Le tourisme d'affaires est en expansion en Wallonie

  • Le séminaire avec baptême de piste puis restauration est devenu un classique au circuit de Spa-Francorchamps.

Si Bruxelles et la Flandre captent les grands congrès, la Wallonie se positionne sur le créneau du séminaire au vert, avec détente culturelle ou sportive. Moins spectaculaire mais ça marche...

Jean-Christophe de Wasseige

Offrir à des employés un baptême de piste à Spa-Francorchamps, puis un déjeuner au sein de l'hôtel de l'Eau Rouge, situé au pied du Raidillon : c'est une des possibilités en matière de tourisme d'affaires que propose le circuit des Ardennes. C'est aussi un bon exemple de l'offre Mice qui rencontre un certain succès en Wallonie. Mice ? Il s'agit de l'abréviation anglaise pour "meetings, incentives, conferencing, exhibitions". Un raccourci branché pour désigner un secteur économique qui intéresse plus d'un hôtelier et gestionnaire de salles.

C'est que les touristes "professionnels" dépensent plus que les familles. Chez nous, 97 euros par personne et par jour, contre 60 euros. Ils permettent aussi de remplir les plannings hors saison. Tout bonus. Enfin... à un détail près. À chaque période de crise, leurs rangs s'éclaircissent. Les entreprises coupent en effet dans leurs budgets, annulent les manifestations, réduisent la durée des mises au vert.

À la traîne ou à la page ?

Comment se porte ce secteur du côté wallon ? Il a souvent été décrit comme à la traîne. Les Mice représentent seulement 8 % du tourisme total (pourcentage des arrivées sur le lieu de destination). Alors que la moyenne mondiale est de 14 %. Trois raisons ont été avancées pour expliquer ce décalage : "une forte atomisation des acteurs, une accessibilité parfois difficile, ainsi que la taille (trop petite) des entreprises touristiques." C'est ce qu'expliquait le ministre wallon du Tourisme, René Collin (CDH), voici un an lors du déblocage d'un budget wallon et européen de 1,5 million d'euros pour améliorer la situation.

Tout le monde ne partage pas le constat. Pour José Clossen, consultant en tourisme et gérant du bureau Territoires et Tourismes, il n'y a pas de retard wallon. "Le tourisme d'affaires ne se porte pas mal en Wallonie. Il y existe toute une série d'opérateurs et ils ont réussi à s'adapter aux demandes de la clientèle." Le secteur est donc déjà développé. Et il est en croissance. On parle de 5,7 % par an. Le chiffre est donné par Wallonie Belgique Tourisme (WBT), le nouvel office de promotion du sud du pays mis en place en 2017.

La différence entre les deux appréciations provient sans doute du fait que l'on compare des situations différentes. Bruxelles et les grandes villes de Flandre captent l'essentiel des congrès et des salons BtoB ("business to business"), événements qui drainent beaucoup de monde. La Wallonie, elle, s'est spécialisée dans les séminaires et les incentives, activités à moindre volume mais également rentables.

Les congrès dans la capitale

En matière de grands événements, nationaux ou internationaux, le sud du pays est en effet à la peine. Malgré un nombre pléthorique de palais de congrès ! Chaque ville a voulu posséder le sien (au fil des décennies, il est vrai) : Liège, Charleroi, Tournai, Mons, Marche, Libramont, Namur, Ciney, La Louvière... Cela en fait des mètres carrés à rentabiliser ! En réalité, ces infrastructures servent davantage aux foires et salons grand public.

Il y a deux raisons à cela. D'abord, l'offre hôtelière dans ces mêmes villes – qui ressort du secteur privé – n'a pas les moyens de suivre. Il y a donc une sous-capacité. Difficile de loger les participants d'éventuels colloques de (très) grande taille. Ensuite, Bruxelles aspire une partie considérable de cette activité "congrès". Elle dispose de 200 hôtels et d'autant de lieux de conférence.

