Le nouveau paysage du soutien aux familles

  • 6,5
    milliards d'euros par an sont versés aux familles
  • 2,8
    millions d'enfants bénéficiaires dans le pays
  • 196.000
    le nombre d'enfants que Camille a déjà sous son aile

Le transfert des allocations familiales du fédéral aux Régions bouleverse les montants accordés. Il donne aussi un rôle élargi aux caisses de paiement. Celle de l'UCM est devenue Camille. Le changement de nom reflète la nouvelle mission.

Thierry Evens

Plus de la moitié des ménages intègrent les allocations familiales dans leur budget. L'argent versé ne sert donc pas à des extras, des loisirs ou des vacances. Il sert à vivre, tout simplement. S'il fait défaut, la famille ne parviendra pas à nouer les deux bouts et risque de tomber dans la précarité, de priver les enfants du nécessaire.

Ceci explique l'extrême lenteur du transfert de la responsabilité des paiements du fédéral aux Régions. La décision a été prise en 2011, votée en 2013. La mutation ne sera terminée qu'en 2021. Il aura fallu dix ans pour mener à bien, avec toute la prudence nécessaire, une opération dont l'utilité est très discutable. Les trois Régions (et la Communauté germanophone pour être complet) mettent en place des systèmes assez éloignés du fédéral, mais proches les uns des autres. Une réforme nationale aurait pu donner à peu près les mêmes résultats. Mais il fallait contenter les autonomistes du nord du pays.

Nouveaux principes

Actuellement, sans rentrer dans les détails, le montant des allocations familiales dépend du rang de l'enfant et de son âge. Le versement est de 94 euros par mois pour le premier enfant, 174 euros pour le deuxième et 259 euros pour le troisième et les suivants. Les suppléments d'âge sont octroyés à six, douze et dix-huit ans. Ils dépendent aussi du rang de l'enfant et peuvent aller jusqu'à 63 euros de plus par mois.

En Wallonie, seuls les bébés qui naîtront à partir du 1er janvier 2020 seront concernés par le nouveau montant d'allocations familiales.

La Wallonie et la Flandre octroieront un montant unique par enfant, de 155 euros au sud et 160 euros au nord. Bruxelles a adopté un système plus complexe, allant de 140 à 170 euros par mois selon l'âge et la taille du ménage. Globalement, le gain est important pour un enfant unique de moins de six ans (de 94 à 155 euros en Wallonie). Une famille avec quatre adolescents y perdra.

Ces barèmes entreront en vigueur au 1er janvier 2020 (2019 en Flandre), mais uniquement pour les nouveau-nés. Pour les enfants venus au monde avant cette date, rien ne changera. Sauf à Bruxelles où tout le monde basculera dans le nouveau système en 2025.

Deux grands progrès

Il existe aujourd'hui des suppléments sociaux accordés selon la nature de la famille et le niveau de revenus. Certains ménages aux revenus inférieurs à 2.452 euros brut par mois ont droit à un complément d'allocations de 30 à 103 euros selon le rang et l'âge de l'enfant. Les Régions vont moduler le système avec deux plafonds de revenus, de l'ordre de 30.400 et 50.000 euros par an. Elles vont aussi généraliser l'accès à ces suppléments. Ils ne seront plus liés au statut des parents (pensionné, chômeur...). Dans les faits, cela les rend accessibles aux indépendants avec de faibles revenus.

Une autre amélioration concerne les caisses d'allocations familiales. Pour des raisons historiques, c'est l'employeur qui choisit l'opérateur pour les enfants de ses salariés. À l'avenir, ce seront les parents eux-mêmes. En 2021, ils pourront tous opérer un choix. En 2019 et, dans les faits, dès maintenant, ils sont libres pour une première naissance.

Cette révolution bouleverse les pratiques. Jusqu'à présent, les caisses avaient pour unique mission de verser les allocations exactes, à temps et à heure. Pour attirer les familles, elles vont rendre des services supplémentaires.

