe, son savoir également et n'écrase jamais les gens en utilisant sa grande culture. C'est quelqu'un de motivant."
Pigeon voyageur aussi. Après avoir décroché son diplôme aux HEC (selon lui, "on y apprend rien de la vie, sinon d'apprendre"), Alain Joiret fait son service militaire en Allemagne, dans l'artillerie, avec des Flamands, l'objectif étant de se perfectionner dans les deux langues.
Il est ensuite engagé au siège liégeois d'une entreprise anversoise spécialisée dans l'équipement de protection individuelle. L'aventure dure dix ans. "J'ai appris à gérer un budget, les achats, le processus de vente et le personnel. Nous étions douze, la polyvalence d'une PME y était primordiale." Préavis en poche, il entreprend son premier grand voyage "sac à dos" entre le Guatemala et l'Équateur. Son apprentissage de l'espagnol en cours du soir lui permettra d'aller à la rencontre des populations et de se faire plaisir, notamment en passant son brevet de plongée. "On apprend à être plus humain, à relativiser et à mesurer notre chance." De retour en Belgique, Alain travaille cinq ans dans la filiale hesbignonne d'un fabricant de chaussures de sécurité. "Je suis un vrai Wallon. Certes les Flamands respectent les procédures, mais nous sommes plus créatifs et moins rigides."
Halleux en sécurité
Les établissements Halleux existent depuis 80 ans, ils sont installés chaussée de Tongres à Rocourt.
Vient alors le temps de la consultance et de l'audit pour le compte d'un levier public d'investissement. L'objectif est de redresser des PME en décrépitude. Un défi qui tient une fois sur deux du miracle.
"J'ai d'abord remplacé l'administrateur provisoire chez Halleux pour prendre les commandes de l'entreprise, lui donner un nouveau souffle et la sortir du marasme dans lequel elle avait été plongée. J'ai finalement racheté l'entreprise en juin 2012." Aujourd'hui, le magasin, connu comme Barabbas à la passion en province de Liège, compte quatre collaborateurs en plus de son patron.
"Nous évoluons dans un secteur très concurrentiel et local (d'autres grosses locomotives liégeoises, séculaires, tiennent à leurs parts de marché). C'est pourquoi nous développons les thèmes de l'intérim et du magasin, en couvrant tous les niveaux de qualité. Nous avons aussi élargi notre carnet de fournisseurs et allons chercher de la marchandise en Asie et en Europe de l'Est. Le marché y est plus direct (pas d'intermédiaire) et c'est là où nous avons trouvé le meilleur rapport qualité-prix", détaille l'entrepreneur.
Signe des temps, Alain Joiret s'est adapté à la nouvelle façon de "commercer" en investissant dans une refonte complète de son site internet, désormais agrémenté d'un e-shop. "C'est un secteur particulier où l'on réfléchit davantage qu'ailleurs, mais nous sommes précurseurs sur le web et c'est une bonne chose."
Quant à l'avenir de son gin, l'homme le voit sans grimoire, uniquement pour se faire plaisir. Son esprit foisonnant travaille déjà à d'autres créations, toutes axées sur l'olfactif et le gustatif.
Fabienne Lejeune gère le dossier de l'entreprise au Secrétariat social UCM Liège.
Autonomie et structure
Alain Joiret est inscrit au Secrétariat social UCM. C'est Fabienne Lejeune qui gère son dossier. Elle travaille à l'UCM Liège depuis 2001. "J'ai besoin que les choses tournent seules dans l'entreprise, explique Alain Joiret. J'aime que les gens soient autonomes, pour ne pas devoir m'appesantir sur le secondaire. Je peux ainsi me concentrer sur mon job qui est de bien acheter, bien organiser et jouer avec le curseur de la polyvalence au sein de ma PME. Je donne une structure aux collaborateurs, un vade-mecum à connaître de cinq pages : les “règles et conseils” de l'entreprise à appliquer. Avec l'UCM, c'est pareil. Tout se passe parfaitement bien avec Fabienne. Je pose surtout des questions juridiques, je n'ai jamais eu de réel souci."
Une version corroborée par Fabienne. "J'ai vraiment de très bons contacts avec l'entreprise, qui n'hésite pas à poser des questions juridiques et remplir les grilles de prestations électroniquement. C'est un dossier qui roule..."
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