"La concurrence de Bruxelles est imbattable", reconnaît Pino Frau, chef de projet au sein de Wallonie Belgique Tourisme (WBT). D'ailleurs, on n'essaie même pas de rivaliser. Par contre, nous disposons de bons atouts pour accueillir des groupes plus petits, de 10 à 80 personnes." Cela concerne donc les parties "meetings" et "incentives" de l'offre Mice.

Séminaires et lieux de caractère

Un constat que partage José Clossen. "La Wallonie a énormément d'atouts dans le domaine des séminaires et plus spécifiquement des séminaires au vert. Elle dispose de lieux de caractère qui sont appréciés pour ce faire. C'est là que se situe son avantage concurrentiel." Et en effet, de tels endroits sont légion : ensembles historiques (par exemple l'Abbaye de la Ramée à Jauchelette), parcs d'attractions (tel Pairi Daiza à Brugelette), golfs (comme celui du Bercuit à Modave), hôtels de charme (l'Auberge de la Ferme à Rochehaut...), bâtiments culturels (l'Opéra royal de Wallonie à Liège...), sites naturels (le Domaine des Grottes de Han...), etc.

Cette liste n'a rien d'exhaustif. Une soixantaine de destinations sont mises en avant par le WBT dans ses brochures, rien que dans le haut de gamme. Et selon une banque de données des autorités, il y aurait entre 250 et 300 acteurs Mice "de bonne qualité" en Wallonie.

Beaucoup de ces sites, petits ou grands, ne proposent pas que des salles de réunion. Ils prévoient des activités de détente. Soit en les organisant eux-mêmes, soit en travaillant avec une attraction de leur région, soit en faisant appel à des agences spécialisées en team building. "C'est une tendance lourde de la demande Mice aujourd'hui, explique Pino Frau. Il faut proposer une animation après la réunion de travail. La demande type, c'est une matinée studieuse et une après-midi ludique ou culturelle."

Incentives pour tous les goûts

Dans le domaine des "incentives", l'offre wallonne apparaît également bien diversifiée. Il y en a pour les sportifs : parcours d'accrobranche, randonnée, karting, bataille aux pistolets laser, "Fort Boyard" dans des châteaux, ski indoor... Pour les cérébraux : visite culturelle, jeu de piste urbain, vol sur simulateur d'avion... Pour les gourmands : atelier culinaire, rallye de cafés, initiation au travail du chocolat... Et même pour les excentriques : nourrissage de loups, challenge néolithique...

"Cette offre s'est professionnalisée, complète Damien Mayart, le patron de New Dimension, une agence organisatrice d'événements basée à Pont-à-Celles. En ce qui nous concerne, lorsqu'un client nous contacte, nous discutons d'abord avec lui pour établir ses besoins exacts. Si son but est d'offrir une récompense à ses employés, nous proposons, par exemple, une séance de karting. S'il s'agit de travailler la cohésion de ses équipes, l'activité passera par une “escape room” à quelques personnes (NDLR : lire par ailleurs). S'il s'agit de raffermir l'appartenance de tous à la société, on optera pour la confection d'une fresque par tous les salariés. Etc. Cette étape de préparation en amont est cruciale. Car les clients Mice sont de plus en plus exigeants..."

Papillonnage

Si se spécialiser dans les séminaires au vert et dans les incentives permet de tirer opportunément parti des atouts naturels et patrimoniaux de la région, cela s'avère un peu plus compliqué à gérer. "C'est un business qui est moins répétitif que le congrès, estime ainsi Thomas Dooms, responsable Mice au Circuit de Spa-Francorchamps. Un congrès revient en effet tous les ans. À chaque fois, hôtels et restaurants sont réservés. Dans le cas du séminaire et de l'incentive, la société cliente vient une fois, puis l'année suivante, change d'endroit et essaie une autre formule. Ce public est plus difficile à fidéliser." La solution, dès lors ? "Se réinventer et être flexible."

Des "Conventions Bureaux" dans les provinces

Pour tenter de remédier à la dispersion des opérateurs touristiques sur le terrain, des "Conventions Bureaux" ont été mis en place entre 2009 et 2015 dans chacune des provinces wallonnes : Hainaut, Liège, Namur, Luxembourg et Brabant wallon. Ces "Bureaux" sont gérés par deux ou trois agents issus des fédérations provinciales de tourisme.