Les grandes manœuvres des caisses

Il existe aujourd'hui onze caisses privées d'allocations familiales, liées aux groupes sociaux patronaux. En règle générale, les salariés sont desservis par la caisse liée au secrétariat social de leur employeur et les indépendants par celle du groupe où ils paient leurs cotisations sociales. Les fonctionnaires et agents des services publics relèvent d'une douzième caisse, Famifed, qui s'occupe également des "cas résiduaires", c'est-à-dire les familles qui ne sont inscrites nulle part ailleurs. Elle a aussi, bizarrement, la responsabilité de verser les allocations pour les enfants des salariés de l'horeca.

Demain, il n'y aura plus dans chaque Région que quatre caisses privées et une caisse publique, sans monopole. Tous les parents auront la liberté de choix. Les groupes sociaux à dominante flamande se sont regroupés pour créer trois caisses qui seront présentes dans les trois Régions : Parentia, In Fino et Kids Life. Xerius complétera l'offre en Flandre. Le seul groupe francophone, l'UCM, a rebaptisé sa caisse d'allocations familiales Camille pour signifier sa nouvelle proximité avec les familles. Elle sera présente en Wallonie et à Bruxelles.

En 2021, les personnes qui ont déjà des enfants seront toutes invitées à choisir leur caisse. Pour une première naissance, c'est en 2019 que les futurs parents devront poser un choix. Dans les faits, dès maintenant, c'est le cas. Quand un enfant s'annonce, les familles peuvent contacter la caisse de leur choix, qui prendra en charge leur demande.

"Nous devons convaincre les familles"

Vincent Edart est le directeur général de Camille, la caisse d'allocations familiales de l'UCM. C'est une des rares personnes en Belgique qui maîtrisent le dossier du transfert de la compétence aux Régions.

  • - Pensez-vous que la régionalisation se fera sans dommages pour les familles ?

    - Il le faut ! Les allocations font partie intégrante du revenu du ménage pour la plupart des familles. Elles sont intégrées dans leur budget. Aucune perturbation du service ne serait acceptable.

  • - Retirer la compétence au fédéral était une mauvaise idée ?

    - Le transfert a coûté et coûtera encore très cher. Il n'était pas nécessaire. Les Régions ont mis en place des systèmes très semblables, avec des écarts dans les montants qui sont marginaux. La plus grande différence, c'est que la Flandre a intégré des incitants à la scolarité sous forme de primes. Les francophones n'ont pas pu le faire parce que le budget de l'enseignement dépend de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

  • - Le transfert entraîne une révolution : ce sont les familles qui vont choisir leur caisse...

    - Jusqu'à présent, cela dépendait de l'employeur. Quand un chef de PME occupant vingt personnes était client du Secrétariat social UCM, il envoyait vingt familles à notre caisse d'allocations familiales. À l'avenir, il faudra convaincre ces familles une par une.

  • - Comment se différencier des autres caisses ?

    - Sur le métier de base, c'est impossible. Chaque caisse paiera les mêmes montants le même jour. C'est la loi. Proposer des services complémentaires comme le font les mutuelles est interdit. Nous devrons donc être les meilleurs sur l'information donnée aux familles et l'orientation vers les bons services. Une famille contacte sa caisse quand elle vit un événement comme par exemple une séparation ou la fin de la scolarité d'un enfant. Elle a des questions sur les allocations, mais pas seulement. Elle s'interroge sur la fiscalité, la pension alimentaire... Camille donnera les réponses, expliquera les démarches à entreprendre, les organismes à rencontrer, etc.

  • - Informer et accompagner, ce sont les deux atouts de Camille ?

    - Ajoutons-y la proximité ! Proximité physique avec huit bureaux permanents, mais aussi une nouvelle succursale à Tournai dès juillet et sept points de contact en Wallonie. Proximité virtuelle avec la possibilité de consulter son dossier et d'effectuer des démarches en ligne.