Leur job est de conseiller les entreprises clientes qui souhaiteraient organiser un événement Mice. Ils peuvent prendre en charge l'organisation d'une journée. Pour ce faire, ils contactent les hôteliers, gestionnaires de salles ou organisateurs d'animations ; établissent avec eux un programme ; réservent les lieux. L'avantage pour la clientèle est qu'elle se trouve face à un interlocuteur unique.

"Une de nos priorités actuelles est de développer des offres packagées, précise Thibault De Coninck, coordinateur Mice pour le Hainaut. Cela consiste à assembler deux types de service. Du meeting et du divertissement. Ou encore de l'hébergement et du divertissement. Un exemple : l'hôtel Van der Valk de Mons travaille depuis quelque temps avec le Royal Golf Club du Hainaut. Le premier assure une nuitée, le second une initiation au swing. Ces offres, c'est la garantie que l'entreprise cliente ne doit s'occuper de rien."

Les forces et faiblesses

En 2014, le bureau de consultance français Second Axe (aujourd'hui Axequo) fut sollicité par les autorités pour dresser un diagnostic du tourisme en Wallonie. Ce document est à ce jour le plus complet sur la question. Même si la situation a évolué, certaines de ses conclusions restent vraies. Résumé en sept points.

  • L'offre en matière de centres de congrès et de parcs d'exposition est "trop abondante par rapport à la demande."
  • La capacité hôtelière pour les grandes organisations est "insuffisante partout", condamnant à des événements d'une journée.
  • En ce qui concerne les hébergements pour plus petites réunions, l'offre apparaît "intéressante et diversifiée, dans toutes les provinces."
  • Les lieux pour les séminaires et les incentives sont "nombreux et originaux" : abbayes, châteaux, parcs d'attractions, fermes...
  • Les agences et les sociétés organisatrices d'événements sont jugées "professionnelles, créatives et motivées."
  • Les traiteurs, qui sont des prestataires incontournables de chaque opération Mice, sont "tout à fait de bon niveau."
  • La clientèle Mice est avant tout wallonne et bruxelloise. Le reste provient de Flandre, de France et des Pays-Bas.

Carton plein pour les "escape rooms"

Une "escape room" : le concept est originaire du Japon.

La dernière tendance en matière de tourisme d'affaires s'appelle "escape room". Il s'agit d'un jeu. Un groupe de deux à dix personnes est enfermé dans une pièce. Pour en sortir endéans les délais (60 minutes), les participants doivent déchiffrer des indices, résoudre des énigmes, agir en commun et trouver la clé de la porte. Certains décors procurent une immersion totale. Chaque escape room a sa propre thématique, parfois inspirée de l'histoire locale.

Nées au Japon il y a une dizaine d'années, ces chambres d'énigmes continuent d'essaimer à travers le monde. Le virus a atteint Bruxelles en 2015. Il contamine aujourd'hui le sud du pays. Depuis un an, les endroits se multiplient : EnigmaLock à Namur ; Get Out, Evasion Room et Keywi à Liège ; L'Échappatoire à Tournai ; In the Room à Mons ; Le cabinet de maître Hembise et Escape Room à Charleroi ; Treasure House à Durbuy ; The Abbey à l'abbaye de Stavelot ; Alleluias à Grez-Doiceau ; Seek Out au Bastogne War Museum...

Ces attractions sont fréquentées par les fans de jeux, les familles mais aussi par les entreprises à la recherche d'une activité de team building. "Elles apprécient le travail en équipe que suppose l'exercice, explique Jonathan Waime, le créateur d'In the Room à Mons. Entrer dans une escape room implique en effet que tous les membres du groupe partagent le même objectif, qui est de sortir. Cela diffère donc de certaines activités classiques, comme le karting ou le paintball. Là, les employés agissent les uns contre les autres. Ici, non. Ils doivent dialoguer et échanger leurs informations. Les escape rooms sont donc très efficaces du point de vue de la cohésion."

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