Camille en pratique

  • 110 collaborateurs formés depuis des mois au conseil client
  • 8 succursales (Bruxelles, Charleroi, Liège, Namur, La Louvière, Verviers, Libramont, Louvain-la-Neuve) et des points de contact (Mons, Tournai, Arlon, Huy, Philippeville ; d'autres suivront).
  • sur internet (camille.be ou allocationsfamiliales.be), la possibilité d'inscription en ligne grâce au certificat de grossesse, un espace privatif pour suivre son dossier, un agenda, des tas d'infos...
  • des événements pour les familles (les Journées de Camille) avec ateliers, animations et bourse d'échange aux vêtements et objets de puériculture.
  • 185.000 enfants en Wallonie et 11.000 à Bruxelles, avec la ferme intention de croître !

[ camille.be }

 

Être indépendant et parent, c'est compliqué !

Plus d'un quart des indépendantes ne prennent pas leur congé de maternité entièrement.

Un enfant d'indépendant a-t-il moins de valeur qu'un enfant de salarié ? La réponse a longtemps été oui ! Ce n'est qu'en 2014 que les montants des primes de naissance et des allocations familiales sont devenus les mêmes, quel que soit le statut des parents.

Il reste une différence pour le congé de maternité payé. Il est en principe de quinze semaines pour une salariée et de douze semaines pour une indépendante. Celle-ci bénéficie, pour compenser cette plus courte durée, de 105 titres-services gratuits et peut, sur ses douze semaines de congé, en convertir une partie (maximum neuf) en régime mi-temps (couvrant donc maximum dix-huit semaines). Moyennant ces aménagements, les indépendantes sont en majorité (72 % selon l'enquête UCM) satisfaites de leur sort et ne réclament pas quinze semaines de congé.

En effet, la pression de leur activité professionnelle complique la vie des parents qui ont créé leur propre emploi. Une enquête réalisée en novembre 2017 par l'UCM et la Ligue des familles a montré que 90 % d'entre eux ont du mal à articuler leur métier avec leur vie privée. Chez les salariés et les fonctionnaires, le taux est quasiment deux fois moindre. Faire tourner une entreprise est une responsabilité qui pompe du temps et de l'énergie. La pression des clients et des charges diverses n'autorise pas les parents à se consacrer tranquillement à leur famille.

D'ailleurs, 27 % des mamans indépendantes ne prennent pas la totalité de leur congé de maternité et près de deux papas sur trois n'arrêtent pas un seul jour après la naissance de leur enfant.

Cette situation est préoccupante, mais sans solution simple. L'UCM a réclamé et obtenu la possibilité du congé de maternité à mi-temps. Elle soutient l'idée d'une forme de congé de paternité qui n'oblige pas à cesser le travail, mais qui soit plutôt un incitant financier à lever le pied. Enfin, sur un autre plan, l'UCM réclame une amélioration des structures d'accueil des enfants en bas âge, qui à l'heure actuelle sont souvent mal adaptées aux réalités des indépendant(e)s.

 

Le calendrier du transfert

10/10/2011

Le principe est décidé

19/12/2013

Le transfert est voté au Parlement

01/06/2016

Accord en Flandre sur de nouveaux barèmes

09/02/2017

Accord en Wallonie

28/03/2018

Accord à Bruxelles

09/06/2018

Naissance de Camille, la caisse d'allocations familiales de l'UCM

01/01/2019

Extension des suppléments sociaux à l'ensemble des familles - Généralisation du choix de la caisse par les parents pour une première naissance - Flandre : nouveaux montants pour les enfants à naître

01/01/2020

Wallonie et Bruxelles : nouveaux montants pour les enfants à naître

01/01/2021

Choix de la caisse pour toutes les familles

01/01/2025

Bruxelles : tous les enfants basculent dans les nouveaux barèmes

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Wallonie : extinction des barèmes actuels

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